Les ambitions de Lévis ont besoin de Rabaska pour prendre racine
Le maire de Lévis se défend d’avoir voulu semer la consternation, vendredi dernier, en annonçant son intention d’acquérir la moitié des terres de Rabaska, qui sont convoitées par le Port de Québec. Dans une lettre ouverte diffusée mardi, Gilles Lehouillier maintient que l’achat des terrains s’inscrit dans son devoir de servir l’intérêt de sa population et les ambitions de sa ville.
« L’acquisition par la Ville de Lévis d’une partie des terrains appartenant à la société en commandite Rabaska est essentielle », écrit d’emblée le maire. Ces terrains, ajoute-t-il, s’étalent sur 271 hectares, soit « trois fois la grandeur des plaines d’Abraham », et il importe de « conserver le contrôle » de ces « lots stratégiques situés à l’est de son territoire ».
La Ville a agi prestement dans ce dossier, convoquant à 24 heures de préavis, la semaine dernière, une séance extraordinaire du conseil municipal avec un seul point à l’ordre du jour : l’« acquisition par expropriation » de la moitié des terres de Rabaska, une résolution facilement adoptée par un conseil composé presque entièrement d’alliés du maire, mis à part deux exceptions de l’opposition.
L’issue de la séance extraordinaire a soulevé une levée de boucliers, notamment de la part du Port de Québec, qui décriait le jour même « un geste soudain, unilatéral et incompréhensible ». À l’étroit sur la rive nord du fleuve, le Port avait déjà annoncé son intention d’acquérir la totalité des terres de Rabaska d’ici la fin de l’année. Selon l’administration portuaire, la décision de Lévis « menace de plonger le développement du secteur dans des années d’immobilisme ».
« Protéger l’intérêt public »
Mardi, le maire a remis les pendules à l’heure et a fait savoir qu’il entendait les choses d’une autre oreille. « Ma première responsabilité en tant que maire de la Ville de Lévis est de protéger les intérêts de ma population, souligne Gilles Lehouillier. Je souhaite assurer le développement de notre territoire en adéquation avec les ambitions des Lévisiennes et des Lévisiens. […] À cet effet, les terrains acquis serviront à créer une réserve foncière, protéger le patrimoine municipal et assurer une pérennité financière pour la Ville. »
Lévis et son maire attendent des retombées importantes de l’inclusion du chantier Davie dans la stratégie nationale de construction navale. Gilles Lehouillier a maintes fois répété que l’industrie maritime deviendrait pour la région de Québec ce que le secteur aérospatial est déjà à Montréal.
La constitution d’une grappe industrielle autour de l’économie navale nécessitera des terrains situés à proximité du chantier Davie. Récemment revenu d’une mission d’affaires en France, le maire de Lévis a constaté que 75 % des fournisseurs gravitaient à proximité des chantiers navals en Europe.
Gilles Lehouillier en a pris bonne note et a, depuis, plusieurs fois répété ce constat en public. Le maire n’a pas précisé son intention quant aux terres de Rabaska, notant dans sa lettre que « les usages qui seront déterminés et autorisés sur le site feront l’objet d’une consultation auprès de la population de Lévis ».
L’acquisition des terrains par le Port de Québec placerait ceux-ci sous la férule du fédéral. Le maire a voulu éviter de perdre la mainmise sur ces terres. « Devant la nécessité de protéger l’intérêt public et les pouvoirs d’intervention de la Ville en matière d’aménagement du territoire, le conseil municipal de Lévis n’a eu d’autre choix que d’enclencher des procédures menant à l’acquisition d’une partie des terrains », écrit Gilles Lehouillier.
Ce dernier se défend d’avoir agi en catimini et d’avoir placé qui que ce soit devant le fait accompli. Dans sa lettre, il insiste pour dire que « la décision d’acquérir 50 % de la superficie des terrains de Rabaska est le fruit d’un long processus » ayant commencé en septembre dernier et qu’à plusieurs occasions, il a répété ses intentions, notamment au premier ministre François Legault et aux ministres Bernard Drainville et Martine Biron.
En avril dernier, Lévis signalait à nouveau son intention et demandait un retour « au plus tard le 2 juin 2023 ».
Les terres de Rabaska appartenaient autrefois au territoire agricole, avant de changer de zonage pour accueillir un port méthanier. Malgré l’abandon de ce dernier en 2013 à la suite d’une importante mobilisation populaire, les terres n’ont jamais réintégré, depuis, leur zonage agricole d’origine.