Montréal, champ de bataille des législatives françaises

Des Français installés à Montréal faisant la file au Palais des congrès pour voter au premier tour de l’élection présidentielle française de 2022
Photo: Adil Boukind Archives Le Devoir Des Français installés à Montréal faisant la file au Palais des congrès pour voter au premier tour de l’élection présidentielle française de 2022

Depuis 2012, les citoyens français établis à l’étranger peuvent élire leurs propres députés à l’Assemblée nationale de France. Dans un contexte d’élections législatives chaudement disputées, le vote de la diaspora française de Montréal est donc sollicité de toutes parts.

Une petite fièvre électorale s’est emparée de la grande communauté française de Montréal depuis le début du mois de juin. L’engouement que suscitent les élections législatives convoquées par le président Emmanuel Macron le 9 juin dernier ne se dément pas, même à plus de 5000 kilomètres des côtes françaises.

Le hasard a voulu que les deux principaux candidats de la première circonscription électorale des Français de l’étranger, qui regroupe les Français établis au Canada et aux États-Unis, tiennent simultanément des assemblées électorales à un jet de pierre l’un de l’autre le soir du 27 juin.

Le député sortant et membre de la majorité présidentielle, Roland Lescure, a tenu un rassemblement public à l’Union française de Montréal, avenue Viger, devant une quarantaine de sympathisants de tous âges. « Mon objectif est de rassembler les républicains, du centre droit au centre gauche, pour contrer le danger majeur que constitue l’extrême droite en France », a-t-il déclaré au Devoir.

Bien que les alliés du président Macron ne disposent pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, cela n’effraie pas le député sortant, qui se considère comme faisant « partie des gens qui peuvent parler à beaucoup de monde en France, à gauche comme à droite ». Il veut simplifier la vie des Français à l’étranger, notamment en facilitant le renouvellement des passeports et en implantant le vote électronique.

Photo: Félix Étienne Le Devoir Roland Lescure, député sortant de la circonscription, a été élu pour la première fois en 2017 et réélu avec une majorité réduite en 2022.

Au même moment, son adversaire du Nouveau Front populaire (alliance électorale de la gauche), Oussama Laraichi, s’adressait à une cinquantaine de sympathisants dans un amphithéâtre du pavillon Hubert-Aquin de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il s’est inquiété « de voir l’extrême droite aux portes du pouvoir », avant d’appeler les électeurs à appuyer le Nouveau Front populaire, qu’il considère comme « la seule alternative à l’extrême droite. »

Il a insisté sur le programme de l’alliance de gauche, qui veut résoudre « l’état d’urgence social » en France en augmentant le salaire minimum à 1600 euros (2344 $CA) nets par mois et en gelant les prix des produits de première nécessité. Il a également promis de « réparer le réseau consulaire français » en embauchant davantage de fonctionnaires, pour diminuer les délais de service.

Photo: Félix Étienne Le Devoir Oussama Laraichi était suppléant de la candidate de l’union de la gauche, Florence Roger, en 2022.

Le vote des quelque 1 600 000 citoyens français établis hors de la France s’annonce très convoité dans ces élections hautement compétitives. Depuis les élections législatives de 2012, ces expatriés sont représentés par 11 des 577 députés que compte l’Assemblée nationale française. La France est l’un des très rares pays, avec l’Italie, qui accorde une représentation parlementaire à ses citoyens expatriés.

Montréal fait partie de la 1re circonscription électorale des Français de l’étranger. Elle recense 259 000 électeurs inscrits, ce qui en fait la plus populeuse parmi les 11 réservées à la diaspora. Avec 65 500 votants potentiels, la communauté française de Montréal occupe donc un poids électoral et démographique significatif.

