Incertitudes et très haute tension à trois jours du scrutin en France

La campagne, qui s’achèvera vendredi, est marquée par une multiplication des accrochages verbaux et physiques.
Photo: Jean-Francois Badias Associated Press La campagne, qui s’achèvera vendredi, est marquée par une multiplication des accrochages verbaux et physiques.

À trois jours du second tour de législatives historiques, les incidents s’accumulent dans une France sous très haute tension, qui pourrait basculer à l’extrême droite ou devenir ingouvernable faute de majorité claire dimanche.

La crainte d’une arrivée au pouvoir de l’extrême droite, pour la première fois en 80 ans, a poussé jeudi le capitaine de l’équipe de France de soccer, Kylian Mbappé, à prendre de nouveau la parole et à exhorter ses compatriotes à aller voter.

« Il y a vraiment urgence. On ne peut pas mettre le pays entre les mains de ces gens-là, c’est vraiment urgent. On a vu les résultats, c’est catastrophique », a affirmé l’attaquant.

La campagne, qui s’achèvera vendredi, est marquée par une multiplication des accrochages verbaux et physiques. En Savoie, dans les Alpes, la candidate du Rassemblement national (RN, extrême droite) Marie Dauchy a porté plainte après avoir été violemment prise à partie par un commerçant sur un marché. En Isère voisine, l’ancien ministre Olivier Véran a dénoncé jeudi l’agression d’un élu local qui collait des affiches pour sa campagne.

Mercredi soir, c’est la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, candidate dans la région parisienne, qui a été victime, avec son équipe, d’une agression lors d’une opération de collage d’affiches.

Signe de l’inquiétude ambiante, le gouvernement a annoncé que « 30 000 policiers et gendarmes dont 5 000 à Paris et sa banlieue » seraient mobilisés dimanche pour la soirée du second tour.

Des témoignages font également état d’une multiplication des incidents et des insultes racistes dans le pays depuis le début de cette campagne, lancée après la dissolution surprise décidée par le président Macron le soir du 9 juin, après la victoire de l’extrême droite aux européennes.

Un député sortant de Bourgogne (centre) a ainsi lâché qu’un « Maghrébin binational » n’avait pas « sa place dans les hauts-lieux » du pouvoir tandis qu’une candidate a jugé « archi faux » que le RN soit raciste en avançant qu’elle-même a « comme ophtalmo un juif et […] comme dentiste un musulman ». Un autre a estimé qu’il n’y avait rien « d’antisémite » à dire que les chambres à gaz seraient un détail de la Seconde Guerre mondiale.

La violence se déploie aussi en ligne. La justice a été saisie après qu’un un site d’ultradroite a appelé à « éliminer » des avocats signataires d’une tribune anti-RN.

Interrogée sur ces dérapages, la figure de proue de l’extrême droite, Marine Le Pen, a fait un distinguo entre « des propos qui sont inadmissibles et qui, très certainement, entraîneront des sanctions » et « des propos qui sont des maladresses » face aux « grands inquisiteurs de la presse ».

Les candidats RN sont « des braves gens », a-t-elle lancé.

« Quand c’est un candidat sur trois pour lesquels on a des propos problématiques, ce n’est pas quelques brebis galeuses, c’est tout le troupeau qui est malade », a raillé jeudi soir sur France 2 le premier ministre Gabriel Attal.

Front républicain

La dynamique en faveur du RN, arrivé en tête du premier tour dimanche dernier, pourrait être freinée par les quelque 200 désistements de candidats de droite, centre-droit et gauche, consentis pour empêcher l’extrême droite de gouverner en France pour la première fois depuis 80 ans.

Ulcérée par ce nouveau « front républicain », Marine Le Pen a dénoncé jeudi la mise en place d’un « parti unique » réunissant « ceux qui veulent conserver le pouvoir contre la volonté du peuple ».

Et le président du parti Jordan Bardella a agité la menace d’une France paralysée. « Soit le Rassemblement national obtient une majorité absolue et je peux, dès dimanche engager le projet de redressement que je porte […]. Ou alors le pays est bloqué », a résumé celui qui se voit premier ministre jeudi sur France 2.

L’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), entre autres organisations, a appelé jeudi à « faire barrage » à l’extrême droite « pour protéger notre système de santé », après plusieurs tribunes signées de milliers d’autres soignants, inquiets aussi du sort des médecins étrangers en cas de victoire de l’extrême droite.

Selon les derniers sondages, la possibilité pour le RN d’accéder à la majorité absolue de 289 députés semble s’éloigner.

Le Rassemblement national et ses alliés obtiendraient entre 210 et 240 sièges à l’issue du second tour des législatives, selon un sondage de l’institut Ifop paru jeudi.

Mais, partout en France, des électeurs de gauche hésitent à faire une nouvelle fois barrage à l’extrême droite.

« Macron a été élu par des voix de gauche. Il aurait dû faire des concessions à gauche, mais il n’en a fait qu’à droite », regrette Michel, 66 ans, devant un stand de fruits et légumes dans le Calvados, dans l’ouest du pays.

Ancienne institutrice, Claude se résignera à voter pour le camp macroniste, inquiète de ceux qui veulent « essayer » l’extrême droite. « L’isoloir n’est pas une cabine d’essayage », dit-elle.

Malgré ces appels au barrage, le jeune président du RN Jordan Bardella croit à la victoire de son camp, qui le propulserait au poste de premier ministre à 28 ans.

En face, la coalition de gauche du Nouveau Front populaire (NFP) et le camp macroniste (centre-droit) en profitent pour alerter sur le péril de l’extrême droite. Mais, sauf basculement improbable, aucun de ces deux blocs n’obtiendra de majorité claire dimanche, au risque de rendre le pays ingouvernable à un mois des JO de Paris.

Pour échapper à la paralysie, certains responsables du centre-droit et de la gauche envisagent une vaste coalition transpartisane, courante en Allemagne mais inédite en France.

Les contours d’une telle alliance restent toutefois extrêmement flous et sept années de pouvoir macroniste ont creusé de profonds fossés politiques.

avec le service politique de l’AFP

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