«Mōnad»: simplement s’exprimer

La chorégraphe hip-hop Alexandra «Spicey» Landé pour sa nouvelle création «Mōnad»
Photo: Adil Boukind Le Devoir La chorégraphe hip-hop Alexandra «Spicey» Landé pour sa nouvelle création «Mōnad»

Du 4 au 13 avril, Alexandra « Spicey » Landé présentera Mōnad sur la scène de La Chapelle. La chorégraphe de la compagnie Ebnflōh se dévoilera pour la toute première fois dans un solo intimiste, incarnant la « mōnad », du grec ancien « monas », « unité » qui représente l’idée d’un organisme unicellulaire et autosuffisant qui contient à lui seul plusieurs univers.

C’est un peu par hasard que la création Mōnad a pris forme, nous explique Alexandra « Spicey » Landé quand on la questionne sur les origines du projet. « Initialement, Sophie Corriveau, Ellen Furey et moi, on souhaitait collaborer sur quelque chose, tout simplement, sans que ce soit une commande ou une diffusion classique. Juste une envie », explique la chorégraphe.

Au cours des discussions entre les trois artistes, l’idée d’un solo a rapidement émergé. « Je pensais commencer peut-être par un 30 minutes seule, puis faire entrer trois danseurs pour avoir une heure partagée, se souvient Alexandra Landé. Puis, finalement, Sophie et Ellen se sont demandé si, tant qu’à faire 30 minutes de solo, je pouvais pas faire une heure [rires] ! »

Bien qu’elle ait par le passé fait beaucoup de scène, Alexandra « Spicey » Landé n’a jamais créé de solo pour elle. Un processus qui a « surpris » la chorégraphe d’expérience puisque « l’occupation spatiale, la composition de la scène, l’utilisation de la grande boîte noire, les grandes questions de la scène » étaient moins importantes que d’habitude. « J’ai réalisé que mes envies de chorégraphe avec des groupes étaient totalement différentes de ce que j’ai envie pour moi, en tant qu’artiste. C’est sûr qu’on peut trouver des similitudes, des images qu’on va reconnaître, mon univers, mais on est vraiment ailleurs », explique l’artiste, qui a eu une influence majeure sur la danse hip-hop au Québec.

Une découverte qui s’immisce aussi dans la gestuelle de la chorégraphe, qui a travaillé des mouvements spécifiques pour Mōnad, mais qui n’a pas créé une structure fixe, une chorégraphie. « Même si le freestyle est toujours présent dans mes pièces de groupe, j’impose quand même une chorégraphie, avec des contraintes très présentes, constate-t-elle. Pour moi, je ne voulais rien savoir de ça, même pas un peu [rires] ! »

Quand elle était plus jeune, Alexandra « Spicey » Landé aimait performer seule et en groupe. Mais lorsqu’elle s’est penchée sur la chorégraphie, elle a compris que créer pour elle, en solo, la faisait moins vibrer. « Ce que j’aime, c’est créer un univers avec des corps et des images, que ce soit pour un groupe ou un danseur seul. J’utilise les corps pour dessiner un portrait dans l’espace, mais pour moi seule, je n’ai pas d’intérêt », ajoute-t-elle. Elle souligne d’ailleurs que chaque soir sera différent. « Quand j’arrive sur scène, beaucoup d’éléments me parlent, et pas juste la danse. C’est très performatif, c’est de la danse-performance, je dirais », souligne-t-elle.

Moment personnel

« Je ne veux pas vraiment parler de ce projet, mais on doit le faire. J’ai tout fait pour ralentir le processus de promotion, même lorsqu’il a fallu faire un visuel, une vidéo, je ne voulais pas… Mais au final, ce solo, ce n’est pas que je veux le faire, c’est que je dois le faire, je le sens », confie Alexandra « Spicey » Landé.

Bien qu’elle ait été entourée durant la création, notamment par ses complices de toujours, comme Pax, Helen Simard et Tash, mais aussi le concepteur sonore Jai Nitai Lotus, qui sera aussi sur scène, Alexandra « Spicey » Landé s’est retrouvée très souvent seule pour créer. Elle a alors beaucoup décortiqué le mot « mōnad », une référence qui trouvait un écho dans son propre cheminement personnel et professionnel. « Comme beaucoup d’autres personnes, j’ai l’impression d’avoir eu plusieurs vies dans une, l’impression qu’il y a toujours un éternel recommencement et que, malgré toutes les étapes qu’on traverse, il y a quelque chose qui se passe dans un seul univers, une personne finalement, dit-elle. J’ai beaucoup réfléchi aussi au présent, au passé, au futur, à l’idée de la trinité, mais aussi au deuil, à la réincarnation, à l’éternel… La réincarnation, c’est quelque chose qu’on expérimente souvent dans une vie, mais qu’on ne voit pas comme ça. On passe aussi à travers des traumas, des traces restent, mais on s’en sort. »

« Je ne suis pas là pour remplir des attentes, plaire ou correspondre à ce qu’on attend de moi, exprime Alexandra « Spicey » Landé. J’ai juste envie d’être dans le moment et de communiquer ce qui me traverse ». Pour elle, Mōnad est un « moment personnel », un espace qu’elle utilise pour tout simplement s’exprimer. « J’ai beaucoup fait pour la scène et pour les autres. Cette pièce, c’est un moment pour moi, conclut-elle. C’est difficile d’être selfish pour toutes sortes de raisons, mais après 20 ans, je peux me le permettre, me gâter, et ce que les autres espèrent, ce dont ils ont envie ou ce qu’ils pensent, ça ne m’appartient pas. »

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