Un mirage urbain, les villes nouvelles?
11 juin 2024
Des villes qui poussent dans l’océan. Des métropoles dessinées de toutes pièces. Des capitales technologiques qui font rêver les gouvernements et les investisseurs. Partout dans le monde, les villes nouvelles font l’objet d’un engouement renouvelé. Mais que se cache-t-il derrière ces méga-initiatives urbaines? Sont-elles réellement la solution de demain?
D’abord, définir ce qu’est une ville nouvelle est un défi, souligne Sarah Moser, professeure agrégée en géographie urbaine et culturelle à l’Université McGill. Celle qui dirige un laboratoire sur le sujet, le New Cities Lab, explique que les définitions sont multiples. « Qu’est-ce qui constitue une ville? Ce n’est pas nécessairement clair ou facile à déterminer. »
Au sein de son laboratoire, une ville nouvelle se définit comme « tout projet qui se présente comme une nouvelle ville censée être géographiquement séparée des villes existantes, administrée séparément des villes existantes et désignée d’une manière différente par son propre nom ».
L’identité de la ville est d’ailleurs un élément important à considérer, pour éviter qu’elle soit confondue avec « une ville-dortoir ou l’extension d’une ville existante ».
Le désir de construire de tels centres urbains de toutes pièces ne date pas d’hier, fait remarquer la professeure. On a notamment retrouvé des traces de plans de villes associées aux plus anciens peuplements de la vallée de l’Indus, région située aux environs du Pakistan moderne.
« Les pouvoirs coloniaux ont eux aussi construit des villes de toutes pièces partout sur leurs territoires », ajoute l’experte. Puis, après la décolonisation de l’Afrique et de l’Asie du Sud, entre autres, de nouveaux courants d’urbanisme ont poussé l’aménagement planifié de villes partout sur ces continents, dans l’objectif de bâtir une nouvelle identité urbaine propre aux nouvelles nations.
Des villes au succès en demi-teinte
C’est au tournant des années 1990 que l’on voit émerger le courant contemporain des villes nouvelles. Selon Sarah Moser, on trouve entre 150 et 200 villes planifiées — en cours de réalisation ou construites depuis cette époque — réparties dans une cinquantaine de pays. « La presque totalité sont situées dans des pays du Sud global ou des pays émergents. » Ce décompte exclut la Chine, qui en compte à elle seule des centaines sur son territoire.
Dans plusieurs cas, l’intention à l’origine de ces initiatives est de répondre à une forte demande en logements, d’offrir des services au goût du jour aux citoyens ou simplement de revitaliser une économie qui peine à se diversifier.
Toutefois, les résultats sont souvent loin de répondre aux attentes. Les succès sont très rares. La majeure partie des projets ne sont que des « réceptacles à investissements », soutient la professeure. « La fonction de logement se voit souvent mise de côté ou détachée de l’intention première, qui est d’offrir un toit à la population », explique-t-elle.
Sarah Moser voit quatre fonctions principales aux projets contemporains de villes planifiées: outre les réceptacles à investissements, on trouve aussi des villes de loisirs, destinées entièrement à stimuler l’industrie du tourisme (très souvent de luxe). Certains projets servent à opérer une transition de l’économie d’un pays vers d’autres secteurs (souvent technologiques), ou encore à affirmer une identité ou une idéologie nationales.
Concrètement, comment ces projets évoluent-ils? Le Devoir a exploré une quinzaine de cas différents, de l’Amérique du Sud à l’Asie de l’Est.