Nicolas Ellis, les Alpes? Non, l’Everest!

Nicolas Ellis et l’Orchestre de l’Agora nous ont donné mercredi soir à la Maison symphonique assez précisément la « Symphonie alpestre » de Richard Strauss exaltante que l’on attendait tant de la part de Yannick Nézet-Séguin à Lanaudière l’été dernier.
Photo: Sylvain Légaré Nicolas Ellis et l’Orchestre de l’Agora nous ont donné mercredi soir à la Maison symphonique assez précisément la « Symphonie alpestre » de Richard Strauss exaltante que l’on attendait tant de la part de Yannick Nézet-Séguin à Lanaudière l’été dernier.

Après avoir laissé une impression indélébile par son concert du Gala de la terre 2022, consacré à la 3e Symphonie de Mahler, Nicolas Ellis et l’Orchestre de l’Agora se mesuraient mercredi à la Symphonie alpestre de Richard Strauss avec un nouveau succès colossal à la clé.

N’y allons pas par quatre chemins : Nicolas Ellis et l’Orchestre de l’Agora nous ont donné mercredi soir à la Maison symphonique assez précisément la Symphonie alpestre de Richard Strauss exaltante que l’on attendait tant de la part de Yannick Nézet-Séguin à Lanaudière l’été dernier.

Comme nous l’avions écrit alors, nous espérions encore davantage d’orgies sonores ce soir-là, même si la prestation du Métropolitain et de son chef avait été logique et sans tache particulière. Cette débauche, nous l’avons eue avec Nicolas Ellis et son orchestre, que ce soit dans la carrure de l’« Arrivée sur le glacier » ou dans une « Tempête » positivement délirante, dans laquelle le chef ne se contentait pas de laisser jouer fort tout le monde, mais articulait des gradations dynamiques et des relais de primauté entre les cuivres, les piccolos et les percussions. Sur le plan narratif tout était vraiment conçu en bourrasques, mais avec une efficacité à en donner des frissons au sens propre.

Qualité orchestrale

Ce chef est d’un talent (à cet âge) vraiment hors du commun. Il est d’ailleurs passionnant désormais d’anticiper ce que Rafael Payare et l’OSM, qui vont partir en tournée avec cette oeuvre, vont encore pouvoir ajouter à cela. Le bonus OSM, on le trouvera sans doute dans le moelleux des cordes rendant encore plus le côté onctueux de Strauss dans les épisodes de répit. Mais, vraiment, tout comme dans la 3e Symphonie de Mahler en 2022, nous sommes restés pantois devant la qualité de ce groupe de musiciens purement québécois. Par exemple, les pupitres de cors ou de trombones, très exposés, étaient absolument sensationnels mercredi soir. Mais pas qu’eux. Il y a par exemple vers la fin un ensemble de quatre flûtes avec l’orgue, qui était d’une précieuse homogénéité et admirable beauté. Pareil pour des bois comme les clarinettes.

Nicolas Ellis avait choisi de laisser l’orgue se déployer avec beaucoup de présence, mais les cors hors scène de l’ascension étaient un peu trop tamisés. Les épisodes du périple montagneux ont été soulignés par des éclairages adaptés aux ambiances : une excellente idée.

En première partie, le Chant des bélugas de Claudie Bertounesque, avec un choeur d’enfants et trois poèmes interstitiels en Innu dits par Natasha Kanapé Fontaine, possédait de vraies vertus poétiques, avec une intégration réussie de chants de baleines dans un cadre sonore orchestral. L’oeuvre est parfaitement en adéquation avec les visées écologiques d’un tel gala.

Quant aux Wesendonck-Lieder de Wagner avec Élisabeth St-Gelais, on n’a pas mis longtemps à comprendre que l’on entendait la voix de cette chanteuse exceptionnelle dans son futur élément naturel. Les Lieder I et V (L’ange et Rêves), notamment, confirmaient cependant ce que nous avions ressenti lors de la récente soirée Mozart du Festival Classica. Il y a, avec Élisabeth St-Gelais, un effet psycho sensoriel à l’audition qui se rapproche de ce qu’on ressentait parfois avec Jessye Norman. Comme l’émission vocale est très ronde, riche et assez couverte, on est parfois à la limite inférieure de la note. La jeune artiste devra se méfier de cela.

Mais que l plaisir de découvrir la plénitude de ce timbre qui va s’enrichir encore. Dommage que les deux artistes n’aient pas pris davantage de temps pour déployer la magie du 3e Lied, Im Treibhaus (dans la serre).

Gala de la terre

Bertounesque : « Le choeur des bélugas ». Wagner : « Wesendonck-Lieder ». Strauss : « Une symphonie alpestre ». Natasha Kanapé Fontaine (poète), Élisabeth St-Gelais (soprano), Petits Chanteurs du Mont-Royal, Orchestre de L’Agora, Nicolas Ellis. Maison symphonique, mercredi 12 juin 2024.

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