Henri-Paul Rousseau et l’éventuel troisième référendum
Le premier ministre François Legault a récemment déclaré le 18 juin dernier que perdre un troisième référendum serait irresponsable et que cela affaiblirait le rapport de force du Québec face à Ottawa. Le lendemain, il nommait Henri-Paul Rousseau au premier poste diplomatique du Québec, celui de délégué général du Québec à Paris.
Quel lien y a-t-il entre ces deux événements ? Pour le comprendre, on me permettra de rappeler des faits qui remontent à 1980, lors du premier référendum déclenché officiellement le 16 avril 1980 et devant se tenir le 20 mai suivant.
Deux semaines avant le référendum organisé à l’initiative du gouvernement du Parti québécois (PQ) de René Lévesque, les sondages donnaient les deux camps au coude-à-coude tout en soulignant que, chez les indécis, le Non jouissait d’une avance écrasante, ce qui augurait très mal pour le Oui.
Un groupe d’économistes québécois pour le Oui me désigne alors comme leur porte-parole lors d’une conférence de presse tenue le 13 mai 1980 dans la matinée, à Montréal. Il faut dire qu’un an plus tôt, j’étais le président de l’Association des économistes québécois.
Dans l’après-midi, l’ex-premier ministre Robert Bourassa me téléphone pour savoir si notre groupe avait présenté un texte lors de la conférence de presse. Ce n’était pas le cas. Au même moment, à Québec, le bureau du premier ministre René Lévesque décide de nous imiter et d’organiser pour le lendemain, à Québec, une seconde conférence de presse d’une association des économistes pour le Oui. Henri-Paul Rousseau est alors désigné comme son porte-parole. Si j’étais professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), lui l’était à l’Université Laval.
On connaît la brillante carrière d’Henri-Paul Rousseau qui suivra : vice-président de la Banque Nationale en 1986, secrétaire de la commission Bélanger-Campeau en 1990, p.-d.g. de la Banque Laurentienne en 1994, président et chef de direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec nommé par le premier ministre Bernard Landry en 2002, passage à la très libérale et fédéraliste Power Corporation en 2009, puis retraite en 2017.
Quel message la nomination récente d’Henri-Paul Rousseau lance-t-elle ? Dit autrement, lequel des Henri-Paul Rousseau part à Paris : le souverainiste, le protégé de la famille Desmarais, le secrétaire de la commission Bélanger-Campeau ou le nouvel ami de François Legault ?
Peu de représentants du Québec à l’étranger auront plus à dire et à faire, non pas pour qu’un troisième référendum ait lieu ou non, mais bien pour que ce référendum débouche sur un succès (plutôt que sur un échec) et sur la souveraineté. Sans l’appui discret ou officiel de la France, ce rêve se réalisera plus difficilement. Avec cet appui, les chances de réussite éclatante seront maximales.
Dans ses nouvelles fonctions, puisse mon collègue économiste se rappeler de la conférence de presse qu’il a tenue à Québec un certain 14 mai 1980, au temps de sa jeunesse. Je nous le souhaite à tous.
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