Modéliser les données pour décarboner l’économie canadienne
Collaboration spéciale
Ce texte fait partie du cahier spécial Énergies
L’Accélérateur de transition et le Carrefour de modélisation énergétique, deux initiatives pilotées par l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, jouent un rôle clé dans la décarbonation de l’économie canadienne.
« La transformation du système énergétique dans laquelle on s’embarque comme société est la plus rapide qu’on n’ait jamais vue », s’exclame Edouard Clément, directeur général du Carrefour de modélisation énergétique. « Il y a un momentum au Canada, avec les plus gros investissements en matière d’énergie. »
D’ici 2030, le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005. Pour décarboner l’économie canadienne, le gouvernement fédéral adopte une série de mesures, comme le nouveau Règlement sur l’électricité propre.
Mais deux défis entravaient la transition énergétique, selon M. Clément. D’un : le manque de communication entre les provinces et Ottawa, ainsi qu’entre les différents organes fédéraux comme Ressources naturelles Canada, Environnement Canada ou la Régie de l’énergie du Canada. De deux : le manque de modèles précis et actualisés pour prendre les meilleures décisions pour la transition énergétique.
Au Royaume-Uni, en Californie ou en Suède, les preneurs de décisions peuvent s’appuyer sur des organisations spécialisées en modélisation, poursuit l’expert. Au Canada, de telles structures étaient absentes… jusqu’à récemment, avec la création du Carrefour de modélisation énergétique et de l’Accélérateur de Transition.
Des modèles pour s’enligner
« Il y a plusieurs moyens d’arriver à la décarbonation, explique Edouard Clément. Certains sont plus coûteux, certains ont une plus grande acceptabilité sociale ou différents besoins en technologies. L’utilisation de données pour la prise de décisions est super importante. On a les données ; maintenant, il faut pouvoir les analyser. »
La modélisation permet de prédire quels seront les effets de différentes stratégies sur différents indicateurs comme le PIB, l’emploi ou le développement de nouvelles filières technologiques. Grâce à de complexes calculs mathématiques, ces modèles permettent d’évaluer avec plus de précisions les actions à prioriser selon différents paramètres.
En 2023, Hydro-Québec a par exemple annoncé son intention de doubler la capacité énergétique de la province d’ici 2050 pour réussir sa transition énergétique. « Il faut modéliser des technologies. Si on met tel ou tel type de technologie, voici ce que ça demande en matière d’électricité », illustre Normand Mousseau, professeur de physique et directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier.
« La modélisation est, selon moi, un outil essentiel pour savoir où on s’en va. On cherche à identifier des trajectoires techniquement et économiquement viables », ajoute Éloïse Edom, chercheuse à l’Institut de l’énergie Trottier. Celle-ci a activement travaillé sur l’Initiative de modélisation énergétique lancée en 2019 par l’Institut.
Un peu plus de deux ans plus tard, sur les bases de l’Initiative, le Carrefour de modélisation énergétique est lancé grâce à un investissement de 5 millions de dollars de Ressources naturelles Canada. Il s’agit d’un réseau pancanadien et non partisan de modélisateurs en énergie et en électricité, piloté par trois universités : Polytechnique Montréal, l’Université de Calgary et l’Université de Victoria.
« L’idée était de créer un groupe pour centraliser les expertises et les modèles et de s’assurer que les gens se parlent entre eux, explique Edouard Clément. On développe des modèles, des outils et des plateformes de visualisation en accès libre (Open source). On forme la communauté avec des ateliers. On rassemble des développeurs de modèles et des preneurs de décisions. On a fourni des données pour soutenir les recommandations dans le prochain rapport du Conseil consultatif canadien de l’électricité, » énumère-t-il.
Une transition méthodique
« Comment penser la transition d’un point de vue méthodologique ? » énonce Normand Mousseau pour résumer l’approche des deux organisations qu’il a contribué à fonder. Après avoir codirigé l’Initiative de modélisation énergétique, il est codirecteur scientifique du Carrefour de modélisation énergétique et conseiller principal en trajectoires de transition à l’Accélérateur de transition, créé il y a cinq ans.
« On va travailler avec des secteurs économiques plus particuliers pour déterminer comment on structure des approches stratégiques terrain pour avancer la décarbonation, détaille M. Mousseau au sujet de la mission de l’Accélérateur. On s’appuie sur une méthodologie qui va identifier les problèmes, les acteurs, des trajectoires locales qui peuvent être différentes d’une région à l’autre. On a bâti une stratégie qui permet d’asseoir autour de la table des centaines d’entreprises pour discuter de la manière d’avancer de façon stratégique. » Normand Mousseau donne comme exemple la création d’un hub sur l’hydrogène en Alberta, codirigé par l’Accélérateur et financé, entre autres, par le gouvernement albertain.
Transport, bâtiment, matériaux critiques, électricité, économie, biocarburants : la liste des secteurs impliqués dans la transition énergétique est longue. Et malgré les avancées, rappelle M. Mousseau, le Canada doit continuer à peser sur l’accélérateur pour atteindre ses cibles de réduction de GES.
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