Legault relance un troisième lien autoroutier Québec-Lévis, au cas où
Le gouvernement Legault soutient désormais qu’un troisième lien est indispensable pour des raisons de « sécurité économique » dans l’éventualité où le pont Pierre-Laporte doive fermer, puisqu’il s’agit du seul à permettre le transport des marchandises.
« En prenant un pas de recul, on fait le constat que l’enjeu de sécurité économique est très important », a déclaré François Legault, jeudi, lors d’un point de presse au cours duquel il a confirmé que son gouvernement donnerait le feu vert à l’ajout d’un lien à l’est entre Québec et Lévis.
Étayant son argumentaire, le premier ministre a souligné en outre que 10 500 camions transitaient par ce pont chaque jour et que, dans l’éventualité de la fermeture du pont Pierre-Laporte, il leur faudrait se rendre jusqu’à Trois-Rivières pour traverser le fleuve.
« Il n’est pas impossible » que le pont Pierre-Laporte doive fermer, a déclaré quant à elle la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, citant l’exemple du pont de l’Île-aux-Tourtes et les retards dans le chantier du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. « Si jamais ça devait arriver, ça serait infernal et catastrophique pour l’économie de nos deux régions. »
« Si vous demandiez aux gens de Vaudreuil et de Soulanges : “Est-ce que vous auriez aimé que les précédents gouvernements planifient en amont la construction d’une nouvelle infrastructure avant que votre pont [de l’Île-aux-Tourtes] tombe en ruine ?”, je suis pas mal certaine que la majorité, voire la totalité, répondrait “oui” », a-t-elle ajouté.
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Un argument nouveau ?
Pour Geneviève Guilbault, l’argument de la sécurité économique n’a pas toujours justifié l’ajout d’un nouveau lien entre Québec et Lévis. En avril 2023, au moment d’abandonner un précédent projet de tunnel interrives, la ministre des Transports avait tenu à assurer que « les ponts [existants] sont sécuritaires ».
« Le pont Pierre-Laporte, […] on l’entretient scrupuleusement, rigoureusement », avait-elle soulevé, une pile de cartables et d’études à la main, avant de dire du pont de Québec que « la structure a été faite d’une manière où […] tu peux remplacer les morceaux à mesure, d’une manière telle où il peut durer une éternité ».
« Les ponts, ils vont durer longtemps. Donc, dans l’immédiat, il n’y a pas de nécessité de les remplacer », avait-elle dit pour renchérir.
Interrogée à ce sujet, jeudi, la vice-première ministre a réitéré qu’il n’y avait aucun danger associé à l’utilisation des ponts pour l’instant, mais a tenu à soulever les risques d’« imprévus » pour les automobilistes. « Imaginez si un jour il arrivait quelque chose », a-t-elle lancé.
La ministre n’a pas non plus été en mesure de fournir aux journalistes la durée des plus longues fermetures qu’a connues le pont Pierre-Laporte.
Le projet de tunnel Québec-Lévis privilégié par la Coalition avenir Québec jusqu’au printemps 2023 ne prévoyait pas le passage de transport lourd. Auparavant, l’ex-ministre des Transports François Bonnardel avait argué qu’un troisième lien permettrait, cela dit, de « sécuriser le réseau » routier.
Malgré l’avis de la Caisse
En conférence de presse, jeudi, la ministre Guilbault a répété qu’elle souhaitait « livrer des projets à Québec […] méthodiquement » et « intelligemment ».
Interrogé sur ses intentions de commander de nouvelles études avant d’aller de l’avant avec un troisième lien, M. Legault a balayé du revers de la main cette éventualité. « Je pense qu’il y en a eu assez », a laissé tomber le chef du gouvernement jeudi.
Dans son rapport publié mercredi sur la mobilité dans la Capitale-Nationale, la Caisse de dépôt et placement du Québec ne trouve aucun argument justifiant la construction d’un pont ou d’un tunnel entre les deux rives. Selon ses analyses, une telle infrastructure ne ferait que déplacer la congestion et n’apporterait que des gains de temps minimes aux automobilistes.
Dans son document de 140 pages, la Caisse se contente de rappeler que la sécurité économique dépasse son mandat et renvoie la balle au gouvernement. « [Il] pourrait examiner la nécessité d’un lien routier en relation avec les questions de sécurité économique et de transport de marchandises », peut-on lire.
En entrevue avec Le Devoir, le professeur en sciences de l’administration de l’Université Laval Leandro C. Coelho indique que la question de la sécurité économique fait partie du discours de l’industrie « depuis plusieurs années ».
« Je ne peux pas dire s’il y a un enjeu majeur de sécurité économique, mais du point de vue logistique, nous sommes à risque, parce que pour le transport de marchandises, c’est le seul lien disponible », a indiqué celui qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada en logistique intégrée.
Rénover le tablier du pont de Québec
Par ailleurs, l’ajout d’un pont à l’est constitue-t-il l’unique solution pour répondre aux enjeux de transport lourd ? Selon le ministre fédéral et député de la circonscription de Québec, Jean-Yves Duclos, non.
En mêlée de presse, mercredi, il avait évoqué la possibilité qu’on profite des rénovations prévues sur le pont de Québec pour permettre à des camions d’y circuler et à un service rapide par bus de s’y installer. « Il s’agirait de baisser un peu le tablier », avait-il soulevé.
Questionné à ce sujet à plusieurs reprises, jeudi, M. Legault a dit ne pas être au courant et a semblé prendre la proposition peu au sérieux. « On va regarder cette nouvelle découverte de M. Duclos », a-t-il dit avant d’affirmer qu’elle semblait « sortie de son chapeau ». « C’est la première fois que j’entends parler de ça », a-t-il enchaîné.
Avec Roxane Léouzon et La Presse canadienne