De nouveaux milieux de vie pour étudiants autochtones

Miriane Demers-Lemay
Collaboration spéciale
À Trois-Rivières, le milieu de vie Waska Witcihitowin abrite 42 logements et de nombreux services.
Photo: Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec À Trois-Rivières, le milieu de vie Waska Witcihitowin abrite 42 logements et de nombreux services.

Ce texte fait partie du cahier spécial Développement autochtone

Deux résidences étudiantes uniques en leur genre ont ouvert leurs portes cette année respectivement à Sept-Îles et à Trois-Rivières, ouvrant la voie à des projets similaires ailleurs au Québec. La formule vise à faciliter l’accès au logement ainsi que la persévérance scolaire des personnes autochtones.

Quelques dizaines d’étudiants ont déjà emménagé. Certains sont seuls, d’autres sont accompagnés de leurs enfants, de leur conjoint ou même, parfois, de leur grand-mère. « On est dans la phase de faire vivre un milieu de vie pour que les gens s’approprient, occupent les espaces communautaires, les cuisines collectives, les aires d’études, témoigne Tanya Sirois, directrice générale du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ).

Le milieu de vie Nutshimit, situé sur le campus du cégep de Sept-Îles, compte 32 logements de différentes tailles. À Trois-Rivières, le milieu de vie Waska Witcihitowin contient 42 logements. Les deux milieux, conçus après la consultation des communautés, offrent un accès à un Centre de la petite enfance. Ils sont aussi pourvus d’espaces communs comme des cuisines collectives, des lieux d’études, des salles d’activités physiques, des aménagements consacrés aux activités culturelles ou des aires extérieures. Ils ont été bâtis par la Société immobilière du RCAAQ, avec le soutien de divers partenaires financiers comme les gouvernements du Québec et du Canada et la collaboration de plusieurs institutions d’enseignement.

En 2019, le gouvernement québécois a confié aux centres d’amitié la mission de mener à bien des projets pilotes pour l’hébergement des étudiants, explique Tanya Sirois. « [On s’est demandé] quels étaient les obstacles qui faisaient en sorte qu’il y avait peu d’étudiants [autochtones] faisant des études postsecondaires dans la province. Le logement était déjà un obstacle majeur. »

« Toute la question de racisme et de discrimination entre en ligne de compte si tu as un accent ou un nom de famille autochtone, soupire la leader d’origine innue concernant les défis accrus, pour les étudiants autochtones, de se trouver un toit dans un contexte de crise du logement. Le projet à Sept-Îles a d’ailleurs soulevé des tensions parmi des citoyens qui s’opposaient à l’établissement du lieu dans leur quartier, illustre Mme Sirois. Finalement, le projet a bénéficié d’un terrain fourni par le Cégep de Sept-Îles.

Mais le logement est loin d’être le seul obstacle dans l’obtention de diplômes postsecondaires. « Imaginez une maman qui habite dans une communauté ; elle arrive en ville et elle n’a pas de services de garde, donne en exemple Mme Sirois, qui explique que la plupart des étudiants autochtones qui souhaitent poursuivre leurs études sont des mères seules ou célibataires ayant deux ou trois enfants.

« On met un filet de sécurité sociale pour s’assurer qu’on arrive avant un décrochage scolaire », résume la leader innue sur la formule qui s’adapte aux besoins de chaque communauté.

Des besoins criants

À Sept-Îles, 26 logements sur 32 sont déjà occupés, calcule Laurent Odjick, directeur général de la Société immobilière du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (SIRCAAQ). Selon ce dernier, les deux milieux de vie devraient être au maximum de leur capacité dès le début de l’été, à la suite d’un processus de sélection.

« On a une centaine de personnes en attente à Sept-Îles, et une autre centaine à Trois-Rivières, estime-t-il. Les listes d’attente, ça confirme qu’il y avait un réel besoin en milieu urbain. »

De fait, deux autres milieux du même genre sont sur le point de voir le jour sur le campus de l’Université Laval à Québec, ainsi qu’à Chibougamau. Les premières pelletées de terre sont d’ailleurs prévues cet automne, révèle Laurent Odjick. Celui-ci ajoute que la SIRCAAQ est en discussion avec d’autres villes qui aimeraient avoir leur propre milieu de vie, comme Montréal, Gatineau et Chicoutimi. Avec la pénurie de la main-d’oeuvre et l’explosion des coûts de construction, la Société immobilière tente de rassembler des fonds pour porter sa mission, explique M. Odjick.

« Si on peut tracer les sentiers pour d’autres projets, pour de l’hébergement abordable pour les familles, renchérit Tanya Sirois, je trouve que ces projets-là sont des ambassadeurs de la lutte contre le racisme et la discrimination. Cela a une retombée, les gens qui vont à l’école ! Quand on devient infirmier ou ingénieur, on contribue au développement de la ville, mais aussi du Québec. »

« [L’idée] c’est d’avoir des réponses systémiques et un spectre d’actions qui va toucher plusieurs facettes des enjeux que vont rencontrer les Autochtones, ajoute Tanya Sirois avec conviction. C’est ainsi qu’on va pouvoir briser des cycles de vulnérabilités qui perdurent. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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