Un juge de la Cour suprême appelé à se retirer des débats sur la loi 21
Le Mouvement laïque québécois (MLQ) demande à la Cour suprême du Canada qu’un de ses neuf magistrats se récuse du dossier sur la loi 21 parce qu’il a déjà siégé au conseil d’administration d’une des parties demanderesses.
L’avocat de l’organisme de défense de la laïcité, Luc Alarie, a fait parvenir une lettre au plus haut tribunal du pays, la semaine dernière, pour demander que le juge Mahmud Jamal se retire de la demande d’autorisation d’appel en cours. Le noeud du problème, selon le MLQ : son implication jusqu’en 2019 comme membre du CA de l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC), l’une des parties ayant demandé à la Cour suprême de se pencher sur le dossier à la fin du mois d’avril.
« L’instance à l’origine de la demande d’autorisation d’appel a été introduite le 17 juin 2019, soit le lendemain de l’entrée en vigueur de la Loi sur la laïcité de l’État […], alors que le juge Jamal occupait encore son poste d’administrateur et que la décision de [l’ACLC] de se joindre comme demandeur dans l’instance d’origine avait déjà été prise par le conseil d’administration », a soulevé Me Alarie dans la missive acheminée mercredi dernier.
Aux yeux du MLQ, Mahmud Jamal « avait déjà accepté de participer activement à la contestation de la loi en assermentant » quelques jours avant son départ — le 24 juin 2019 — une déclaration dans laquelle l’ACLC exprimait ses « profondes inquiétudes » par rapport à la Loi sur la laïcité de l’État québécois.
« Le Mouvement laïque québécois a une crainte sérieuse et raisonnable de partialité du fait que le juge Jamal ne puisse se départir du préjugé manifeste et défavorable qu’il a entretenu contre les lois du Québec en matière de neutralité religieuse de l’État », a écrit Me Alarie, avant de demander formellement que le magistrat « se récuse dans le présent dossier ».
Pas de récusation en vue
Le juge Jamal n’a pas l’intention de se retirer du dossier. Dans une communication datée elle aussi de la semaine dernière, le registraire de la Cour indique aux parties concernées que le magistrat a « considéré l’avis et estime qu’il n’existe aucun conflit d’intérêts réel ou raisonnablement perceptible qui l’inciterait à se récuser ».
« Il n’a à aucun moment été procureur inscrit au dossier de l’instance à l’origine de la présente demande d’autorisation d’appel et il n’a aucun souvenir d’avoir fourni quelque conseil juridique que ce soit dans le cadre de cette instance », précise la missive.
Nommé à la Cour suprême en 2021, Mahmud Jamal siégeait comme administrateur de l’ACLC alors qu’il était avocat au cabinet Osler, Hoskin & Harcourt et travaillait dans « le domaine de la plaidoirie en appel, dans des affaires de droit constitutionnel et public, de recours collectifs et de litiges commerciaux », précise le site Web de la Cour suprême. Il a ensuite occupé un poste de juge à la Cour d’appel de l’Ontario de 2019 à 2021.
Malgré le refus de M. Jamal de se récuser, les parties au dossier ont encore l’occasion de détailler leur positionnement. Le procureur général du Québec, Simon Jolin-Barrette, a déjà informé le tribunal de son intention de « répondre à la lettre de la Cour sous peu ».
Jointe par Le Devoir, l’ACLC, qui avait a priori déclaré à la Cour les engagements passés du juge Jamal, a préféré ne pas faire d’autres commentaires. L’organisation fait partie des nombreux groupes ayant demandé au plus haut tribunal du pays de réviser un jugement de la Cour d’appel du Québec qui maintient la loi sur la neutralité religieuse dans sa quasi-totalité.