Manifestations au Brésil contre la criminalisation de l’avortement issu d’un viol

«Être une fille, ce n’est pas être une mère», ont scandé des manifestants à Rio de Janeiro jeudi soir.
Photo: Mauro Pimentel Agence France-Presse «Être une fille, ce n’est pas être une mère», ont scandé des manifestants à Rio de Janeiro jeudi soir.

Des milliers de personnes ont manifesté jeudi dans plusieurs villes du Brésil contre un texte examiné au Congrès qui prévoit de criminaliser l’avortement et d’appliquer des peines allant jusqu’à 20 ans de prison, même lorsque la grossesse résulte d’un viol.

« Être une fille, ce n’est pas être une mère », ont scandé des manifestants à Rio de Janeiro, qui ont également défilé à Sao Paulo, Brasilia et Florianopolis, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux et dans les médias.

Les députés « défendent le droit du foetus mais ne défendent pas le droit d’une fille à refuser de porter une grossesse issue d’un viol », a fustigé Vivian Nigri qui est venue gonfler les rangs de la manifestation à Rio de Janeiro.

Au Brésil, l’avortement n’est autorisé qu’en cas de viol, de risque pour la mère ou d’anomalie cérébrale du foetus. La législation brésilienne ne prévoit en outre aucun délai de prescription lorsque la grossesse est issue d’un viol. En dehors de ces exceptions, l’avortement est puni d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à quatre ans de prison.

Le texte, en cours d’examen à la Chambre des députés, est défendu par des députés évangéliques. Il prévoit de qualifier d’« homicide simple » tout avortement pratiqué après 22 semaines de grossesse, même lorsque celle-ci résulte d’un viol.

Il prévoit également de punir l’avortement d’une peine d’emprisonnement de six à vingt ans lorsqu’il est pratiqué après 22 semaines de grossesse. C’est le double de la peine encourue par un violeur au Brésil.

Sous la pression des députés conservateurs, le texte a été envoyé directement à la Chambre des députés mercredi, sans avoir été débattu en commission, déclenchant l’inquiétude du camp progressiste.

Aucune date n’a été encore fixée pour le vote de ce texte par les députés brésiliens.

La porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, Elizabeth Throssell, a exprimé sa préoccupation concernant les modalités d’examen du texte.

« Nous craignons que cette procédure d’urgence évite la discussion du projet dans les commissions parlementaires. Or c’est une étape nécessaire pour comprendre ses implications et sa conformité aux normes internationales concernant les droits de l’homme », a-t-elle déclaré vendredi à Genève à la presse.

S’il est adopté par le Congrès brésilien, le texte affectera en particulier les femmes victimes de viol qui ont souvent des difficultés à parler ou ne détectent que tardivement des signes de grossesse.

Fin mai, le Congrès brésilien avait contourné un veto du président de gauche Lula et adopté un article interdisant à l’Etat de financer des activités liées à l’avortement ou encore à la chirurgie de réassignation sexuelle sur des mineurs.

Au Brésil, une jeune fille de moins de 13 ans est violée toutes les 15 minutes, selon des statistiques officielles. Environ 20 000 filles de moins de 14 ans deviennent mères chaque année dans le pays.

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