Un Laurier pour Janette

Virginie Landry
Collaboration spéciale
Janette Bertrand
Photo: Valérian Mazataud Archives Le Devoir Janette Bertrand

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

C’est à Janette Bertrand que sera remis le Laurier Hommage à la prochaine cérémonie des prix Lauriers de la gastronomie québécoise, le 27 mai. Un prix visant à souligner sa remarquable contribution à la culture culinaire québécoise et à notre patrimoine de recettes. Grâce à un seul et unique livre de recettes, elle aura réussi à faire cuisiner du jambon au foin, du rôti de palette et de la truite en gelée à plusieurs générations de Québécois et Québécoises.

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez su que vous seriez honorée aux Lauriers de la gastronomie québécoise ?

D’abord, je ne m’y attendais pas du tout. Et puis, quand tu es vieux, tu vas à des enterrements. Tu entends les hommages que les gens rendent aux défunts et tu te demandes pourquoi n’ont-ils pas dit ça alors que la personne était encore en vie ? Moi, on me le dit pendant que je suis encore là. Je suis contente, bien que je ne m’enfle pas la tête avec ça.

À quand remonte votre intérêt pour la cuisine ?

Quand j’étais jeune, c’était pour une seule raison : je voulais être aimée par mon père. Il aimait beaucoup jouer avec mes frères au baseball, au hockey. Je me suis vite rendu compte que si je désirais attirer son attention, je devrais lui préparer à manger. C’est triste, mais c’est ça. J’ai fait beaucoup de cuisine pour qu’il me réponde que mon sucre à la crème, par exemple, était le meilleur qu’il n’ait jamais mangé.

Vous n’avez écrit qu’un livre de recettes, Les recettes de Janette et le grain de sel de Jean, paru en 1968. Il fut réédité en 2005 et vous y avez ajouté 165 nouveaux plats. D’où vous est d’abord surgie l’idée de publier ce livre, il y a 56 ans ?

À l’époque, je faisais de la radio avec mon ancien époux, Jean Lajeunesse. On animait à CKAC Mon mari et nous en direct de notre maison de Westmount. Le midi, mes enfants venaient dîner et pendant l’émission, mon mari me demandait : « Qu’est-ce que tu leur fais à manger aujourd’hui ? » Et, moi, comme une folle, je faisais à manger pendant la diffusion ! Je décrivais mes plats à la radio. À un moment donné, un éditeur m’a approchée et m’a raconté que sa femme faisait toujours mes recettes. Il m’a questionnée, à savoir pourquoi je ne les publiais pas. Je lui ai répondu qu’elles n’étaient pas toutes mes créations, mais plutôt mon répertoire à moi ! Tout ça pour dire qu’on en a fait un livre… Et ç’a tellement marché !

Comment expliquer que vos recettes aient passé l’épreuve du temps, qu’on les prépare encore ?

Parce que c’étaient des recettes extraordinairement faciles. Avant, elles étaient souvent écrites par des hommes dont c’était le métier. Mais moi, j’étais une femme qui travaillait, qui avait trois enfants et qui coanimait une émission tous les jours à la radio. Alors je coupais les coins ronds quand je préparais les repas. Ce livre aurait d’ailleurs pu s’appeler « Cuisine pour femmes qui travaillent ». C’est ce qui explique son succès.

De quelle recette vous parle-t-on encore le plus ?

Mon rôti de palette. C’est celle qui a fait décoller les ventes du livre. Je ne sais pas trop où j’avais pris ça, je l’ai peut-être inventée. C’était du boeuf avec un sachet de soupe à l’oignon Lipton, cuit dans du papier d’aluminium. À l’époque, tous les jeunes qui partaient en appartement cuisinaient ça.

Pourquoi ne pas avoir publié d’autres recueils de recettes ?

Je n’ai plus eu le temps. Mon intérêt est allé vers d’autres choses. J’ai tout de même continué à noter des recettes dans un tout petit livre, toutes écrites à la main. Il y a beaucoup de raccourcis dedans, je n’explique pas des affaires… Je n’ai jamais rien fait avec ça, je ne sais pas ce que j’en ferai. Ce sont des recettes pour moi. D’ailleurs, il m’enrage, mon petit livre ! Je dois passer au travers pour trouver une recette !

En bref

• Un aliment qui évoque la nostalgie ? Les huîtres, c’était très festif quand j’étais jeune. Mon père en achetait chaque année un baril et mettait ça dans la cave. Il fallait les manger ! J’ai des souvenirs dans lesquels j’allais marcher après le souper parce que j’en avais trop mangé. Dans mon estomac ça faisait « flouc flouc ». J’aime encore ça aujourd’hui !

• Votre recette préférée ? Mon gâteau aux bananes. C’était la recette de ma grand-mère, elle cuisinait si bien. Il y a sept bananes dedans, c’est nourrissant, dense.

• La recette… de la longévité ? Avoir de l’intérêt pour les autres. Être curieux. Sinon, tu vieillis vite.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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