Le plan, c’est de tolérer la pauvreté extrême au Québec?

Une personne dort dehors sur l'esplanade de la Place des Arts.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Une personne dort dehors sur l'esplanade de la Place des Arts.

En voyant de plus en plus d’itinérance ces dernières années, on se pose toutes et tous des questions. On pense souvent à la crise du logement ou à la crise de la santé mentale, et avec raison. Il faut toutefois parfois prendre un pas de recul, pour regarder d’autres éléments de la pauvreté au Québec. Pourquoi est-ce qu’autant de personnes ont de si faibles revenus qu’elles ne peuvent plus se payer un logement et qu’elles sont à deux doigts de se retrouver à la rue ?

Le gouvernement du Québec a déposé en catimini, le vendredi avant la fête nationale et sans conférence de presse, son quatrième plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. On aurait dû y trouver une cible et des moyens. Rappelons que lors des annonces des trois premiers plans de lutte contre la pauvreté, on annonçait de nouvelles aides structurantes, même si ces aides étaient moyennement ambitieuses.

Par exemple, le troisième plan de lutte contre la pauvreté annonçait la création du Programme de revenu de base, destiné à « sortir de la pauvreté » 100 000 personnes vivant avec des difficultés de santé de longue durée. Même si ces personnes ne sont pas réellement sorties de la pauvreté, la création de ce programme était néanmoins une grande avancée pour le Québec.

Dans ce quatrième plan de lutte, il n’y a tout simplement pas de cible de sortie de la pauvreté ni d’annonce de nouvelles mesures structurantes. Le Conseil des ministres n’a même pas cru bon de se conformer à l’obligation légale de fixer, dans un tel plan, une cible d’amélioration des faibles revenus des personnes assistées sociales.

La pauvreté économique extrême, selon Statistique Canada, c’est quand le revenu (après crédits d’impôt et allocations) ne couvre même pas les trois quarts du « panier » des besoins de base. C’est en grande partie les personnes assistées sociales qui figurent dans cette catégorie au Québec, surtout des personnes seules, mais aussi un nombre substantiel de familles monoparentales et même de familles à deux revenus.

Quand on reçoit le petit chèque d’aide sociale, on ne peut même pas combler la moitié de ses besoins de base ! Pour plusieurs, une chambre en colocation coûte presque l’entièreté du chèque. À la rue ou proches de l’être, la plupart de ces personnes vivent un enfer.

Qu’elles soient en santé ou non, alphabétisées ou non, ces personnes se concentrent sur leur survie et luttent fort au quotidien pour non seulement éviter la rue, mais aussi sortir de ce système qui semble vouloir noyer ses prestataires plutôt que les soutenir le temps qu’ils retrouvent une stabilité.

Si notre système d’aide financière de derniers recours est famélique, c’est en partie parce qu’il souffre de préjugés et de négligence. Les modestes changements annoncés dans le dernier plan de lutte ne permettront pas aux personnes assistées sociales de s’en sortir. C’est pour cela que le Front commun des personnes assistées sociales du Québec et d’autres groupes dénoncent ce plan en le décrivant comme le reflet d’une froide indifférence à l’égard des personnes en situation d’extrême pauvreté.

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