Joe Biden est entré en zone de turbulence
Une rencontre avec des gouverneurs d’États démocrates à la Maison-Blanche mercredi. Une conférence téléphonique avec son équipe de campagne en présence de la vice-présidente, Kamala Harris, le même jour.
Puis, deux rassemblements politiques dans des États pivots, l’un en Pennsylvanie samedi, l’autre au Wisconsin vendredi, ainsi qu’une entrevue télévisée, initialement prévue dimanche prochain, mais dont la diffusion a été devancée à vendredi soir, à « une heure de grande écoute », en raison de l’« intérêt national », a expliqué cette semaine le réseau ABC.
Depuis 24 heures, le président américain, Joe Biden, cherche à convaincre son entourage et les électeurs qu’il est toujours l’homme de la situation, une semaine après le débat désastreux contre Donald Trump qui a fait naître des interrogations dans les rangs démocrates sur sa capacité à tenir le coup jusqu’au scrutin de novembre. Et plus loin.
Dans son entourage, on estime désormais que les prochaines 48 heures, qui amorcent la longue fin de semaine du congé national américain, vont également être cruciales pour faire taire les sceptiques, apaiser les angoisses et surtout faire apparaître des sondages qui, après un débat qui était censé donner un nouveau souffle à la campagne du président sortant, annoncent toujours des intentions de vote largement favorables à Donald Trump. Sans quoi, les voix appelant à une « solution de rechange » risquent de sortir des marges actuelles pour se multiplier, plaçant ainsi le Parti démocrate face à des chemins compliqués.
Les électeurs accordent désormais une avance de 6 points au républicain dans leurs intentions de vote, selon un sondage du collège Sienna dévoilé mercredi, moins d’une semaine après le débat catastrophique de Joe Biden.
Citant deux proches du président qui se sont entretenus avec lui ces derniers jours, le New York Times soulignait cette semaine que le président avait conscience de la gravité de la situation, reconnaissant que sa candidature était en jeu et qu’il ne disposait plus que de quelques jours pour rassurer les siens. Un temps insuffisant toutefois pour l’ex-conseiller de Barack Obama, Van Jones, qui mercredi, sur les ondes de CNN où il officie comme analyste politique, a indiqué qu’en coulisse, les démocrates avaient déjà fait un pas de plus en discutant désormais non plus du « s’il » faut remplacer Joe Biden, mais bien du « comment » le faire.
« Je comprends [qu’en public] des gens le défendent, le protègent, pour lui donner l’espace et la dignité nécessaires pour lui permettre de faire son propre choix, a-t-il dit. Mais il y a actuellement une grande discussion sur la manière dont [son remplacement] va se produire et non sur si [ce remplacement] doit se faire. »
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Depuis le 30 juin dernier, une vingtaine d’élus démocrates ou ex-figures importantes du parti ont appelé publiquement au départ de Joe Biden ou ont exprimé des préoccupations sur la suite de la campagne présidentielle, en raison d’une candidature affaiblie, selon eux, par la piètre performance du politicien de 81 ans lors du premier débat télévisé de la course. Il s’y est montré fatigué, souvent confus et parfois perdu dans ses phrases.
Dans les dernières heures, le député démocrate du Massachusetts, Seth Moulton, a ajouté sa voix à ce concert en estimant que le parti devait envisager « toutes les options viables ».
« Lorsque votre stratégie ne fonctionne pas, doubler la mise est rarement une bonne décision. Le président Biden ne va pas rajeunir », a indiqué ce démocrate modéré par voie de communiqué. « Battre Trump est impératif pour l’avenir de notre démocratie, surtout maintenant que la Cour suprême vient de lui signer un chèque en blanc pour agir comme un roi », a-t-il ajouté, faisant référence à la décision de la Cour suprême des États-Unis qui a en partie mis Donald Trump à l’abri de poursuites pour ses tentatives de renversement du résultat des élections et d’insurrection en 2020.
Cette semaine, un des très généreux donateurs du Parti démocrate, Reed Hastings, cofondateur de Netflix, a invité Joe Biden à quitter la course « afin de permettre à un leader démocrate vigoureux de battre Trump pour garantir notre sécurité et notre prospérité », a-t-il indiqué. La déclaration, rapportée par le New York Times, suivait de près l’appel lancé au président par The Economist au lendemain du débat télévisé. Selon l’équipe éditoriale du magazine, Joe Biden devrait rendre son « dernier et plus grand service public » en se retirant de la course au profit « d’un autre candidat démocrate ».
« Le choix évident pour remplacer M. Biden est sa vice-présidente, Kamala Harris », poursuit The Economist, tout en soulignant qu’elle n’inspire toutefois pas confiance aux électeurs.
C’est finalement Michelle Obama, l’ex-première dame des États-Unis, qui semble le mieux séduire les foules, selon un sondage mené au début de la semaine par la maison Ipsos pour le compte de Reuters. Elle est « la solution de remplacement » ayant le plus de chances de conduire les démocrates à la victoire face à Donald Trump en recueillant 50 % des intentions de vote. Le populiste ? Il en obtient 39 %. Le scénario reste toutefois improbable : malgré sa popularité constante, Michelle Obama a affirmé à plusieurs reprises ne pas souhaiter présenter sa candidature à la Maison-Blanche.
Comme substitut à Joe Biden, Kamala Harris traînerait de la patte par un point derrière le républicain, selon ce même coup de sonde. Le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, serait pour sa part devancé de 3 points par Trump et la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, autre favorite d’une éventuelle course à l’investiture démocrate, serait devancée de 5 points.
Au cours des derniers jours, Kamala Harris a indiqué qu’elle soutenait pleinement la candidature de Joe Biden pour un second mandat et qu’elle ne cherchait pas à le remplacer. « Nous ne reculerons pas. Nous suivrons l’exemple de notre président. Nous nous battrons et nous gagnerons », a-t-elle dit lors de la conférence téléphonique avec les responsables de la campagne démocrate, mercredi soir.
Une course à l’investiture démocrate à quatre mois du scrutin risquerait de faire passer les démocrates de la panique post-débat à la tourmente pré-convention nationale — qui va se tenir en août à Chicago —, et ce, en raison des enjeux légaux qu’un changement de candidat pourrait faire apparaître dans plusieurs États clefs. Dans le Wisconsin, à titre d’exemple, le nom d’un candidat ne peut être radié des bulletins de vote qu’en cas de décès. Au Nevada, la date limite pour remplacer un candidat en vue du scrutin de novembre était fixée au… 28 juin dernier. En Géorgie, ce changement devrait être fait au plus tard 60 jours avant le jour des élections.
« Nous surveillons les appels lancés de partout au président Biden pour qu’il se retire, que ce soit maintenant ou juste avant les élections, et nous avons conclu que le processus de substitution et de retrait est très compliqué », a déclaré Mike Howell, de la Fondation Héritage, un groupe ultraconservateur à la solde de Donald Trump qui promet de poursuivre et de contester les changements que ce remplacement pourrait induire sur les bulletins de vote. « Nous resterons vigilants pour nous assurer que les procédures et l’intégrité électorales soient respectées », a-t-il ajouté dans une déclaration.