En Iran, second tour de la présidentielle opposant un réformiste à un ultraconservateur
Les Iraniens votent vendredi pour le second tour de l’élection présidentielle, qui oppose le député réformateur Massoud Pezeshkian à un ancien négociateur nucléaire, l’ultraconservateur Saïd Jalili.
Le scrutin est suivi avec attention à l’étranger alors que l’Iran, poids lourd du Moyen-Orient, est au coeur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza au dossier nucléaire, dans lesquelles il s’oppose aux pays occidentaux, notamment les États-Unis, son ennemi juré.
Quelque 61 millions d’Iraniens sont appelés aux urnes dans les 58 638 bureaux de vote du pays depuis 8h00 (20h GMT). Les opérations de vote ont été prolongées jusqu’à 20h (16h30 GMT). Les résultats sont attendus samedi.
Arrivé en tête au premier tour avec 42,4 % des voix, M. Pezeshkian plaide pour un Iran plus ouvert à l’Occident. M. Jalili, qui a obtenu 38,6 % des votes, est lui connu pour ses positions inflexibles face aux puissances occidentales.
M. Pezeshkian, 69 ans, a reçu le soutien des anciens présidents, le réformiste Mohammad Khatami et le modéré Hassan Rohani.
Son rival, 58 ans, a lui notamment l’appui de Mohammad-Bagher Ghalibaf, le président conservateur du Parlement, arrivé troisième avec 13,8 % des voix au premier tour.
L’élection, organisée à la hâte pour remplacer le président ultraconservateur Ebrahim Raïssi, mort dans un accident d’hélicoptère le 19 mai, se tient dans un contexte de mécontentement populaire face notamment à l’état de l’économie frappée par des sanctions internationales.
« Visions différentes »
La participation au premier tour il y a une semaine avait atteint 39,92 % des 61 millions d’électeurs, son niveau le plus bas en 45 ans de République islamique.
Des figures de l’opposition en Iran, ainsi qu’au sein de la diaspora, ont appelé au boycott du scrutin, jugeant que les camps conservateur et réformateur représentent deux faces de la même médaille.
Mais pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, les électeurs ont bien un « choix » à faire, au vu des « visions totalement différentes » des candidats, affirme-t-il à l’AFP après avoir voté dans l’est de la capitale.
Dans un bureau de vote de Téhéran, Hossein, 40 ans, confie avoir choisi M. Pezeshkian, car il « peut changer des choses ».
Farzad, âgé de 52 ans — qui comme Hossein ne souhaite pas donner son nom de famille — a fait le même choix, pour « empêcher l’accès au pouvoir des radicaux » ultraconservateurs.
« Cela fait 45 ans que nous crions mort à l’Amérique, ça suffi […]. On ne peut pas construire un mur autour du pays », martèle-t-il.
Melika Moghtadaie, vêtue d’un tchador noir, a quant à elle opté pour M. Jalili. Cette étudiante de 19 ans compte sur lui pour « aider à améliorer l’économie du pays ».
Dans un café du centre de la capitale, Elmira, une étudiante de 26 ans, s’est abstenue et espère être imitée par beaucoup pour « envoyer un message » au monde.
Gens « mécontents »
Lors de deux débats télévisés, les candidats ont abordé les difficultés économiques du pays, ses relations internationales, le faible taux de participation aux élections et les restrictions imposées à Internet par le gouvernement.
« Les gens sont mécontents de nous », les responsables, a déclaré M. Pezeshkian. « Lorsque 60 % de la population ne participe pas [à une élection], cela signifie qu’il y a un problème » avec le gouvernement, a-t-il argué.
Le candidat réformiste, qui affirme sa loyauté à la République islamique, a appelé à des « relations constructives » avec Washington et les pays européens afin de « sortir l’Iran de son isolement ».
Négociateur dans le dossier nucléaire entre 2007 et 2013, M. Jalili s’était fermement opposé à l’accord conclu finalement en 2015 entre l’Iran et des puissances mondiales, dont les États-Unis, qui imposaient des restrictions à l’activité nucléaire iranienne en échange d’un allègement des sanctions.
Les négociations sur le nucléaire sont actuellement dans l’impasse après le retrait unilatéral des États-Unis en 2018 qui ont réimposé de sévères sanctions économiques à Téhéran.
Son adversaire appelle à régler la question persistante du port obligatoire du voile pour les femmes, l’une des causes du vaste mouvement de contestation ayant secoué le pays fin 2022 après le décès de Mahsa Amini, arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict.
Quel que soit le résultat du vote, l’élection devrait avoir des répercussions limitées, le président n’ayant que des pouvoirs restreints : il est chargé d’appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, qui est le chef de l’État.