Les inquiétudes sur l’antisémitisme ont-elles joué dans l’élection partielle à Toronto?
Un organisateur qui a encouragé les résidents juifs à voter contre les libéraux lors de l’élection partielle de Toronto de cette semaine suggère qu’une montée de l’antisémitisme a motivé de nombreuses personnes à se présenter aux urnes.
Andrew Kirsch, le candidat progressiste-conservateur de la circonscription aux élections provinciales de 2018, a contribué au lancement du groupe Jewish Ally plus tôt cette année en prévision du vote de lundi.
La course serrée s’est terminée par une défaite surprenante des libéraux et par une victoire du conservateur Don Stewart, avec près de 600 voix de plus que son adversaire libérale, Leslie Church.
M. Kirsch affirme que les membres de la communauté juive se sentent « abandonnés » par les libéraux au pouvoir, et il estime que cela a joué un rôle plus important dans les résultats que toute opinion sur la guerre entre Israël et le Hamas elle-même.
Les libéraux comme les conservateurs ont reconnu que la crise au Moyen-Orient était un facteur dans une circonscription où un habitant sur six s’identifie comme juif.
Pendant la campagne, les conservateurs ont lancé un appel direct à la communauté juive.
Les ménages ont reçu une lettre signée par Melissa Lantsman, cheffe adjointe du parti et députée de la région de Toronto, elle-même juive.
Elle a déclaré que les électeurs devraient choisir le candidat conservateur afin de dénoncer la prétendue « trahison » du premier ministre Justin Trudeau.
L’organisation de M. Kirsch, qui s’est inscrit comme tiers dans la course, a fait de la publicité dans la région et a tenté de sensibiliser le public sur la tenue de l’élection partielle.
Comme le Parti conservateur, il a demandé aux électeurs juifs d’envoyer un message au premier ministre Trudeau.
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La montée de l’antisémitisme marquante
M. Kirsch a dit qu’il est important que les gens comprennent que les membres de la communauté juive ont des opinions variées sur Israël et le conflit.
Mais il y a des lignes directrices, a-t-il suggéré.
« Ce qui a vraiment eu une résonance plus large, c’est la montée de l’antisémitisme que nous avons constatée et la réponse du gouvernement », a-t-il expliqué.
« Nous pouvons être en désaccord sur la manière dont le conflit est mené, sur Israël, sur le gouvernement, sur toutes ces choses. »
Les résidents ont été témoins de violences dans les carrefours communautaires, a souligné M. Kirsch, notamment une fusillade dans une école juive. Et ils observent des actes similaires se produire ailleurs au pays, y compris dans d’autres grandes villes comme Montréal.
La circonscription du centre-ville torontois a également été le théâtre de manifestations continues contre la guerre, a ajouté M. Kirsch.
« Nous pouvons débattre des définitions légales de la haine, mais ce dont nous ne pouvons pas débattre, c’est que c’est intimidant pour la communauté juive, et je pense que nous, la communauté juive, ne nous sommes pas sentis soutenus par ce gouvernement comme nous aurions dû l’être », a-t-il affirmé.
Le soutien aux libéraux ébranlé
Talia Klein Leighton, porte-parole de l’organisation Canadian Women Against Antisemitism, a déclaré qu’il y avait plus à interpréter des résultats qu’une possibilité que certains électeurs juifs souhaitaient soutenir le chef conservateur Pierre Poilievre pour son soutien franc à Israël.
Certaines personnes qui ont toujours voté libéral sont peut-être restées chez elles, a-t-elle déclaré, en raison de l’inaction perçue de la part du gouvernement.
« Il y a des Juifs conservateurs et des Juifs libéraux. Je pense que cette élection suggère que cela est en train de changer », a-t-elle avancé.
Sue Goldstein, une résidente impliquée dans l’organisation Independent Jewish Voices Canada, a remis en question l’idée selon laquelle le résultat de l’élection partielle pourrait s’expliquer par un déplacement des électeurs juifs vers les conservateurs.
Elle a noté que, de manière générale, de nombreux habitants de la circonscription étaient motivés par des préoccupations économiques.
Elle estime néanmoins que de nombreux Juifs ayant des opinions progressistes ont été déçus par la réponse du gouvernement au conflit.
Mme Klein Leighton, qui a déjà habité dans la circonscription, dit également avoir parlé avec des gens qui ont du mal à maintenir leur soutien de longue date aux libéraux en raison de ce qu’ils décrivent comme une réponse « tiède » à l’antisémitisme.
Le premier ministre et d’autres hauts responsables libéraux se sont prononcés à plusieurs reprises contre la montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie pendant le conflit.
Cela s’est démarqué, a déclaré Mme Klein Leighton, lorsque M. Trudeau a déclaré le mois dernier que « le sionisme n’est pas une insulte ».
Pourtant, beaucoup de gens considèrent sa réponse comme du bout des lèvres, a-t-elle déclaré.
Justin Trudeau a tenté d’adopter une position nuancée sur la guerre qui se déroule dans la bande de Gaza.
La guerre a été déclenchée par une attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, qui a tué quelque 1200 personnes et mené à l’enlèvement de 250 autres. Les offensives terrestres et les bombardements israéliens ont tué plus de 37 600 personnes dans la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, selon le ministère de la Santé du territoire, qui ne fait pas de distinction entre combattants et civils dans son décompte.
Divisions au Parti libéral
L’élection partielle dans Toronto — St. Paul’s était le premier scrutin fédéral depuis le début de la guerre. La circonscription, qui compte le cinquième pourcentage d’électeurs juifs le plus élevé du pays, était vacante depuis la démission de la députée de longue date Carolyn Bennett, en janvier.
Les députés libéraux de plusieurs autres circonscriptions à forte représentation juive ont été parmi les plus virulents pendant le conflit.
Parmi eux, on compte l’ancien ministre Marco Mendicino et l’actuelle ministre Ya’ara Saks, qui représentent respectivement les circonscriptions torontoises d’Eglinton-Lawrence et de York Centre, ainsi que Ben Carr, député de Winnipeg-Centre-Sud.
Anthony Housefather, le député libéral de Mont-Royal, à Montréal, a songé à quitter son parti en raison du soutien des députés gouvernementaux à une motion néodémocrate amendée appelant le Canada à mettre fin aux « exportations d’armes » vers Israël.
Les conservateurs ont les yeux rivés sur la circonscription. Il s’agissait de la première étape d’une tournée de M. Poilievre au Québec après la levée des travaux de la Chambre des communes pour la pause estivale.
Il est apparu sur scène lors d’un rassemblement avec le candidat du parti, Neil Oberman, un avocat qui a représenté des étudiants juifs dans une poursuite contre le campement propalestinien de l’Université McGill.
Talia Klein Leighton dit qu’elle n’est pas partisane et elle croit qu’il est important que des voix comme celle de M. Housefather continuent de rester au sein du Parti libéral « même si elles se retrouvent dans l’opposition ».
Mais elle a laissé entendre qu’il pourrait être difficile pour certains membres de la communauté juive de continuer à soutenir les libéraux sous sa direction actuelle.
« Peut-être que c’est un signal d’alarme. »