Être responsable au cas où nous perdrions?
Il y a un bon moment déjà que l’on ne nous avait pas avancé l’argument anti-référendaire du « au cas où ». Cela s’explique évidemment par le fait que, depuis plusieurs années, le Parti québécois (PQ) et l’option souverainiste semblaient sur le point d’être rayés de la carte.
Maintenant que l’avance du PQ se consolide dans les sondages et que son chef, à l’instar de Jacques Parizeau il y a trente ans, refuse de chercher à sauver la chèvre et le chou, c’est-à-dire de viser la souveraineté mais en n’étant qu’un parti de gouvernement (d’une province), l’appel à la prudence se fait de nouveau entendre : « Prenez le pouvoir, chers péquistes, puisque nul doute que vous avez les intérêts du Québec à coeur et que votre chef ne manque ni de bonnes idées ni d’intégrité, mais n’allez pas trop loin, car le mieux est l’ennemi du bien. »
En d’autres mots : « Soyons maîtres chez nous, oui, mais ne transformons pas ce désir en référendum au cas où nous le perdrions. »
Certes, avec un peu plus du tiers des Québécois qui, pour l’instant, seraient prêts à voter Oui, il y a encore loin de la coupe aux lèvres — quoique la réalité puisse surprendre quand on la bouscule. C’est sans compter qu’il ne s’agirait fort probablement pas d’une défaite référendaire sans conséquences. Bien au-delà de la déprime collective qui s’ensuivrait, une vague de mépris symbolique, politique et juridique submergerait l’ensemble des Québécois. L’histoire nous l’a enseigné. On retrouve ici le coeur de l’argument.
À la suite des deux référendums perdus, le gouvernement fédéral a d’abord rapatrié unilatéralement la Constitution et modifié cette dernière sans l’accord du Québec. Puis il s’est empressé d’adopter une loi sur la clarté référendaire. N’oublions pas non plus la contestation tenace, de la part des fédéralistes, de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec (loi 99) adoptée en 2000 sous le gouvernement Bouchard, et celle des lois linguistiques québécoises ces dernières décennies.
Un chef de parti et, possiblement un jour, de gouvernement qui affiche clairement ses convictions et son plan de match a cependant le mérite de jouer franc jeu. Dire ce pour quoi on est en politique et ce que l’on fera une fois élu, c’est respecter ses concitoyens, leur intelligence et leur liberté : « Voici ce dans quoi vous vous embarquez si vous votez pour moi et mon parti. À vous de décider. »
Qui plus est, la posture, ou l’éthique, adoptée par Paul St-Pierre Plamondon permettra peut-être, justement, d’éviter aux Québécois de s’aventurer trop loin, puisqu’un nombre suffisant d’électeurs pourraient refuser de le suivre dès la prochaine élection. Les risques associés à l’échec d’un troisième référendum seraient ainsi en partant écartés. Comme si M. St-Pierre Plamondon se montrait responsable en exposant ses convictions et en s’y tenant.
La véritable faiblesse de cet argument réside toutefois dans le fait qu’il laisse apparaître en creux la nécessité de faire sans trop tarder du Québec un pays. Cela se rapproche même d’un argument par l’absurde en faveur d’une remise en l’état de la mécanique référendaire, puisque l’on dit : « Ne tenons pas de référendum, car, si nous le perdons, les Canadiens hors Québec et leur gouvernement national nous nuiront et nous mépriseront davantage. » Or, voilà, paradoxalement, une raison, pour ne pas dire la raison, de couper les liens avec le Canada.
En effet, si nous ne pouvons pas être à la fois avantagés et nous-mêmes au sein de la fédération, et que même toute velléité de la quitter démocratiquement et en bons termes se retourne contre nous, alors soyons lucides et fiers, et levons les feutres. Ce serait même une forme de prudence que d’agir de la sorte. « Il est un temps où le courage et l’audace tranquilles deviennent pour un peuple, aux moments clés de son existence, la seule forme de prudence convenable », disait René Lévesque.
Bref, quand se cristallise l’impression qu’un « Québec fort au sein d’un Canada uni » ne veut et ne voudra plus rien dire, comme c’est présentement le cas, la seule avenue qui reste est de défendre ses convictions.
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