La géopolitique crée embuscade aux JO de Paris
Soucieux de « rassembler le monde », le CIO a évité boycotts et exclusions pour réunir aux JO de Paris des délégations du monde entier, mais il doit encore parvenir à faire de l’événement une bulle pacifiée.
À l’heure où toute « propagande politique » est interdite par la Charte olympique sur le terrain ou les podiums, mais autorisée au village olympique et lors des conférences de presse, les Jeux peuvent-ils être rattrapés par les conflits en cours, notamment les guerres en Ukraine et à Gaza ?
Russes « neutres » et scrutés
L’invasion russe de l’Ukraine avec l’appui du Bélarus, en février 2022, a longtemps paru écarter toute possibilité de faire cohabiter à Paris des sportifs des trois nationalités : Russes et Bélarusses ont été bannis du sport mondial jusqu’en mars 2023, et les Ukrainiens menaçaient de boycotter les Jeux s’ils participaient.
Mais une fois cette position abandonnée par Kiev, à l’été 2023, le CIO a orchestré une réintégration progressive des Russes et Bélarusses aux compétitions internationales, sous strictes conditions : à titre individuel, sous drapeau neutre, et pour peu qu’ils n’aient pas « activement soutenu la guerre en Ukraine » et ne soient pas sous contrat avec l’armée ou des agences de sécurité.
L’instance, qui leur a de surcroît interdit de parader sur la Seine lors de la cérémonie d’ouverture, a pour l’heure validé la qualification de 28 Russes et 19 Bélarusses sous bannière neutre, une liste pour l’instant limitée à neuf disciplines (lutte, trampoline, cyclisme, haltérophilie, tir, tennis, aviron, judo et canoë) et amenée à être complétée.
Dans tous les cas, il s’agit d’une goutte d’eau face aux 330 Russes et 104 Bélarusses aux JO-2020 de Tokyo.
Et ces « athlètes neutres » sont promis à une surveillance permanente : toute manifestation de soutien à l’offensive en Ukraine, par exemple un « Z » symbole de l’invasion, entraînerait une procédure pouvant aller « jusqu’à l’exclusion immédiate des Jeux », avertissait fin avril le patron du CIO, Thomas Bach, auprès de l’AFP.
Les Palestiniens veulent une tribune
Depuis l’automne, le CIO s’efforce de rester à l’écart de la guerre entre Israël et le Hamas en se retranchant derrière sa « solution à deux États », puisque les comités nationaux olympiques (CNO) israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d’Oslo.
Il n’a donc jamais envisagé de faire concourir les athlètes israéliens sous bannière neutre, bien que les bombardements israéliens en représailles à l’attaque sanglante du 7 octobre perpétrée par le Hamas aient détruit les principales institutions sportives de Gaza et tué des personnalités du milieu sportif palestinien, selon le comité olympique palestinien.
L’instance, qui devrait disposer selon le CIO de « six à huit représentants » par le jeu des invitations, entend néanmoins faire des JO une tribune. « Paris, c’est un moment historique et important pour aller dire au monde […] : assez, trop c’est trop », déclarait mi-juin son président, Jibril Rajoub.
Du côté israélien, l’enjeu est surtout sécuritaire, comme à chaque édition olympique depuis la prise d’otages meurtrière de Munich en 1972 : pour l’instant, la délégation prévoit « de participer à la cérémonie d’ouverture comme toute autre équipe », selon son comité olympique.
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L’Afghanistan sans les talibans
Le retour des talibans au pouvoir à Kaboul, à l’été 2021, a mis les instances sportives face à un dilemme : comment doser dialogue et pressions pour aider les athlètes et leur entourage, en exil ou restés au pays, sans cautionner l’interdiction de la pratique féminine du sport ?
Mi-juin, le CIO annonçait avoir obtenu la présence à Paris d’une équipe afghane de trois hommes (en athlétisme, natation et judo) et trois femmes (athlétisme et cyclisme), sans dévoiler leur identité. Tous vivent à l’étranger, sauf le judoka, a ensuite précisé le directeur général du comité olympique afghan, Dad Mohammad Payenda Akhtari.
« Comme le sport féminin est suspendu en Afghanistan, les trois femmes n’ont pas été envoyées depuis le pays », a-t-il expliqué. L’écho qui sera donné à leurs performances reste l’une des inconnues des Jeux, d’autant que le CIO entendait mi-juin « lancer au monde et à l’Afghanistan un symbole très fort », selon son porte-parole Mark Adams.
L’Afghanistan, qui compte le troisième contingent d’exilés du monde, aura aussi cinq représentants dans l’Équipe olympique des réfugiés dont sa capitaine, la cycliste Masomah Ali Zada.
La jeune femme prévoit d’aller encourager ses compatriotes sous le drapeau afghan : « Je suis tellement contente qu’il y ait trois femmes afghanes aux JO et qu’elles soient à égalité avec les hommes », confiait-elle récemment à l’AFP.