Habituellement, la diaspora française se mobilise très peu pour les élections législatives. Depuis 2012, le taux de participation des expatriés à ces élections se situe autour de la barre des 25 %, contre une moyenne nationale d’environ 50 %. Néanmoins, « la mobilisation s’annonce beaucoup plus forte cette année », selon Jean-Pierre Beaud, professeur au Département de science politique de l’UQAM. « Les enjeux sont énormes : personne ne s’attendait à une dissolution de l’Assemblée nationale, ni à un score aussi haut pour le Rassemblement national, ni à une union de la gauche aussi rapide. »

Les données préliminaires confirment cet engouement. Selon des statistiques publiées sur le réseau social X par le ministère français des Affaires étrangères, 410 000 citoyens français de l’étranger ont participé au vote sur Internet, qui s’est terminé le 27 juin, contre 250 000 lors des élections législatives de 2022, et ce, malgré de nombreux témoignages d’électeurs ayant déclaré avoir eu des difficultés à se connecter sur la plateforme de vote.

Un électorat distinct

Les habitudes électorales des Français expatriés diffèrent nettement de celles de leurs concitoyens de la métropole. Comparativement à la moyenne nationale, la diaspora française soutient massivement Emmanuel Macron (centre droit) et offre un appui très faible au parti d’extrême droite Rassemblement national (RN), qui domine les intentions de vote en France métropolitaine.

Les Français de Montréal se caractérisent quant à eux par une orientation beaucoup plus marquée à gauche : alors que Roland Lescure avait été réélu avec 56 % des voix au second tour des élections législatives de 2022 à l’échelle de la circonscription, la diaspora de Montréal avait accordé 62 % des voix à son adversaire de La France insoumise (gauche radicale), Florence Roger.

« L’électorat français de l’extérieur, c’est l’électorat type de Macron, explique Jean-Pierre Beaud. Ce sont des gens qui ont quitté la France, où l’État est très présent, et qui se retrouvent dans le discours libéral d’Emmanuel Macron, qui passe très mal en France. Alors qu’à Montréal, les Français expatriés, ce sont surtout des étudiants, qui sont la clientèle de Jean-Luc Mélenchon et de la gauche. »

Les principaux candidats

Député sortant de la circonscription, Roland Lescure est diplômé de la London School of Economics et a vécu à Montréal de 2009 à 2017. Il a occupé un poste de vice-président à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Brièvement membre du Parti socialiste en 2006, il s’est rapidement rapproché d’Emmanuel Macron sous le quinquennat de François Hollande. Il est ministre délégué à l’Industrie depuis juillet 2022.

Le candidat du Nouveau Front populaire, Oussama Laraichi, est titulaire d’un doctorat en gestion des technologies et habite à Chicago depuis 2014. Il a passé une année en échange étudiant à l’Université Laval, à Québec, entre 2009 et 2010. Il dit s’inspirer de l’écologie politique théorisée par Hannah Arendt, André Gorz et Jacques Ellul. Il milite au parti Les Écologistes depuis 2009 et siège à l’Assemblée des Français de l’étranger depuis 2021.

Il n’a pas été possible de joindre la candidate du Rassemblement national, Jennifer Adam. Cette dernière, qui était candidate dans la même circonscription aux élections législatives de 2022, avait obtenu 2 % des voix au premier tour. Membre du RN depuis 2020, elle a été candidate aux élections départementales de 2021 en Gironde (sud-ouest de la France). Elle réside toujours en France, mais a pour suppléant Aurélien Nambride, étudiant en science politique à l’Université de Sherbrooke.

Guide électoral

Les Français inscrits sur la liste électorale consulaire de Montréal pourront voter en personne au Centre Mont-Royal le 29 juin, de 8 h à 18 h, pour le premier tour. Un éventuel second tour se tiendra le 6 juillet au même lieu et aux mêmes heures. Ils devront présenter une pièce d’identité française ou leur carte d’inscription consulaire.

Les électeurs inscrits pouvaient également voter par Internet, pour le premier tour, du 25 au 27 juin. Pour un éventuel second tour, le vote électronique aura lieu du 2 au 4 juillet.

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