Les nouveaux défis de la diffusion des arts
Collaboration spéciale
Ce texte fait partie du cahier spécial Arts et culture au Québec
Depuis plusieurs années, le numérique est devenu un important moyen de diffusion des arts, offrant autant d’avantages que de défis, entre autres pour les artistes et les artisans québécois. D’un côté, il facilite la visibilité des contenus de toutes sortes, de l’autre, sortir du lot peut devenir ardu, notamment dans la mare de contenus américains.
« Même si cela fait un bout de temps qu’on parle du numérique, ce qu’on a appris assez rapidement, c’est que les choses changent constamment », lance Mériol Lehmann, artiste et consultant en culture numérique. Un peu comme une hydre à trois têtes, ajoute-t-il. « Chaque fois qu’on pense qu’on en a coupé une, c’est une autre qui ressort », plaisante-t-il. Les questions liées à l’intelligence artificielle occupent désormais une grande place dans les réflexions pour l’avenir de la musique. « Je ne suis pas sûr qu’on saisit exactement encore toute l’étendue des conséquences et je pense que ce serait très difficile de le faire », concède-t-il.
Selon lui, un cap a été franchi : « On est passé du côté de la culture de la “découvrabilité” à la culture de la recommandation. » Pour accéder à du contenu culturel, cela passe désormais par des plateformes numériques, que ce soit pour voir des films, réserver des billets pour un concert ou même écouter de la musique. « On a remarqué qu’on est passé à cette idée qu’on veut faire un choix parmi une série d’options sur des plateformes comme Netflix ou Spotify, qui vont nous conseiller des contenus en fonction de nos habitudes de consommation », indique-t-il. Cela signifie, par ricochet, que le consommateur a moins d’effet sur les choix qui lui sont proposés.
La visibilité du contenu québécois
Pour la culture québécoise, cela apporte son lot de défis. « Il faut qu’elle soit bien identifiée par des métadonnées », précise-t-il. Les algorithmes vont choisir pour nous la prochaine chanson à écouter, le nom d’un artiste à découvrir, d’où l’urgence de coder correctement les métadonnées pour que le contenu québécois soit lisible par les machines et « que les algorithmes de recommandation nous proposent ce contenu-là », souligne-t-il.
En plus de disposer de programmes visant à soutenir la mobilité des artistes et à accroître la circulation de leurs oeuvres à l’international, tels que des bourses pour des résidences aux quatre coins du monde, le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) incite les artistes québécois à utiliser des ISNI, qui sont des codes internationaux pour les artistes qui permettent d’interconnecter toutes les ressources à propos d’un créateur et, notamment, de favoriser la découvrabilité et la traçabilité de celui-ci sur le Web.
« Que ce soit pour un musicien, des artistes en arts visuels, cela peut s’appliquer à n’importe quelle discipline », souligne Mériol Lehmann. Cela permet de mettre en place un certain mécanisme qui va aider à la visibilité des artistes québécois, mais ce n’est que le début d’un travail de longue haleine, reconnaît le consultant. « Il faut trouver une manière d’obliger les plateformes à identifier clairement le contenu québécois, et c’est aussi important pour que les artistes puissent toucher correctement leurs droits d’auteur », rappelle-t-il. Il y a des défis, résume-t-il, « mais le numérique peut être quelque chose de positif », nuance-t-il. Avec l’ensemble des acteurs, dont le CALQ, il existe désormais une bonne culture du côté du secteur des arts au Québec, selon lui.
Faire voyager son art
Alison McAlpine, réalisatrice du court métrage Perfectly a Strangeness (Une parfaite étrangeté) en compétition officielle au Festival de Cannes, en a fait l’expérience. « Il y a beaucoup de défis quand on veut diffuser un film, surtout quand il n’y a pas un narratif conventionnel, comme c’est le cas dans mon court métrage, qui est davantage expérimental, comme un conte, je dirais », confie-t-elle. Le CALQ l’a aidée financièrement pour la production et la postproduction de son projet. Un coup de pouce énorme pour mener à bien son projet cinématographique. « J’ai eu une liberté totale, j’ai eu le choix et le contrôle créatif », se réjouit-elle. Tout ce soutien l’a menée à trouver son distributeur, le studio montréalais H264, à joindre la compétition du prestigieux festival français et, elle l’espère, d’autres festivals de cinéma par la suite.
En tournée en Europe, le directeur artistique de l’ensemble musical Constantinople et du Centre des musiciens du Monde, Kiya Tabassian, profite aussi du soutien du CALQ pour faire voyager sa musique. « La diffusion internationale fait partie de notre ADN », dit-il. L’ensemble Constantinople ne présente pas loin de 100 concerts chaque année, dont environ 70 se font sur des scènes à l’international. Kiya Tabassian dit tirer avantage de la visibilité qu’offre le numérique pour attirer de nouvelles audiences. « J’approche le numérique très positivement, nous filmons toutes nos créations et nous les mettons en ligne », souligne-t-il. Le directeur artistique a remarqué que le nombre d’abonnés a bondi, ainsi que le nombre de vues, qui se compte à plus d’un million pour certains concerts. « Beaucoup de gens viennent voir nos concerts et me disent qu’ils nous ont découverts sur Spotify, sur YouTube, etc. », raconte-t-il.
Il y a toutefois des défis, reconnaît-il. Les prix des billets d’avion ont fortement augmenté, les hébergements aussi. « Mais encore là, avec le soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec, ça nous permet de faire rayonner notre musique et d’amener la culture québécoise un peu partout dans le monde », conclut-il.
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