Ottawa impose finalement sa taxe sur les services numériques

Une telle taxe incombe déjà aux géants du Web dans d’autres pays, comme en France, au Royaume-Uni et en Italie.
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne Une telle taxe incombe déjà aux géants du Web dans d’autres pays, comme en France, au Royaume-Uni et en Italie.

Faute d’une entente internationale sur l’impôt des géants du numérique, Ottawa impose officiellement une taxe de 3 % sur les services qu’ils offrent au Canada, plus de trois ans et demi après l’avoir annoncée.

La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a précisé jeudi qu’elle estimait pouvoir éviter les représailles des États-Unis. Elle a évoqué des négociations avec la secrétaire au Trésor des États-Unis, Janet Yellen, pour une résolution « gagnant-gagnant » de ce nouveau front dans les tensions commerciales entre les deux pays.

« Ce n’était pas raisonnable, pas juste, de garder sur pause notre mesure [fiscale] indéfiniment », a-t-elle expliqué devant les journalistes lors d’un point de presse, à Milton, en Ontario.

Le projet de taxe spéciale sur la publicité en ligne ou la vente de données, par exemple, est dans les cartons du gouvernement Trudeau depuis l’énoncé économique de l’automne 2020. Le Canada souhaitait toutefois donner une chance aux négociations des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20 à ce sujet.

La création de cette taxe sur les services numériques (TSN) a ainsi été reportée, initialement au début de l’année 2024. Sa mise en oeuvre a toutefois dû attendre l’adoption de la loi C-59 sur l’énoncé économique de l’automne dernier, qui a reçu la sanction royale à la fin juin. Un décret estampillé en date de vendredi dernier a finalement officialisé l’entrée en vigueur de la TSN au Canada.

« Malgré tous les efforts déployés, les délais fixés pour parvenir à un accord multilatéral se sont succédé à plusieurs reprises. Nous sommes résolus à protéger l’intérêt économique national du Canada, et la taxe sur les services numériques a été adoptée par le Parlement le mois dernier », explique la porte-parole de la ministre des Finances, Katherine Cuplinskas, dans un courriel au Devoir.

Une telle taxe incombe déjà aux géants du Web dans d’autres pays, comme en France, au Royaume-Uni et en Italie, fait valoir la ministre Freeland. Le projet du Canada de créer la sienne avait toutefois irrité 138 pays de l’OCDE en plein coeur des négociations sur cette question. Les États-Unis ont plusieurs fois et très explicitement mis en garde le Canada contre une telle mesure.

Le Canada assure toujours souhaiter la conclusion d’un accord sur une réforme fiscale internationale. Cette réforme est menée en deux volets — ou « piliers » — et a pour objectif de faire payer l’impôt aux multinationales là où elles se trouvent et de les imposer à un minimum de 15 %.

En attendant, les entreprises numériques qui génèrent des revenus de plus de 750 millions d’euros dans le monde, et de 20 millions de dollars au Canada, devront envoyer 3 % de leurs recettes annuelles au gouvernement fédéral. Puisque cette taxe est rétroactive à 2022, les compagnies visées doivent déjà des sommes au fisc.

La taxe sur les services numériques était réclamée, au sein de l’opposition à Ottawa, par le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique.

Une telle taxe était aussi promise dans la plateforme du Parti conservateur du Canada en 2021, ce qui n’a pas empêché le député ontarien et porte-parole conservateur en matière de commerce international, Kyle Seeback, de pester contre la mesure jeudi, la qualifiant sur les médias sociaux d’« autre razzia fiscale de Trudeau » qui va nuire au Canada à long terme.

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