Ottawa interdira la récolte forestière sur 1,6 million d’hectares pour protéger le caribou

L’interdiction de récolte forestière par le fédéral touche 300 000 hectares de forêt pour protéger l’habitat des hardes de Charlevoix et de Val-d’Or, ainsi qu’un million d’hectares pour la harde du Pipmuacan.
Photo: Peupleloup Creative Commons L’interdiction de récolte forestière par le fédéral touche 300 000 hectares de forêt pour protéger l’habitat des hardes de Charlevoix et de Val-d’Or, ainsi qu’un million d’hectares pour la harde du Pipmuacan.

Dans le cadre de son décret pour la protection du caribou forestier, le gouvernement fédéral compte soustraire 1,6 million d’hectares à l’industrie forestière, dont un million d’hectares dans le secteur Pipmuacan. Cette annonce représente une catastrophe pour Boisaco, alors que 70 % du volume de bois que l’entreprise devait récolter cette année se trouve dans les zones visées par l’interdiction de récolte.

Un décret d’urgence pour protéger une espèce en péril a été décrété seulement à trois reprises depuis la création de la Loi sur les espèces en péril. Selon le ministère de l’Environnement et des Changements climatiques Canada (ECCC), des menaces imminentes sont assez importantes pour mettre en péril la survie de trois hardes de caribous forestiers au Québec, ce qui justifie la décision de promulguer un décret d’urgence pour protéger l’habitat du cervidé, a mentionné Marie-Josée Couture, la directrice générale par intérim des opérations régionales chez Service canadien de la faune à ECCC, lors d’une session d’information sur le sujet visant à détailler les mesures proposées.

Étant donné que Québec n’a toujours pas présenté de stratégie nationale de protection du caribou forestier, ECCC compte interdire la récolte forestière sur 1,6 million d’hectares de forêt pour permettre le rétablissement de trois hardes de caribous forestiers.

Plus précisément, l’interdiction touche 300 000 hectares de forêt pour protéger l’habitat des hardes de Charlevoix et de Val-d’Or, ainsi qu’un million d’hectares pour la harde du Pipmuacan.

Pour l’instant, le ministère n’a pas voulu présenter son évaluation de possibilité forestière, préférant poursuivre l’analyse afin de présenter des données plus précises, a-t-on justifié.

Ce sont principalement des forêts matures qui sont protégées, car c’est le type d’habitat requis par le caribou forestier. Cette mesure vise à atteindre un taux de perturbation maximal de 35 % dans l’aire de répartition de chaque population locale, a soutenu Marie-Josée Couture, tel que le stipule le plan de rétablissement de l’espèce réalisé par le gouvernement fédéral. Avec un tel taux de perturbation, une population locale aurait 60 % de chance de devenir autosuffisante.

« La probabilité d’atteindre l’objectif de rétablissement de l’espèce est déjà faible et elle sera compromise davantage si les menaces (NDLR : coupe forestière et intensification du réseau routier] se réalisent », a-t-elle soutenu.

Le décret d’urgence proposé vise donc à protéger les meilleurs habitats pour la survie du caribou, tout en limitant les impacts socioéconomiques, a précisé Cédric Paitre, gestionnaire aux affaires réglementaires pour Environnement et Changement climatique Canada.

Certaines exclusions ont donc été faites pour maintenir certaines activités économiques. Par exemple, les activités minières déjà autorisées pourront être maintenues, tout comme les activités minières pour l’extraction de minéraux critiques. L’interdiction ne touche pas non plus les terres privées et municipales.

Une catastrophe pour Boisaco

« Ce décret est une catastrophe pour Boisaco », estime son président Steeve Saint-Gelais.

« Pour nous, 70 % des secteurs que l’on devait récolter cette année sont visés par le décret. » De plus, les superficies de protection envisagées couvrent près de 40 % de la totalité des superficies dédiées à l’aménagement forestier du territoire d’où proviennent les approvisionnements historiques de Boisaco. En regardant l’étendue des territoires où la récolte sera interdite, Steeve Saint-Gelais craint pour la survie de Boisaco, le coeur économique de Sacré-Coeur, ainsi que les entreprises de 1re, 2e et 3e transformation qui y sont associées.

« C’est clair qu’aucune étude d’impact socio-économique n’a été réalisée avant de présenter ces vagues données », dit-il.

Une consultation en cours

Le décret n’est pas encore en vigueur, car le processus de consultation se poursuivra jusqu’au 18 août 2024. Les experts d’ECCC soutiennent qu’ils sont à l’écoute des acteurs du milieu pour peaufiner le décret afin de minimiser les impacts négatifs. « On ne dit pas qu’il n’y aura pas d’impact, mais notre approche vise à établir un équilibre entre la protection et les impacts socioéconomiques », soutient Marie-Josée Couture.

Les participants sont invités à transmettre leur commentaire en remplissant un formulaire sur le Registre public des espèces en péril ou à communiquer par courriel à caribou@ec.gc.ca.

Lorsque le décret sera entériné, toutes les opérations de récolte forestière devront cesser dans les zones touchées, même si les entreprises avaient reçu toutes les autorisations nécessaires. Le gouvernement fédéral demeure ouvert à conclure une entente avec Québec si une stratégie de protection est présentée d’ici la mise en application du décret.

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