Le mouvement «Liberté» s’est élargi après la crise de la COVID-19, juge le SCRS
Le collectif faiblement soudé qui s’opposait ouvertement aux mesures sanitaires liées à la crise de la COVID-19 s’est transformé en un mouvement menant une lutte plus large contre de prétendues irrégularités du gouvernement, selon une évaluation récemment publiée par l’agence de renseignement canadienne.
Le texte du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) retrace l’évolution du mouvement « Liberté » qui a commencé à émerger à la suite des manifestations du début de 2022 qui ont paralysé le centre-ville d’Ottawa et d’importants points frontaliers canado-américains.
Au début de février 2022, les rues entourant la Colline du Parlement à Ottawa étaient bondées de manifestants, dont beaucoup à bord de gros camions qui sont entrés dans la capitale à partir de la fin de janvier. Initialement présenté comme une manifestation contre certaines des restrictions sanitaires liées à la COVID-19, le rassemblement a attiré des personnes ayant divers griefs contre le premier ministre Justin Trudeau et son gouvernement.
Le gouvernement du Canada a réagi en invoquant la loi sur les situations d’urgence, qui autorisait des mesures temporaires, notamment l’interdiction des rassemblements publics, l’ordre aux banques de geler certains avoirs et l’interdiction de soutenir les participants.
La Presse canadienne a utilisé la Loi sur l’accès à l’information pour obtenir le mémoire du SCRS daté d’avril 2023. Même si un mouvement peut collectivement promouvoir des opinions extrêmes, seule une petite partie des personnes impliquées était prête à se livrer à des violences graves, selon ce qu’a écrit le SCRS.
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Alors que de nombreuses mesures de santé publique ont commencé à être levées au début du printemps de 2022, le SCRS a observé des individus qui élargissaient la portée de leurs griefs et qui s’identifiaient comme membres du mouvement « Liberté ». Ce mouvement s’est appuyé sur les discours du mouvement anti-mesures de santé publique, notamment l’opposition à la mondialisation et la suspicion à l’égard des sociétés pharmaceutiques, avec un accent particulier sur les violations présumées des libertés personnelles par le gouvernement, selon l’analyse du SCRS.
« Bien que cette perception de tyrannie soit répandue à travers le mouvement, d’autres discours deviennent de plus en plus courants parmi les adhérents », indique le document, citant notamment l’opposition :
- à la communauté LGBTQ +, en particulier les heures du conte et l’inclusion de matériel dans les programmes des écoles publiques ;
- à l’augmentation perçue du contrôle mondial exercé sur le Canada par des institutions internationales telles que les Nations Unies et le Forum économique mondial ;
- au communisme.
Le SCRS a étudié la possibilité que de tels discours conduisent à des perturbations et à de la violence. Selon Barbara Perry, directrice du Centre sur la haine, les préjugés et l’extrémisme à l’Institut universitaire de technologie de l’Ontario. « Ils sont d’avis que c’est le genre de griefs qui sont susceptibles d’amener les gens au bord de la violence. »
Le SCRS définit un mouvement extrémiste violent à motivation idéologique comme un groupe de personnes peu organisées, reliées par des réseaux virtuels ou non, qui partagent une identité distincte. De tels mouvements entretiennent des relations conflictuelles avec des opposants clairement identifiés et visent à réaliser, résister ou annuler le changement social, indique le document des services de renseignement.
Un mouvement n’a pas de leader formel ou légitime, mais est plutôt guidé par les personnes qui le rejoignent de façon plus ou moins spontanée, ajoute le SCRS.
Selon Barbara Perry, l’évolution vers ces mouvements axés sur les individus est une tendance inquiétante à certains égards, car, explique-t-elle, il est « beaucoup plus difficile d’identifier laquelle de ces centaines de milliers, voire des millions de personnes » va commettre un acte d’une violence extrême.