Northvolt, une «jeune entreprise» qui doit faire ses preuves, estiment des experts

L’entrée du site de la future usine de batteries pour véhicules électriques de Northvolt à Saint-Basile-le-Grand, en Montérégie, en mai 2024
Photo: Christinne Muschi La Presse canadienne L’entrée du site de la future usine de batteries pour véhicules électriques de Northvolt à Saint-Basile-le-Grand, en Montérégie, en mai 2024

L’entreprise Northvolt a vu grand, mais elle doit aujourd’hui revoir ses plans. Le fabricant suédois de batteries électriques s’apprête à ralentir son plan de développement international, notamment au Québec. La « jeune entreprise » doit « faire ses preuves » en montrant qu’elle est de taille à compétitionner avec ses rivales asiatiques, estiment des experts.

« C’est une entreprise qui est assez jeune. D’ailleurs, l’industrie elle-même est assez jeune. Alors, c’est normal que Northvolt revoie sa stratégie à ce stade-ci », indique François Dauphin, p.-d.g. de l’Institut sur la gouvernance.

Michel Magnan, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université Concordia, voit la situation du même oeil. « C’est habituel, pour une entreprise en démarrage, de connaître ce genre de difficultés en début de parcours », note-t-il.

Mardi, dans une entrevue au quotidien économique Dagens Industri, le grand patron de Northvolt, Peter Carlsson, a reconnu que les plans d’expansion de l’entreprise ont été « un peu trop ambitieux ».

Ils se sont en effet peut-être un peu précipités dans leurs projets d’expansion

Une « révision stratégique » sera présentée en septembre, a-t-il indiqué. La direction de l’entreprise veut se concentrer sur sa giga-usine de Skellefteå, située dans le nord de la Suède, pour résoudre les « retards » dans les livraisons de commandes.

Fin juin, le géant automobile allemand BMW a annulé une commande de 2,15 milliards de dollars américains — près de 3 milliards de dollars canadiens — passée auprès de Northvolt. Le contrat signé en 2020 n’avait pas pu être honoré dans les temps.

Résultats annuels

« Ils se sont en effet peut-être un peu précipités dans leurs projets d’expansion. Ça se traduit assez clairement dans les résultats qu’on observe : le niveau d’endettement a augmenté considérablement d’une année à l’autre. Et les revenus sont encore embryonnaires », explique François Dauphin.

Dans son rapport annuel publié mardi, Northvolt rapporte que sa dette est passée de près de 3,5 milliards de dollars américains au 31 décembre 2022 à environ 5,3 milliards au 31 décembre 2023 — une hausse de plus de 51,4 % en un an.

Ses revenus sont passés de 107 millions à 128 millions sur la même période (+20 %), tandis que ses pertes se sont creusées, de 285 millions à 1,2 milliard de dollars (+321 %).

« Ses différents projets nécessitent énormément de capitaux. Elle doit consolider son activité et s’assurer d’abord que tout fonctionne avec sa première usine en Suède », souligne M. Dauphin.

Selon le professeur Michel Magnan, une révision stratégique de l’entreprise arrive à point. L’entreprise « doit faire ses preuves » et ne « pas éparpiller ses ressources », estime-t-il.

Des vents contraires

« Il faut dire aussi que Northvolt est dans un marché très compétitif. Il y a de gros compétiteurs en Chine qui produisent à moindre coût », ajoute M. Magnan. « De plus, les ventes de véhicules électriques sont stagnantes, ce qui pèse sur les perspectives de croissance de la demande. Ça joue sur la capacité de l’entreprise à générer des liquidités », fait valoir l’expert.

Selon François Dauphin, « on n’est pas rendus au point de s’inquiéter » pour l’entreprise, même si celle-ci « doit réviser ses objectifs » compte tenu des « conditions de marché actuelles ».

En octobre dernier, le quotidien britannique Financial Times rapportait que Northvolt prévoyait une entrée en Bourse pour l’année 2024, à une valorisation oscillant autour de 20 milliards de dollars américains, soit plus de 27 milliards de dollars canadiens. « À mon avis, ces plans vont être repoussés », indique M. Dauphin.

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