Un nouveau-né de la Côte-Nord transféré à Québec sans sa mère

En raison de la pénurie de personnel, la pouponnière de l’hôpital Le Royer est actuellement fermée.
Photo: Getty Images En raison de la pénurie de personnel, la pouponnière de l’hôpital Le Royer est actuellement fermée.

Un bébé naissant qui n’avait aucun problème de santé majeur a dû être transféré par avion de Baie-Comeau à Québec sans sa mère, samedi dernier, parce que la pouponnière de l’hôpital était fermée faute d’infirmières. Seul son père a pu l’accompagner.

« Ce ne sont pas des soins humains, on est en 2024 », s’indigne le Dr Youssef Ezahr, qui est anesthésiologiste à l’hôpital Le Royer de Baie-Comeau et président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de la Côte-Nord.

Le Dr Ezahr était présent samedi quand il a fallu transférer un bébé naissant à Québec. L’enfant allait bien, explique-t-il, mais il avait besoin de recevoir un soutien respiratoire de quatre à six heures. Or, en raison de la pénurie de personnel, la pouponnière de l’hôpital Le Royer est actuellement fermée. « On ne pouvait pas le garder parce que je n’ai pas d’infirmières en pouponnière. Je me suis retrouvé à annoncer à la patiente que son bébé allait devoir être transféré au CHUL à Québec », raconte-t-il.

« La mère, son premier réflexe, c’est d’accompagner son bébé. Sauf qu’elle ne peut pas parce qu’elle vient d’accoucher. Donc, c’est le père qui s’est retrouvé dans l’avion pour aller directement vers Québec. » La femme, dit-il, « était dans le désespoir, la tristesse ».

Selon le Dr Ezahr, entre 20 et 25 patients ont été transférés à l’extérieur de la région depuis le 13 mai, dont de nombreux enfants, parce que le service de pédiatrie est fermé lui aussi. « Du moment que tu as un enfant qui entre à l’urgence de Baie-Comeau, son risque est proche de 100 % d’être transféré s’il a besoin d’une hospitalisation de courte durée », se désole-t-il.

Des urgences débordées

Dans certains cas, les patients peuvent être transférés un peu moins loin : l’hôpital de Sept-Îles, à un peu plus de 3 heures de route, dont le service de pédiatrie est toujours ouvert. Mais la situation de cet établissement de santé est également précaire, et son urgence est dans la même situation que celle de Baie-Comeau. En temps normal, elles ont une capacité de 25 places chacune, mais elles disposent seulement de 10 lits en ce moment.

« Ce n’est pas [le niveau] de soins qu’on devrait donner à la population de la Côte-Nord, se désole le médecin. Ces gens-là payent des impôts, autant que vous et moi. »

Lundi, les autorités de santé de la Côte-Nord n’ont pas voulu commenter l’histoire du nouveau-né transféré sans sa mère. « Nous ne donnons pas d’information sur des situations particulières afin de préserver la confidentialité » des patients, a indiqué le conseiller en communications du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Côte-Nord, Pascal Paradis.

Le CISSS refuse en outre de dire combien de gens ont été transférés vers d’autres hôpitaux ces derniers jours. M. Paradis concède toutefois que « la fermeture de la pouponnière et de la pédiatrie de Baie-Comeau génère des transferts additionnels, puisque des enfants qui seraient normalement hospitalisés à Baie-Comeau doivent être transférés à Sept-Îles ou à l’extérieur de la région ».

Le porte-parole du CISSS mentionne aussi que la « capacité des urgences de Baie-Comeau et de Sept-Îles [est] limitée » et que « des transferts peuvent aussi être faits » lorsqu’elles débordent.

La situation est critique sur la Côte-Nord et en Abitibi-Témiscamingue depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation québécoise sur l’usage de la main-d’oeuvre provenant d’agences de placement de personnel. Pour réduire le recours à cette main-d’oeuvre indépendante, Québec a décidé de plafonner le salaire et le nombre d’heures de travail hebdomadaire qui peut lui être attribué.

Après l’annonce des coupes de services, le 13 mai dernier, le ministre de la Santé, Christian Dubé, s’était engagé à mettre « tout en oeuvre pour pallier la situation le plus rapidement possible ».

Le 16 mai, il avait ainsi annoncé la création d’une nouvelle « équipe volante publique » pour dépanner les régions éloignées manquant de main-d’oeuvre. Une escouade à laquelle appartient entre autres le coordonnateur national de l’accès aux soins et services du ministère de la Santé, Michel Delamarre, avait également été dépêchée sur la Côte-Nord.

Or, l’équipe volante publique n’existe pas encore, et la venue de l’escouade de M. Delamarre n’a rien réglé, selon le Dr Ezahr, qui dit avoir rencontré ce dernier vendredi.

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