Chaque femme mérite de vivre sans peur

«La crise du logement exerce une pression supplémentaire considérable sur les maisons d’hébergement pour femmes», écrivent les autrices.
Photo: Marie-France Coallier Archives Le Devoir «La crise du logement exerce une pression supplémentaire considérable sur les maisons d’hébergement pour femmes», écrivent les autrices.

Nous sommes des organismes voués à la sécurité, à l’autonomie et au bien-être des femmes et de leurs enfants. Nous accueillons, accompagnons, guidons et soutenons des milliers de femmes par année. À la suite du 1er juillet, c’est un appel urgent, un cri du coeur que nous vous lançons. À vous, instances gouvernementales, décideurs politiques et société civile tout entière : nous demandons votre soutien et votre engagement ferme pour changer la situation intolérable dans laquelle nous nous trouvons.

Nous sommes épuisées. Épuisées de notre impuissance face au nombre de demandes d’hébergement d’urgence croissant et aux choix cornéliens que nous devons faire. Épuisées de vivre des situations intenables exacerbées par un climat social précaire qui frappe durement les femmes et les enfants.

En effet, la crise du logement, un des problèmes les plus urgents de notre époque, se manifeste de manière cruelle pour les femmes que nous accueillons. Chaque jour, nous faisons face à une augmentation alarmante du nombre de femmes et d’enfants cherchant une place pour se loger, souvent sans succès, en raison de la pénurie de logements abordables et salubres. Cette réalité nous force parfois à prendre des décisions déchirantes quant à qui nous pouvons accueillir et qui nous devons laisser sans soutien immédiat. Notre mission est de soutenir ces femmes vulnérables, et force est de constater que nous nous retrouvons devant un non-choix. Assurer la sécurité des unes au détriment de celle des autres, choisir des urgences parmi les urgences : voici les choix avec lesquels nous sommes laissées.

Des choix que nous avons faits en tant que société conduisent aujourd’hui nos organisations et nos équipes à ce dilemme absurde. Un dilemme payé au prix fort par des femmes et des enfants déjà en situation de vulnérabilité.

La crise du logement exerce une pression supplémentaire considérable sur les maisons d’hébergement pour femmes. Et pour résoudre cette crise, il est temps que le gouvernement prenne conscience que cette crise est genrée.

En effet, les ménages dirigés par des femmes vivent de manière disproportionnée dans des conditions insalubres, où de l’abus est souvent perpétré de la part de propriétaires, notamment les ménages dirigés par des mères de famille monoparentales. Il y a un grave manque de logements sociaux répondant aux besoins des femmes violentées, beaucoup devant choisir entre payer le loyer, se nourrir ou nourrir leurs enfants. Avec peu d’options de logement et des maisons d’hébergement débordées, beaucoup dépendent de stratégies de survie dangereuses pour subvenir à leurs besoins de base, les piégeant dans des situations d’itinérance cachée, d’exploitation et de violences.

Le manque de logements à prix modiques, salubres et sécurisés est l’une des raisons principales pour laquelle les femmes restent dans des situations de violence ou sont contraintes d’y retourner. Les femmes font face de manière disproportionnée à l’insécurité économique, ce qui rend difficile l’accès à un logement sur des marchés locatifs surchauffés. Aussi, puisse qu’elle les touche davantage, cette crise vient exacerber la violence et la marginalisation que subissent les femmes racisées, les femmes autochtones ou des personnes LGBTQ2 +.

Force est de constater que les personnes qui doivent quitter nos hébergements aujourd’hui ne se retrouvent souvent pas de place ailleurs.

Nos ressources sont souvent insuffisantes pour répondre adéquatement aux besoins fondamentaux des femmes et des enfants que nous accueillons. Les femmes se retrouvent prises dans un cercle vicieux où la sortie de la violence semble souvent synonyme de précarité financière, d’itinérance et de lutte quotidienne pour la survie. Les systèmes de soutien sont sous-financés et sous-estimés dans leur importance et leur expertise cruciale pour offrir un filet de sécurité aux femmes et enfants violenté·es.

Nous demandons :

1. Des investissements massifs dans le logement social pour répondre à la crise du logement qui touche particulièrement les femmes et les enfants fuyant la violence.

2. Une augmentation significative des budgets alloués aux maisons d’hébergement pour que chaque femme puisse bénéficier du soutien nécessaire à sa reconstruction et à son autonomie.

3. Des mesures concrètes pour combattre la pauvreté et l’itinérance des femmes, incluant des programmes d’insertion économique et de soutien financier à long terme.

Ensemble, nous pouvons transformer ces multiples crises en une opportunité de bâtir une société plus juste, plus équitable, plus sécuritaire et sans violence. Cette responsabilité ne peut pas, et ne doit pas, tenir uniquement sur les épaules de nos organisations, sur les épaules de nos intervenantes et de toutes les personnes travaillant dans le communautaire. Chaque femme mérite de vivre sans peur, sans précarité et avec l’espoir d’un avenir meilleur.

La responsabilité doit être collective.

Nous comptons sur votre soutien et votre action immédiate. Le temps d’agir est maintenant.

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