Les dirigeants d’entreprises aussi peuvent tomber
Pour les dirigeants d’entreprise, il est essentiel de prendre soin de son personnel et de veiller à un environnement de travail accueillant. Toutefois, souvent, les dirigeants eux-mêmes reconnaissent mal leurs propres besoins en matière de santé mentale. On va se dire les vraies choses.
Les cadres d’entreprise de tout genre, milieu et âge sont généralement des personnes ayant tendance à vouloir tout maîtriser à la fois. Parfois, surtout dans le cas des dirigeants de PME plus modestes, il s’agit d’une nécessité bien réelle.
Les dirigeants de PME sont effectivement capitaines du navire, se tenant debout malgré les creux de vague et les marées fortes. C’est ce qu’ils attendent d’eux-mêmes, car, dans les faits, une grande part des responsabilités sont sur leurs épaules : développement, objectifs, négociations, culture d’entreprise, emplois, finances, conformité, etc.
Étant donné qu’un grand nombre d’éléments requièrent l’attention des dirigeants, trop parfois, les signes avant-coureurs d’une détresse mentale tombent solidement dans le domaine du déni. Une dissonance s’établit entre les ambitions et les capacités. Ils ne reconnaissent plus le stress ni les maux de tête, l’insomnie, la fatigue, l’adrénaline constante. Certains se disent que cela fait partie de la « routine quotidienne » des dirigeants. C’est là que se trouvent les risques pour la santé mentale. Le mur arrive à grande vitesse. J’en sais quelque chose, car ce mur m’a frappé de plein fouet.
Loin d’être seul
En décembre dernier, le poids de mes responsabilités m’a carrément plaqué au sol. Toutes ces décisions et tâches ont fini par me vider, m’épuiser, m’exténuer, me surmener. C’est le résultat inévitable et inflexible du déni. Et s’en remettre mentalement et physiquement prend du temps, même avec d’excellents soins. J’applique maintenant une approche plus saine à mon rôle de chef d’entreprise. Toutefois, c’est un long pèlerinage comptant de nombreux obstacles, et parfois des régressions, à surmonter en cours de route.
Si j’ose mettre tout ceci en mots, c’est afin de sensibiliser les dirigeants et dirigeantes de PME à la nécessité de s’accorder la même considération bienveillante que celle dont bénéficient leurs employés. Nous ne sommes pas dotés de pouvoirs exceptionnels nous protégeant contre les risques d’épuisement mental. Ma propre expérience a été plutôt convaincante, je vous l’assure.
Je livre ici une anecdote inquiétante. Lors d’une réunion de réseautage à laquelle je participais, trois des huit entrepreneurs présents ont admis rencontrer des difficultés à conserver un équilibre sain, car il faut être performant et donner satisfaction. J’étais donc loin d’être le seul.
Au lieu de s’accorder du temps pour des divertissements, du sport et des loisirs, soit des pauses qui font du bien à l’équilibre personnel, certains dirigeants plongent dans des projets dont le volume devient lourd à porter. Sans s’en rendre compte, ils créent une bulle d’obligations à atteindre. Parmi certains pairs cadres, j’ai vu les effets de cette bulle sournoise, qui mène à l’isolation et à l’épuisement, qui change même les valeurs et les comportements. Je le voyais chez les autres, mais pas chez moi. Encore ce déni.
Trouver l’équilibre
Les dirigeants et dirigeantes de PME n’ont pas le choix de demeurer aux commandes de leur propre entreprise ; c’est un fait. Cependant, ils et elles ont certainement le choix de mieux s’occuper de leur santé mentale. C’est réellement, vraiment, le meilleur des choix qu’on puisse faire. Pour soi, pour son équipe, pour sa famille et pour ses amis.
Autant qu’un cadre puisse avoir du coeur pour ses employés, il faut aussi être à l’écoute de sa propre fatigue mentale. Un dirigeant doit représenter la culture de son entreprise ? Donner l’exemple de la bienveillance envers ses employés ? Logiquement donc, diriger par l’exemple signifie s’accorder du temps pour équilibrer les besoins professionnels et personnels. Voilà une excellente approche à adopter, je l’ai bien compris. Cependant, d’après mes observations, un trop petit nombre osent réellement le faire. Ce n’est plus mon cas, plus maintenant.
La raison d’être de cette tribune est de sensibiliser les dirigeants et dirigeantes d’entreprise aux bienfaits et à l’importance d’être également bienveillant envers soi-même. Aucune entreprise ne pourra se développer, et aucun employé ne sera motivé, si les cadres supérieurs négligent leur santé mentale.
J’encourage chaleureusement mes pairs à réfléchir sur le sujet. C’est une bonne chose à faire. Pour vous-mêmes avant tout, et pour l’exemple positif que vous ferez rayonner pour d’autres ensuite.
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