Northvolt pourrait revoir l’échéancier de son usine au Québec

Northvolt assure que le chantier de construction des premiers bâtiments de son complexe industriel se poursuit en Montérégie.
Photo: Alexandre Shields Le Devoir Northvolt assure que le chantier de construction des premiers bâtiments de son complexe industriel se poursuit en Montérégie.

Northvolt a annoncé mardi son intention de ralentir son plan de développement international afin de concentrer ses efforts sur sa « giga-usine » située dans le nord de la Suède. Cette décision pourrait entraîner une révision de l’échéancier de son projet au Québec, financé à hauteur de plusieurs milliards de dollars par les gouvernements du Québec et du Canada.

« Dans la situation actuelle, nous cherchons à nous concentrer davantage sur le coeur de notre activité. Pour aller de l’avant en Allemagne et à Montréal, il est fondamental que Skellefteå soit l’usine mère sur laquelle repose le plan », a fait valoir le président-directeur général de l’entreprise, Peter Carlsson, dans un entretien au quotidien économique Dagens Industri.

« Maintenant que nous avons pris du retard, nous devons revoir les prochaines étapes, et c’est ce à quoi nous travaillons en ce moment même », a-t-il ajouté. M. Carlsson ne veut pas donner de nouveau calendrier de développement, renvoyant l’annonce à une révision stratégique qui aura lieu en septembre. « Nous avons été un peu trop ambitieux dans notre plan d’expansion, et c’est ce que nous sommes en train de revoir. »

En Suède, la production de cellules de batteries de son usine géante atteindra son plein rendement de première phase en 2026, contre 2023 initialement, explique le patron de Northvolt.

« L’année prochaine, toutes les lignes de production devraient être prêtes à produire, mais en fonction de la montée en puissance des programmes des clients et de l’évolution de la capacité, nous produirons une poignée de gigawatts en 2025 et en 2026, nous atteindrons la pleine utilisation de la capacité et nous parviendrons alors également à la rentabilité à Skellefteå », dit-il.

Northvolt a un projet d’usine géante dans le nord de l’Allemagne, qui représente plusieurs milliards d’euros d’investissement, et un autre au Québec. Le groupe suédois a aussi un projet d’usine à Göteborg.

Changement au Québec ?

Est-ce que l’annonce de M. Carlsson pourrait modifier les plans pour l’usine à construire en Montérégie ? « La construction se poursuit. Quant aux échéanciers des projets, ils seront parmi les éléments qui feront partie de la revue stratégique des activités. Pour le moment, il est trop tôt pour statuer sur la décision qui sera prise à cet effet », a indiqué Northvolt mardi dans une réponse écrite aux questions du Devoir.

« Il est indéniable que nous faisons face à une pression importante de nos clients afin de remplir nos engagements liés à notre carnet de commandes le plus rapidement possible. C’est pourquoi nous nous sommes dotés d’objectifs ambitieux pour nos projets d’expansion », a ajouté Laurent Therrien, directeur des communications et des affaires publiques de Northvolt en Amérique du Nord.

« Il est tout aussi important pour nous de livrer chaque projet avec rigueur et avec succès. Dans ce contexte, et en concertation avec le conseil d’administration, nous procédons présentement à une revue stratégique de nos activités. Il s’agit d’une saine pratique qui mène à de meilleurs projets », a-t-il souligné.

Pour se justifier de soustraire Northvolt à la procédure environnementale qui s’applique à tous les grands projets industriels au Québec, le gouvernement Legault a fait valoir que les délais de cette évaluation auraient fait fuir l’entreprise, en estimant la durée de l’ensemble de la procédure, étude d’impact comprise, à 18 mois. Les premiers échanges avec les fonctionnaires du ministère de l’Environnement du Québec remonteraient au 1er mai 2023, il y a donc de cela 14 mois. Ce qui signifie qu’une bonne partie du processus environnemental serait déjà terminée.

Depuis qu’elle a déposé sa première demande d’autorisation, en septembre 2023, l’entreprise a notamment pu détruire des dizaines de milieux humides présents sur le site de sa future usine, mais aussi abattre plusieurs milliers d’arbres. Les milieux détruits avaient une « haute valeur écologique », selon les experts du gouvernement Legault.

Northvolt a également reçu récemment l’autorisation de construire les premiers bâtiments du complexe industriel ainsi qu’un système de gestion des eaux pluviales sur ce site, qui contient toujours des sols contaminés. Pour le moment, Northvolt prévoit produire ses premières cellules de batteries en 2026, et l’usine de recyclage pourrait entrer en fonction en 2027.

L’entreprise a reçu une aide financière totalisant 2,7 milliards de dollars de la part des gouvernements du Québec et du Canada, en plus d’une promesse de subvention de 4,6 milliards de dollars pour la fabrication de cellules de batteries. Des centaines de millions de dollars ont déjà été prévues pour les premières étapes du projet.

Au moment où ces lignes étaient écrites, le cabinet du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, n’avait pas donné suite à nos questions.

Sécurité

L’industrie automobile affronte une croissance plus lente de la demande de véhicules électriques et, simultanément, une concurrence de plus en plus féroce, ce qui se répercute sur les projets d’usines de batteries.

Le groupe suédois réfute par ailleurs les critiques voulant qu’il ait tenté de se développer trop vite au détriment de la sécurité. La police suédoise enquête sur un éventuel lien entre trois décès de personnes qui étaient employées sur le premier site du fabricant de batteries. « L’idée qu’il serait dangereux de travailler chez Northvolt me semble totalement étrangère. Je suis convaincu que nous offrons un lieu de travail sûr et sécurisé », a déclaré le patron du groupe.

Northvolt est l’un des grands espoirs européens en matière de batteries, au moment où le Vieux Continent cherche à rattraper son retard par rapport aux géants asiatiques et américains.

Avec l’Agence France-Presse

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