Des publicités qui disent vrai, voilà ce que nous voulons

«Si l’industrie [pétrolière] se sent “réduite au silence” parce qu’elle est contrainte de dire la vérité, cela prouve que nous avons besoin de cette loi», estime l’autrice.
Photo: Dan Barnes Getty Images «Si l’industrie [pétrolière] se sent “réduite au silence” parce qu’elle est contrainte de dire la vérité, cela prouve que nous avons besoin de cette loi», estime l’autrice.

Le 19 juin dernier, le projet de loi C-59 a été adopté en dernière lecture. L’une de ses dispositions prévoit des modifications à la Loi sur la concurrence qui permettront l’application des lois sur l’écoblanchiment aux déclarations des entreprises concernant leurs engagements environnementaux, y compris les déclarations sur les mesures qu’elles prennent pour lutter contre les changements climatiques. Le projet de loi a été adopté, car, heureusement, tous nos partis politiques reconnaissent que la vérité dans la publicité est un aspect essentiel de la protection des consommateurs et des investisseurs.

Mais au cours de la même journée, quelque chose d’étrange s’est produit. L’Alliance nouvelles voies, un consortium rassemblant six des plus grands producteurs de sables bitumineux, a supprimé tout le contenu de son site Web et de ses réseaux sociaux, affirmant qu’en raison des modifications apportées à la Loi sur la concurrence, elle n’était plus sûre de ce qu’elle pouvait dire au sujet de ses actions en matière de lutte contre les changements climatiques.

Plusieurs autres acteurs de l’industrie pétrolière lui ont rapidement emboîté le pas, en particulier l’Association canadienne des producteurs pétroliers, le plus grand groupe de pression pétrolier au Canada, qui a publié sur son site Web une déclaration affirmant que « cette législation a pour effet de réduire au silence l’industrie énergétique ».

Si l’industrie se sent « réduite au silence » parce qu’elle est contrainte de dire la vérité, cela prouve que nous avons besoin de cette loi. Nous ne voulons pas que les entreprises puissent faire des déclarations fausses ou trompeuses, en particulier celles qui ont une incidence importante sur notre santé, comme les entreprises alimentaires ou de produits pharmaceutiques et les industries qui ont d’énormes répercussions sur l’environnement, telles que les compagnies pétrolières et gazières.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-59 établissent une norme claire pour déterminer ce qu’une entreprise peut dire : elle doit être capable de prouver que c’est vrai. L’obligation de démontrer que ce que l’on dit est vrai n’est pas une nouvelle exigence radicale. C’est un aspect normal du fonctionnement de nos systèmes juridiques et gouvernementaux, voire de l’ensemble de notre société. Prouver la véracité de ses affirmations n’est pas une nouveauté dans la législation sur la concurrence, mais il existe désormais des normes plus claires et des sanctions plus sévères pour les affirmations trompeuses et les mensonges avérés.

Ce n’est pas non plus une nouveauté sur la scène internationale. De nombreux pays disposent de normes similaires en ce qui concerne les déclarations environnementales, ce qui en fait un élément important en matière de commerce et d’investissement. Le Bureau de la concurrence s’est déjà engagé à fournir des directives sur les déclarations relatives au développement durable, à l’instar des guides verts de la Federal Trade Commission des États-Unis et du Green Claims Code de la Competition and Markets Authority du Royaume-Uni.

Il est décevant, mais non surprenant, que les changements législatifs visant à lutter contre l’écoblanchiment signifient que certaines entreprises devront modifier leurs sites Web, leurs réseaux sociaux et leur publicité simplement pour dire la vérité. Ce qui est étonnant, en revanche, c’est que ces acteurs de l’industrie des combustibles fossiles étaient prêts à admettre publiquement que ces modifications auraient des répercussions substantielles sur ce qu’ils ont le droit de dire.

Ce n’est pas la première fois que l’Alliance nouvelles voies modifie les affirmations de son site Web. À l’automne 2022, celui-ci affichait des images d’un ciel bleu dégagé assorties de déclarations telles que « Mettons ça au clair » et « Nous aidons le Canada à atteindre ses objectifs climatiques ». Et en 2023, elle en a rajouté une couche en affirmant que ses entreprises membres « avancent à grands pas vers la carboneutralité ». Cela a mené Greenpeace Canada à déposer auprès du Bureau de la concurrence une plainte alléguant que la campagne publicitaire à grande échelle de l’Alliance nouvelles voies contenait des affirmations fausses et trompeuses, ce qui a donné lieu à une enquête sur leur véracité.

Au fur et à mesure que l’enquête progressait, l’Alliance a commencé à supprimer les allégations environnementales de son site Web jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une, à savoir « les sables bitumineux du Canada sont sur la bonne voie pour atteindre un niveau d’émissions nettes nulles liées aux opérations ». L’ajout de l’expression « liées aux opérations » est particulièrement révélateur, car les plans de l’industrie pour atteindre la carboneutralité, même s’ils étaient viables, n’incluent pas les 80 % de ses émissions résultant de l’utilisation en aval de ses produits.

Mais pourquoi ces organisations laissent-elles sous-entendre qu’elles ne diront rien si elles ne peuvent pas mentir ? Si ces modifications préoccupent vraiment les entreprises, cette loi était plus que nécessaire. Si le fait de supprimer le contenu en ligne est une tactique pour attirer l’attention, cela n’a pas donné les résultats escomptés. Le 20 juin, à la suite de la publication d’articles sur le retrait de son contenu dans les médias, l’Alliance nouvelles voies a modifié le message affiché sur son site Web pour préciser que le retrait de son contenu « n’a aucun rapport avec nos convictions quant à la véracité et l’exactitude de nos communications en matière d’environnement ».

La vérité dans la publicité n’est pas une question compliquée. Si dire la vérité signifie que vous ne pouvez pas parler de votre secteur d’activité, alors le problème ne réside pas dans la loi, mais dans les mensonges véhiculés au sein de ce même secteur.

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