Goûter le meilleur de la Pologne
Collaboration spéciale
Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs
Exit les clichés de patates bouillies et de pierogis au chou : la nouvelle gastronomie polonaise se nourrit d’inventivité et de fusion entre passé, présent et avenir. La preuve en cinq adresses « tastées » et approuvées, recensées parmi les tables du Guide Michelin Pologne.
Bez Gwiazdek, Varsovie
Dans la capitale polonaise, le chef Robert Trzópek est passé par deux des meilleures tables au monde, El Bulli et Noma, avant d’ouvrir son propre espace culinaire. Son idée : revisiter les plats traditionnels polonais en leur insufflant une touche de modernité et d’ailleurs. Chaque mois, le menu met en valeur l’une des 16 régions polonaises, incluant leurs vins — ceux servis en accord avec les mets sont ici au pire surprenants, au mieux excellents.
C’est le cas de ce pinot noir de la voïvodie de Lubusz qui relève une tombée de champignons, ail noir sauce au beurre vinaigré, ou de ce Dziki Taboon, un vin orange qui requinque une torsade de fines lamelles de chou aromatisées à la fleur de souci.
Avant de passer au sabayon au madère, on propose la classique soupe au sang de canard, mais piquée d’aronies noires, question de l’emmener ailleurs. « Jadis, les pères de famille servaient ce plat aux prétendants qui voulaient marier leur fille, pour leur faire comprendre que c’était peine perdue », dit le serveur Patryk Nowak. Tout le contraire, en somme, des mets de ce resto, dont les épousailles entre tradition et modernité sont dignement consommées.
Elixir, Varsovie
Si la carte de cet établissement est tout à fait honorable, son bar est carrément admirable, avec 750 vodkas différentes (dont 10 sans alcool), dans un pays qui se targue de distiller les meilleures du globe.
Plusieurs sont proposées en accords mets-vodka, sur des classiques revisités de la cuisine polonaise : canard à la poire et au fromage, boudin tempura, caviar d’esturgeon… L’un des menus a même été élaboré en l’honneur du séjour de Napoléon Bonaparte, en 1812, où l’empereur aurait alors fort apprécié la chrzanówka (soupe au raifort).
Pour digérer le tout, un tour au Musée de la vodka attenant mérite le détour : 10 000 artéfacts (affiches, bouteilles, etc.) y sont exposés.
Difficile d’imaginer un lieu plus improbable pour pareille table. Situé loin du splendide centre historique de Poznan, au-dessus d’un concessionnaire Harley-Davidson (et son bar attenant fréquenté par des motards), le 62 dispose d’un cadre aussi élégant que l’est sa remarquable carte.
Flanquée d’une chouette terrasse où sont servis des cocktails délurés, la salle à manger s’articule autour de la cuisine ouverte. Le chef Jaroslaw Kin y soigne particulièrement la présentation de ses mets audacieux qui frisent parfois le dérapage contrôlé.
On reste bouche bée devant le flétan crème aux algues Nori avec sauce hollandaise au dashi ; le tartare de boeuf et sa coupole de tomates framboise, caviar et huile de chorizo ; et la déroutante glace à l’oignon caramélisé, ail noir et truffe. Pas de doute : ce resto carbure au culot et sait tenir la route.
Fiorentina, Cracovie
Quand l’appétissante cerise arrive sur la table, seule dans son assiette, on flaire la supercherie. L’imposteur cache bien son jeu : sous sa robe vernissée à base de Jimenez se terre une succulente bouchée de foie gras.
Aménagé sous les voûtes d’une superbe demeure pluricentenaire du vieux Cracovie, le Fiorentina sollicite autant l’oeil que les papilles. Mousse de fromage de brebis aux airelles ; flétan sauce au vin et hibiscus, verveine et citron ; truite à l’huile d’aneth dont les perles de crème sure pochées dans le vinaigre éclatent en bouche et l’inondent de flaveurs…
Dans une ville désignée capitale gastronomique d’Europe en 2019, l’étoile du Fiorentina n’a pas fini de briller. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle le fasse dans le firmament du Guide Michelin.
Bottiglieria 1881, Cracovie
Certes, on y propose des pierogis, mais ils sont fourrés tantôt à la pistache et au wasabi polonais, tantôt aux artichauts servis sous une avalanche de copeaux de truffes. Pas question, ici, de faire comme ailleurs au pays.
De tous les restaurants polonais, le Bottigliera 1881 est le seul à avoir décroché deux étoiles Michelin. Situé dans le quartier bobo-chic de Kazimierz, non loin de l’ancienne usine d’Oskar Schindler, ce resto dirigé par le chef Przemysław Klima apprête une cuisine ultraraffinée dans un cadre huppé et avec un service ultra-attentionné.
Le tartare de boeuf lié à la moelle de veau est à se faire damner. Et la tombée de petits fruits et légumes (trompettes des bois, baies d’argousiers, pépites de pommes de terre croquantes) semble arriver tout droit du ciel. Quant au filet de sandre zébré d’une sauce bicolore à l’écrevisse, il ne doit pas avoir d’équivalent sur Terre.
Tout au long de la soirée, les attentions sont légion. Un serveur asperge la serviette de table d’un parfum de vanille et de prune, un autre apporte un couteau de chasse dans son écrin pour attaquer le succulent chevreuil.
Deux menus dégustation sont offerts en salle, dans le cellier voûté ou aux deux tables qui jouxtent l’aire de préparation des plats. Car ici, assister en direct aux créations du chef est presque aussi jouissif que de porter ses mets en bouche.
L’auteur était l’invité d’Air France et de l’Office de tourisme de Pologne.
Pratico-pratique
• Air France relie Montréal à Varsovie jusqu’à trois fois par jour via Paris. En classe affaires, on propose des menus concoctés par les plus grands chefs français (Anne-Sophie Pic, Thierry Marx, etc.) ; une bonne mise en bouche avant de tâter les tables polonaises.• Pour consulter la liste des meilleurs restos polonais : guide.michelin.com
• Pour bien s’y retrouver : Lonely Planet Pologne (2020, en français)
Aussi à considérer
• Avec ses tapisseries médiévales dépeignant des scènes de chasse, le Pod Nozem, à Cracovie, pouvait difficilement servir autre chose que du gibier et des mets du terroir. Au menu : délectables pierogis au sanglier et succulent cerf sauce aux châtaignes.
• Dommage qu’il n’y ait qu’un fromage polonais au Fromazeria, dont la carte décline pourtant le fromage sous toutes ses formes. Les plats méditerrano-polonais y sont néanmoins délicieux et élaborés avec une esthétique certaine, et la table a récolté un Bib gourmand Michelin.
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.