Que peut attendre la diplomatie mondiale d’un troisième mandat de Narendra Modi ?

Le premier ministre indien, Narendra Modi, a salué mardi ses partisans lors de son arrivée au quartier général du Bharatiya Janata Party (BJP), à New Delhi, en Inde, dans la foulée de sa victoire aux élections législatives.
Photo: Manish Swarup Associated Press Le premier ministre indien, Narendra Modi, a salué mardi ses partisans lors de son arrivée au quartier général du Bharatiya Janata Party (BJP), à New Delhi, en Inde, dans la foulée de sa victoire aux élections législatives.

Le premier ministre nationaliste hindou, Narendra Modi, qui a déjà notablement renforcé l’influence diplomatique de l’Inde en dix ans au pouvoir, entend, au cours de son troisième mandat, faire du pays un acteur incontournable du Sud global. Il tentera de le faire au sein d’une coalition gouvernementale composée de 15 formations alliées qui totalisent, avec le parti de M. Modi, 293 sièges au Parlement, s’adjugeant ainsi son contrôle.

Le dirigeant s’est positionné comme l’un des principaux porte-parole du Sud global, un groupe peu structuré, et ses cinq années supplémentaires à la tête du pays le plus peuplé du monde devraient l’aider à figurer parmi les leaders les plus puissants de la planète, malgré une majorité parlementaire réduite à l’issue des législatives.

Le premier ministre de 73 ans fait campagne pour que l’Inde, qui a dépassé la Chine sur le plan de la population et qui dispose de l’arme atomique, obtienne un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.

Désireux de trouver un contrepoids à la puissance militaire et économique de Pékin, les pays occidentaux sont aux petits soins pour le géant d’Asie du Sud, devenu la cinquième économie mondiale et un client de choix pour les exportations d’armes et d’avions, et ce, malgré l’inquiétude des défenseurs des droits qui dénoncent un autoritarisme croissant et un recul des libertés.

« M. Modi sera l’un des dirigeants les plus importants de la scène mondiale, avec trois victoires électorales à son actif », prédit Harsh V. Pant, professeur de relations internationales au King’s College de Londres. « Il s’est fixé de grandes ambitions pour lui-même et pour l’Inde et il est peu probable qu’il fasse des compromis. »

M. Modi a su profiter de la présidence indienne du G20 en 2023 pour redorer son blason à l’étranger. Il espère aussi tirer profit de la Coupe du monde de cricket organisée l’an dernier par son pays pour décrocher l’organisation des Jeux olympiques d’été 2036.

Voici ce que l’on peut attendre d’un troisième mandat de Narendra Modi sur le plan diplomatique.

États-Unis et Europe

L’Inde fait partie, avec les États-Unis, le Japon et l’Australie, du Quad, une alliance militaire informelle créée en réponse aux ambitions croissantes de la Chine dans la région Asie-Pacifique.

Le président Joe Biden a qualifié la relation avec New Delhi de « partenariat majeur du XXIe siècle » et vanté des « valeurs communes » lors d’une rencontre à Washington l’an dernier.

En février, les États-Unis ont approuvé la vente de drones de haute technologie pour 4 milliards de dollars à l’Inde, qui modernise sa défense face à la puissance des forces armées chinoises.

L’an dernier, la justice américaine a inculpé un Indien pour avoir planifié un assassinat à New York, avec l’assentiment de l’agence de renseignement indienne.

L’Inde se rapproche aussi des pays européens, notamment de la France, avec qui elle négocie de nouveaux contrats de défense de plusieurs milliards d’euros, dont des avions de chasse Rafale et des sous-marins Scorpène.

M. Modi avait été invité d’honneur du défilé militaire du 14 juillet à Paris, l’an dernier.

Chine

Si la Chine est le grand rival de l’Inde, elle reste son deuxième partenaire commercial.

Pékin et New Delhi sont aussi tous deux membres, aux côtés de Moscou et d’autres, de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), un groupe régional.

Les relations entre les deux pays se sont toutefois envenimées depuis un affrontement sur leur frontière commune dans l’Himalaya en juin 2020, où 20 soldats indiens et au moins quatre militaires chinois ont été tués.

Les revendications territoriales restent une source constante de tensions dans cette zone, où des dizaines de milliers de soldats se font face.

Le gouvernement indien a investi des milliards de dollars pour ses frontières et a augmenté ses dépenses militaires de 13 % l’an dernier. Ce qui ne représente toutefois qu’un quart du budget militaire de la Chine.

Pour Jayant Prasad, un ancien ambassadeur indien, les « relations conflictuelles » vont perdurer. « L’Inde, avec ses amis, essaiera de freiner l’affirmation de la Chine », selon lui.

Sud global

Narendra Modi a qualifié cette semaine New Delhi de « voix forte et importante du Sud ».

Hôte, l’an dernier, du sommet du G20, l’Inde a travaillé pour qu’il accueille dans ses rangs l’Union africaine (UA), un signal fort pour l’Afrique qui a contribué à consolider la position du pays comme un leader des pays du Sud.

L’Inde est aussi l’un des membres fondateurs des BRICS, organisation représentant les puissances émergentes, regroupant notamment le Brésil, la Russie, la Chine et l’Afrique du Sud.

Russie

La Russie et l’Inde entretiennent de bonnes relations depuis la guerre froide et la Russie reste de loin son plus grand fournisseur d’armes.

L’Inde, qui a évité de condamner explicitement la Russie pour son invasion de l’Ukraine et qui s’est abstenue lors des votes de résolutions à l’ONU visant Moscou, est également devenue un des principaux débouchés pour le pétrole vendu à prix réduit par la Russie.

M. Modi a félicité, en mars, Vladimir Poutine pour sa réélection et s’est déclaré impatient d’accentuer leur relation « spéciale ».

Pakistan

Le gouvernement de M. Modi a refusé tout contact avec son rival historique, le Pakistan, après avoir accusé Islamabad de se livrer à du « terrorisme transfrontalier ».

L’Inde et le Pakistan, depuis leur indépendance en 1947, revendiquent la souveraineté sur la totalité du Cachemire. Ce territoire himalayen a été la cause de deux des trois guerres entre les deux pays.

New Delhi accuse Islamabad de soutenir les séparatistes, ce que le Pakistan réfute.

En 2015, peu après sa première élection, Narendra Modi avait effectué une visite surprise dans la ville pakistanaise de Lahore, mais les relations se sont depuis effondrées depuis la révocation du statut de semi-autonomie du Cachemire indien en 2019.

En mars, M. Modi a tout de même félicité son homologue pakistanais, Shehbaz Sharif, pour son retour au pouvoir, ce qui a été interprété comme un geste de bonne volonté et a ravivé l’espoir d’un dégel entre ces pays tous deux dotés de l’arme nucléaire.

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