Dans l’ombre des artistes, leurs agents
Je suis le gardien ultime de leur carrière et, avec moi, faut que ça se passe ! » Emmanuelle Girard gère d’une douce main de fer les destins artistiques de Beyries et d’Alexandra Stréliski, auxquels elle se consacre entièrement depuis 2017. Après un parcours d’athlète, de communicante et de publicitaire, celle qui confie n’avoir « pas tant » d’affinités avec la musique, suit corps et âme son instinct : il faut que le grand public découvre Amélie Beyries, dont elle a pour la première fois entendu la musique en 2010 à l’occasion d’une campagne Web de lutte contre le cancer du sein.
« J’ai eu un coup de coeur total », dit Emmanuelle Girard, qui a eu cettechanson d’Amélie Beyries dans latête pendant un an ou deux avant de finalement la rencontrer. « Elle a fini par me faire écouter ses autres maquettes et je lui ai dit qu’elle ne pouvait pas garder ça pour elle », se souvient l’agente artistique. Nous sommes en 2012, et alors qu’elle travaille pour l’équipe Spectra, elle se plaît à parler de la musicienne encore anonyme à qui veut l’entendre. « Les retours que j’ai de l’industrie étaient dithyrambiques », ajoute-t-elle. La suite, nous la connaissons : le réalisateur Alex McMahon se joint à l’aventure et Landing, le premier album de Beyries, paraît en 2017. Le succès est immédiat.
Pour que mes artistes puissent se concentrer sur leur travail, qui est la composition et la performance, je fais de la coordination avec toutes les équipes — les maisons de disques, la production de spectacle, les attachés de presse, etc. Une fois que les grandes lignes sont claires, c’est plus simple pour prendre les bonnes décisions. Quoi qu’il en soit, je suis en communication constante avec elles. On est vraiment proches. Emmanuelle Girard »
Une relation de confiance
Si le milieu artistique dans lequel elle évolue est différent, la fortune de l’imprésario Cha Cha Da Vinci ressemble à celle d’Emmanuelle Girard. « Je suis Américaine et quand je suis arrivée à Montréal, ma fille a participé à une publicité. Elle avait à l’époque un agent qui m’a proposé de me joindre à l’aventure et c’est comme ça que tout a commencé, il y a 24 ans », révèle l’ancienne chanteuse et danseuse professionnelle. Et de poursuivre, amusée : « Mes premières soumissions pour des films ou des émissions se sont faites par l’envoi de portraits dans des enveloppes par coursier. »
Aujourd’hui à la tête d’une agence qui compte une centaine d’acteurs de cinéma, de télévision, de doublage et de publicités, elle croit que son métier n’est pas difficile dès que l’on comprend d’où vient chacun et que tout le monde fait du mieux qu’il peut. « Chaque personne a sa propre intelligence émotionnelle et n’oublions pas que nous avons affaire à des artistes », souligne l’agente. Le mandat de Cha Cha Da Vinci auprès de ses clients est ainsi stratégique, et cela nécessite au préalable beaucoup d’écoute et d’attention. « Je m’assure qu’ils décrochent les bons rôles en fonction de l’avancée de leur carrière, explique-t-elle. Est-ce que c’est une bonne idée de faire une publicité tout de suite après un film, par exemple ? » De fait, elle consacre une grande partie de son temps aux discussions afin de connaître ses acteurs. « Ce n’est pas juste un travail pour eux, c’est leur rêve », fait-elle remarquer.
Lui aussi devenu agent « par la force des choses » : Vincent Beaulieu, président de l’agence BAM, se voit comme un chef d’orchestre qui met tout en oeuvre pour que les compagnies de danse ou de cirque qu’il représente soient au mieux lors des spectacles. « J’occupe plutôt une place de conseiller, car on travaille spécifiquement sur un projet et pas une carrière », mentionne-t-il. Il s’assure donc de répondre à leur besoin en étroite collaboration avec l’équipe de création, notamment sur la logistique. « Quand il y a des succès, c’est le fun d’être partie prenante ! » s’enthousiasme-t-il.
Toujours plus haut
De son côté, Emmanuelle Girard met un point d’honneur à faire rayonner Beyries et Alexandra Stréliski. Le développement, quand il s’agit de les faire connaître à ceux qui n’en ont jamais entendu parler, c’est son dada. « Pour que mes artistes puissent se concentrer sur leur travail, qui est la composition et la performance, je fais de la coordination avec toutes les équipes — les maisons de disques, la production de spectacle, les attachés de presse, etc. », souligne-t-elle également. Selon l’agente, pour que les petits détails comptent, elle se doit de connaître les musiciennes sur le bout des doigts. « Une fois que les grandes lignes sont claires, c’est plus simple pour prendre les bonnes décisions, précise-t-elle. Quoi qu’il en soit, je suis en communication constante avec elles. On est vraiment proches. »
Très présente auprès de ses comédiens lors des tournages, entre autres, Cha Cha Da Vinci aime par ailleurs entretenir un lien fort avec tous les acteurs du milieu. Sa flamboyance et sa détermination ont en effet valu au Montréalais Moe Jeudy-Lamour de décrocher le rôle du gardien de soccer Thierry Zoreaux dans la série Ted Lasso.
« Il venait juste de jouer dans un X-Men, où il portait cette grande perruque, quand il a auditionné pour Race [10 secondes de liberté]. Ils ont voulu qu’il se laisse pousser les cheveux, sauf qu’il souffre d’alopécie… » raconte avec entrain l’agente.
Cha Cha Da Vinci intervient de justesse et évite le drame. « Quand j’ai entendu quelqu’un lui dire “dommage, on va trouver quelqu’un d’autre”, je leur ai demandé quatre heures, continue-t-elle. Avec Moe Jeudy-Lamour, on a couru acheter une perruque à 100 $ et on a demandé au coiffeur du tournage de X-Men de nous aider. Voilà, il avait des cheveux ! » Et un rôle dans 10 secondes de liberté.
« C’est comme ça qu’il a rencontré Jason Sudeikis [tête d’affiche de Ted Lasso], lui aussi de la distribution du film, et ils ont sympathisé. » Quelque temps plus tard, l’acteur québécois est engagé pour Ted Lasso. D’après elle, la résolution de problème est essentielle pour ne pas manquer d’occasions. « Je suis au service des gens et ils aiment ça », indique-t-elle. « C’est une grande responsabilité, c’est leur vie. Donc moi aussi, je fais de mon mieux. »