Des refuges pour animaux étranglés par les hausses de coûts
Pris à la gorge par les frais vétérinaires et de nourriture de plus en plus élevée, plusieurs petits refuges et organismes d’aide aux animaux domestiques sont forcés de réduire leurs activités. Endettés, certains craignent de devoir y mettre bientôt un terme, alors que la demande est plus criante que jamais.
« Je suis bombardée de messages. Pour les abandons au Québec, c’est la pire année. La surpopulation est comme irréparable. On est tous découragés », lance au téléphone Nancy-Ann Michaud, fondatrice du refuge Kitty-Kat Rescue, à Montréal.
Comme plusieurs autres responsables d’organismes du genre, Mme Michaud s’occupe d’animaux de compagnie en détresse, dont beaucoup sont mal en point. Elle arrive à la rescousse lorsque des gens trouvent des chats errants. Elle fait aussi affaire avec des cliniques vétérinaires, dont les clients ont abandonné leurs félins chez eux, souvent parce qu’ils n’avaient pas les moyens de payer pour des soins nécessaires.
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Les petites bêtes sont placées dans plus d’une trentaine de familles d’accueil. Tous les frais de soins et de nourriture, eux, sont assumés par l’organisme de cette aide-technicienne en santé animale. La petite « écaille de tortue » Iris, par exemple, qui a été trouvée dehors à quelques semaines à peine avec deux pattes cassées, ce qui a nécessité plus de 5400 $ pour une amputation et une réparation. C’est sans compter les coûts des vaccins et de la stérilisation.
Ne recevant aucune subvention, le refuge Kitty-Kat Rescue fait des campagnes de financement régulièrement pour sauver ces chats. Les adoptions, à 300 $, aident à éponger les dépenses. Mais les coûts ont bondi dans la dernière année, si bien que l’organisme fonctionne maintenant à perte.
« Ça fait plusieurs fois cette année que ma clinique augmente des coûts sans préavis », indique-t-elle, jugeant que son vétérinaire reste l’un des plus abordables à Montréal.
Mme Michaud estime que l’augmentation pour certaines marques de nourriture de qualité est « hors de contrôle ».
S’endetter pour la cause
Même si elle a fait une quinzaine de prises en charge de moins, Mme Michaud a accumulé 14 000 $ de dettes en un an. Elle ne croit pas pouvoir continuer ce travail bénévole si le compte en banque n’est pas revenu à zéro au début de 2024.
Bénévole pour l’organisme Patrichats, Dominique Dupuis fait tous les mêmes constats. Elle croit que de plus en plus de propriétaires d’animaux les abandonnent parce qu’ils n’ont plus les moyens, avec la hausse du coût de la vie, de payer pour des soins aussi élevés.
« En pandémie, les gens avaient adopté beaucoup d’animaux. Comme les vétérinaires ont un surplus de clients, ils ont pu augmenter les prix comme ils veulent », analyse Mme Dupuis.
Or, les mises en adoption et les campagnes de financement ne donnent pas les résultats escomptés. « On a plein de chats vraiment merveilleux qui ne trouvent pas d’adoptants », dit-elle, déplorant le manque de visibilité des petits refuges comme le sien. En tout, 45 de ses protégés sont présentement en attente d’une nouvelle maison.
Alors que le refuge a accumulé une dette de 25 000 $, son équipe envisage aussi la fermeture si elle ne parvient pas à récolter sous peu suffisamment de dons.
17 000 $ pour un sauvetage
Le portrait est similaire chez Les Aristopattes, qui ont dû diminuer cette année le nombre de sauvetages de chiens et de chats blessés ou malades. Ses responsables constatent des augmentations d’environ 20 % en un an pour les soins vétérinaires. Un de leurs premiers cas de l’année, un chat dont un corps étranger obstruait l’intestin, leur a coûté 17 000 $ étant donné diverses complications.
« Sauver des vies, ça n’a pas de prix, mais on ne veut pas s’endetter », a indiqué Andrea Pedroza, directrice des communications pour l’organisme montréalais.
Leeann Lafond, fondatrice du Refuge d’espoir pour chatons errants orphelins, à Gatineau, fait face au même cocktail explosif.
« Je dois prendre de la nourriture de qualité, parce que les douze premières semaines de leur nutrition sont hyperimportantes. Mais ce n’est pratiquement plus achetable », estime celle qui fonctionne aussi à perte depuis 2022.
Elle estime que 750 $ sont maintenant en moyenne nécessaire pour s’occuper d’un chaton jusqu’à l’adoption, y compris la stérilisation et la micropuce.
Pour toutes ces passionnées des animaux, il est de plus en plus difficile d’être témoin de beaucoup de souffrance animale sans avoir les moyens de l’apaiser.
Nourriture et fournitures plus chères
Officiellement, le prix de la nourriture et des fournitures pour animaux domestiques a augmenté de 4,7 % au Canada entre octobre 2022 et octobre 2023, comparativement à l’indice de prix à la consommation qui a grimpé de 3,1 % en général.
Or, les prix de certaines marques ont parfois subi des hausses encore plus grandes durant la dernière année, a constaté Sylvain Lefebvre, propriétaire des boutiques pour animaux Heidi & Cie. En parcourant son tableau de suivi des augmentations de son prix coûtant, il constate que certaines marques de croquettes et de nourriture crues ont été stables pendant des années, avant de faire plusieurs bonds en 2022 et en 2023, qui totalisent annuellement de 15 % à 25 %.