L’inflation mine la réussite des étudiants, constate le président de la Fédération des cégeps

Le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, s’inquiète de voir que nombre d’étudiants doivent travailler pour joindre les deux bouts, au moment où l’inflation crée chez eux une forte « anxiété financière » au point de miner « leur capacité de réussir » leurs études collégiales. Il réclame ainsi une majoration des prêts et bourses offerts par Québec pour alléger ce fardeau.

À l’aube de sa retraite, prévue le mois prochain, M. Tremblay a accordé une entrevue de fond au Devoir pour revenir sur le chemin parcouru depuis son arrivée à la tête de la Fédération des cégeps en 2015, et aborder les nombreux défis qui attendront sa successeure, Marie Montpetit, qui entrera en poste le 2 juillet.

Le gouvernement du Québec prévoit que d’ici 2032, le nombre d’étudiants dans l’ensemble du réseau collégial grimpera de 14,4 %, par rapport à 10 ans plus tôt, pour dépasser les 196 000. Bernard Tremblay craint toutefois que cette courbe croissante soit freinée par le manque de fonds disponibles pour la rénovation et l’agrandissement des infrastructures vieillissantes des cégeps de la province, mais aussi par l’attrait grandissant que représente le milieu du travail auprès des étudiants, au moment où le coût de la vie augmente.

« On voit une forte anxiété financière, parce que l’inflation, ça affecte les étudiants, et c’est clair que ça affecte leur capacité de réussir au cégep », relève M. Tremblay. « Les prêts et bourses, pour un jeune qui n’est pas soutenu par sa famille ou qui a des enjeux financiers parce qu’il n’habite pas chez lui avec ses parents, c’est clair que ça ne suffit pas. Il doit travailler », poursuit-il. Or, les études collégiales sont « très exigeantes », ce qui place parfois des étudiants aux ressources financières limitées devant des choix difficiles, s’inquiète le gestionnaire de 58 ans.

En « compétition » avec le marché du travail

L’avocat de formation constate ainsi que, plus que jamais, les cégeps se retrouvent « en compétition de façon très marquée avec le marché du travail », d’autant plus que la pandémie a poussé plusieurs entreprises à rehausser les salaires offerts pour différents types d’emplois qui demandent peu de prérequis.

« C’est sûr que c’est très attrayant. Par contre, les études sont unanimes depuis fort longtemps sur le fait que lorsqu’il y a une crise, qui est laissé pour compte ? Ce sont les sans-diplôme », lance Bernard Tremblay, qui rappelle d’ailleurs que ce sont les travailleurs n’ayant pas poursuivi leurs études au-delà du secondaire qui « ont le plus souffert » de la pandémie.

Dans ce contexte, « ça prend un message fort de l’État », souligne M. Tremblay, qui plaide pour un rehaussement des montants accordés par le gouvernement du Québec dans le cadre de son programme d’aide financière aux études, dont les critères d’admission sont d’ailleurs critiqués par plusieurs associations étudiantes.

Car si l’État ne réussit pas à rendre les études collégiales plus attrayantes, la productivité de l’économie québécoise en pâtira, entrevoit M. Tremblay, le regard vif. « On ne peut plus se contenter que notre ambition collective se limite à l’obtention d’un diplôme de secondaire 5 au Québec », lance le p.-d.g. sortant, selon qui « 90 % des nouveaux emplois dans les prochaines années vont requérir une formation collégiale ou supérieure ».

M. Tremblay se dit également préoccupé par le fait que le Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur, lancé en 2021, ne dispose pour l’instant que d’une vision sur cinq ans. Améliorer le taux de diplomation des étudiants du réseau collégial prendra pourtant plus de temps et des investissements qui devront se maintenir, estime M. Tremblay, qui sourcille en constatant que les sommes prévues à cet effet ont déjà commencé « à décroître » depuis deux ans.

Québec a prévu investir un total de 175 millions de dollars d’ici 2026 dans le réseau collégial dans le cadre de ce plan d’action, qui s’ajoute à un autre voué à améliorer la santé mentale des étudiants des cégeps et des universités de la province.

Une première femme porte-parole des cégeps

Le 2 juillet, Marie Montpetit brisera un plafond de verre en devenant la première femme à occuper la présidence-direction générale de la Fédération des cégeps.

Députée libérale de la circonscription provinciale de Maurice-Richard de 2014 à 2022, celle qui est actuellement analyste et chroniqueuse politique pour les médias de Québecor a notamment été conseillère stratégique en organisation du réseau de la santé de 2013 à 2014. Elle a ensuite occupé les fonctions de ministre de la Culture et des Communications et de ministre responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française d’octobre 2017 jusqu’à la défaite du Parti libéral du Québec et l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec, un an plus tard. C’est d’ailleurs elle qui a présenté en juin 2018 la deuxième politique culturelle de l’histoire du Québec, accompagnée d’une enveloppe de 600 millions de dollars.

Mme Montpetit a ensuite occupé différents rôles dans l’opposition officielle, dont celui de porte-parole en matière de santé et de services sociaux ainsi que sur les dossiers ayant trait à l’environnement et à la lutte contre les changements climatiques, avant de quitter l’arène politique en 2022.

Zacharie Goudreault

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