À Kamloops, on rabroue les négationnistes et on se concentre sur les recherches
Il n’est pas question de compromettre l’enquête sur les sépultures de l’ex-pensionnat pour Autochtones de Kamloops pour répondre à des agitateurs qui nient les faits, a lancé mercredi la cheffe de la Première Nation Tk’emlúps te Secwépemc dans un point de presse dressant le bilan des recherches sur les tombes anonymes.
Devant une poignée de représentants des médias, la cheffe Rosanne Casimir a rappelé que les « résultats des recherches concordent à ce jour avec la présence de sépultures anonymes ».
« Quand je pense au déni : nous nous concentrons sur la recherche de réponses, sur la quête de paix des familles des enfants disparus. Nous savons que notre enquête multidisciplinaire progresse bien. Je n’ai pas de temps pour les agitateurs qui nient les faits. Nous continuerons de faire la lumière sur la vérité et nous ferons des mises à jour au fur et à mesure », a-t-elle lancé.
« Nous ne mettrons jamais l’enquête en péril pour répondre à ce qui ressemble à du discours haineux et des remarques racistes », a ensuite dit la cheffe Casimir. Elle a tout de même dit comprendre que la possible présence de tombes anonymes puisse perturber les Canadiens. « C’est normal d’avoir du mal à le croire », a-t-elle affirmé, en s’engageant à fournir davantage d’informations et de preuves au fil du temps.
Un changement de vocabulaire
Le 27 mai 2021, Tk’emlúps te Secwépemc annonçait dans un communiqué de presse la découverte de la « dure vérité », c’est-à-dire de « la confirmation des restes de 215 enfants qui étaient des élèves du pensionnat de Kamloops ».
Trois ans plus tard, la communauté de la Colombie-Britannique affirme qu’elle a fait état en mai 2021 de « conclusions préliminaires » au sujet d’« environ 200 anomalies » détectées dans le sol près de l’ancien pensionnat de Kamloops. « Certaines [des anomalies] pourraient être des tombes anonymes d’anciens élèves », avance désormais Tk’emlúps te Secwépemc.
Interrogée sur ce nouveau choix de mots, la cheffe Casimir a déclaré que, « dès le début », l’experte chargée des recherches — Sarah Beaulieu, de l’Université de la vallée du Fraser — avait confirmé la présence d’anomalies dans le sol. « Mais nous nous sommes aussi basés sur des détails historiques et sur l’histoire orale. […] Nous connaissons cette vérité, qui vient de nos survivants [des pensionnats] », a-t-elle souligné. « Les aînés et les survivants ont toujours parlé d’enfants du pensionnat qui mouraient ou qui disparaissaient. Les hommes parlent de garçons qui se faisaient réveiller au milieu de la nuit pour aller creuser des trous qui ressemblaient à des tombes, sans qu’on leur dise pourquoi », a-t-elle aussi illustré.
La cheffe Casimir a rappelé que les détails de l’enquête étaient gardés confidentiels, mais que les recherches « concordaient avec la présence de sépultures anonymes ». Elle avait précisé dès le mois de juin 2021 qu’il n’était pas question de « fosse commune » à Kamloops.
Exhumations et procédures judiciaires
Les recherches en cours à Kamloops permettront notamment de déterminer la cause du décès des enfants qui y auraient été enterrés et la nature des procédures judiciaires qui pourraient en découler.
« Nous nous assurons que l’enquête est menée de façon à ne pas entraver d’éventuelles procédures judiciaires ou à interférer avec elles », a dit la cheffe Casimir. Elle a plus tard précisé la nature des travaux en cours. « Ce que je peux dire, c’est que l’enquête sert à déterminer si, quand et de quelle manière nous pourrions mener des travaux relevant de l’expertise légale, comme l’extraction d’ADN, l’exhumation ou autres. »
Le travail d’enquête consiste aussi à fouiller les documents d’archives. « Plus de 128 communautés et 32 nations ont eu des enfants dans cette école », a rappelé la cheffe. La Commission de vérité et réconciliation du Canada avait recensé au moins 51 enfants morts au pensionnat pour Autochtones de Kamloops entre les années 1914 et 1963.
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Un modèle pour la suite ?
Mme Casimir a donné un point de presse conjointement avec l’archevêque de Vancouver, J. Michael Miller.
Le 21 juin, Journée nationale des peuples autochtones, Tk̓emlúps te Secwépemc a annoncé avoir conclu un « accord sacré » avec l’archidiocèse de Vancouver et le diocèse de Kamloops. L’accord, signé le 31 mai, scelle la collaboration entre la nation autochtone et les autorités religieuses afin qu’elles établissent les causes et circonstances des décès d’enfants envoyés dans les pensionnats.
Il s’appuie sur une « bulle pontificale » du pape Paul III, qui remonte à juin 1537. Ce décret indique notamment que les « Indiens » sont bel et bien des hommes, et qu’ils ne doivent pas être privés de liberté et du droit de propriété. Il s’agit là de « l’enseignement catholique officiel », stipule l’accord, qui oppose cette « bulle pontificale » aux écrits relatifs à la « doctrine de la découverte ». Le Vatican a répudié, en 2023, cette doctrine, qui a justifié la colonisation des terres ancestrales des Autochtones sous prétexte qu’elles n’appartenaient à personne.
L’« accord sacré » fait aussi état des répercussions négatives des pensionnats, qui ont séparé en un peu plus d’un siècle « plus de 150 000 enfants de leurs familles et de leurs communautés ». Mercredi, l’archevêque Miller a dit espérer que le texte servira de modèle ou de gabarit pour d’autres accords. « Il n’y a pas de doute : certaines choses, comme les nombres, sont encore contestées. Mais nier que le système des pensionnats a eu un impact négatif et nier que plusieurs élèves sont morts pendant qu’ils étaient inscrits à l’école, c’est juste… il a tort », a-t-il statué au sujet du président de la Catholic League, l’Américain Bill Donohue, qui a qualifié la découverte de Kamloops de « canular ».