Les feux d’artifice nuisent-ils à l’environnement?

Des feux d'artifice au-dessus du Vieux-Port de Montréal lors des célébrations du Nouvel An, en 2018
Photo: Graham Hughes archives La Presse canadienne Des feux d'artifice au-dessus du Vieux-Port de Montréal lors des célébrations du Nouvel An, en 2018

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Les feux d’artifice nuisent-ils à l’environnement ?

La question est d’actualité, alors que s’amorce jeudi l’International des Feux Loto-Québec. Les feux d’artifice suscitent l’émerveillement depuis plus de 1000 ans, mais le spectacle époustouflant qu’ils nous offrent nous fait parfois oublier qu’ils polluent l’environnement et affectent la santé humaine.

Le simple fait de connaître la composition de ces bombes aériennes, comme on appelle les feux d’artifice de haute portée, suffit à comprendre que leur explosion est nocive tant pour l’atmosphère que pour le sol et l’eau.

Les feux d’artifice renferment principalement de la poudre noire — un mélange de soufre, de charbon (carbone) et de nitrate de potassium (salpêtre) ou de perchlorate (des oxydants) —, qui, une fois allumée, propulse la bombe et la fait exploser. À cela s’ajoutent divers éléments chimiques qui confèrent des couleurs particulières aux gerbes enflammées qui se déploient dans le ciel.

Lorsqu’elles éclatent, ces bombes relâchent des gaz, des particules fines, ainsi que divers composés toxiques, tels des perchlorates, des oxydes et des métaux, résume Gabrielle Lajoie dans son mémoire de maîtrise, qu’elle a déposé à l’Université de Sherbrooke en 2018. Dans ce document qui relate une multitude d’études scientifiques, Mme Lajoie expose tous les impacts que peuvent avoir les feux d’artifice sur l’environnement.

Pollution atmosphérique

L’explosion des pièces d’artifice relâche en effet une grande quantité de gaz dans l’air, dont une importante proportion de gaz carbonique. Cette explosion dégage également du dioxyde de soufre (SO₂) — un important polluant atmosphérique — et des oxydes d’azote (NOₓ), qui se forment lors de la décomposition de la poudre noire et qui sont responsables de l’acidification des précipitations (pluies acides).

Soumis au rayonnement solaire, le dioxyde d’azote peut aussi produire de l’ozone dans la troposphère, la couche de l’atmosphère la plus basse, où cette substance contribue à l’effet de serre et est considérée comme un polluant qui causerait « un vieillissement prématuré des plantes ».

Les nuages de fumée que génère l’explosion des bombes se composent de particules fines qui sont constituées principalement de carbone et de métaux, ainsi que « de composés secondaires comme des nitrates, sulfates, oxalates, malonates, succinates et glutamates ».

Les événements pyrotechniques sont la cause des pires indices de la qualité de l’air sur l’île de Montréal. Ils génèrent des taux de matière particulaire beaucoup plus importants que ceux observés lors d’alertes au smog.

Alors que les particules les plus grossières tombent rapidement au sol, les plus fines peuvent demeurer dans l’atmosphère plusieurs jours et ainsi être transportées sur de longues distances. Celles qui restent en suspension dans l’air peuvent influer sur la diffusion et l’absorption du rayonnement solaire, ainsi que sur la dynamique des nuages, perturbant du coup « le cycle hydrologique terrestre », explique Mme Lajoie dans son mémoire.

Le dépôt de cette matière particulaire altérerait la composition des sols, ce qui perturberait le processus photosynthétique des plantes qui y puisent leurs nutriments et, de ce fait, diminuerait leur taux de croissance.

« Les événements pyrotechniques sont la cause des pires indices de la qualité de l’air sur l’île de Montréal. Ils génèrent des taux de matière particulaire beaucoup plus importants que ceux observés lors d’alertes au smog », prévient la chercheuse.

« Des concentrations de particules fines égales à 10 000 microgrammes par mètre cube [µg/m³] ont été mesurées lors d’une représentation de l’International des Feux Loto-Québec, alors que le seuil sanitaire est de 10 µg/m³ », relate-t-elle.

Contamination des eaux

Les feux d’artifice sont également pointés du doigt dans « la contamination croissante de l’environnement par le perchlorate (ClO4). Très soluble dans l’eau, où il demeure stable et inerte, le perchlorate peut persister des années, voire des décennies dans les eaux de surface et souterraines », indique Mme Lajoie.

Riches en métaux, les feux d’artifice en relâchent dans l’environnement des quantités importantes, notamment au sein de la matière particulaire.

Un rapport du ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales du Royaume-Uni indiquait qu’« environ 73 tonnes de magnésium (qui donne la couleur blanche), 65 tonnes de baryum (couleur verte), 10 tonnes de strontium (couleur rouge), cinq tonnes de titane (couleur blanche) et trois tonnes de cuivre (couleur bleue) ont été larguées dans l’environnement à la suite des activités pyrotechniques en 2002 ».

À cela s’ajoutent d’autres métaux moins souvent signalés, comme le cobalt, le vanadium, le nickel, le mercure, le bismuth, le gallium et l’antimoine, qui voient également leur concentration s’accroître dans l’environnement.

Plusieurs de ces métaux figurent parmi « les polluants les plus notoires de l’eau et sont reconnus pour leur toxicité et leur persistance environnementale [notamment dans les sédiments] », souligne l’autrice. De plus, ils contribueraient au « dépérissement forestier particulièrement dans des conditions de faible pH ».

Certains composés organiques émis lors des explosions pyrotechniques, comme les hydrocarbures polycycliques, se déposent sur les édifices, les sols, les plans d’eau et les plantes. Or, lors de grosses chaleurs, ces composés se volatilisent à nouveau et sont alors transportés plus loin où ils se condensent une seconde fois. Ce phénomène se répète jusqu’à ce que les composés se retrouvent dans des régions froides, où ils s’accumulent, comme dans l’Arctique, où des concentrations élevées ont été mesurées.

Une fois dans l’eau, ces polluants organiques persistants (ou POP, comme on les désigne souvent) se concentrent dans les tissus adipeux d’espèces aquatiques et se répandent ainsi dans toute la chaîne alimentaire. « Des études ont même établi un lien entre l’exposition aux POP et le déclin, les maladies et les anomalies de certaines espèces fauniques […], notamment des Grands Lacs et leurs environs », écrit Gabrielle Lajoie.

Oiseaux paniqués

En plus de toute cette pollution chimique, les bruyantes détonations et les brillants éclairs des spectacles pyrotechniques peuvent engendrer panique et désertion chez les oiseaux, qui peuvent abandonner leurs oeufs ou leurs oisillons qui deviennent alors la proie de prédateurs ou « meurent par manque de soins », ajoute la chercheuse.

Pour remédier à toutes ces formes de pollution, certains commencent à utiliser des composés chimiques moins toxiques. D’autres encore proposent d’opter pour des spectacles son et lumière avec vols de drones, qui pourraient sans nul doute s’avérer tout aussi spectaculaires ! Cette année, les six spectacles présentés par les pays en compétition à l’International des Feux Loto-Québec comprendront chacun une portion de cinq minutes faisant appel à la technologie laser. « C’est l’équivalent d’un feu d’artifice que nous remplaçons par ces jeux de lumière [qui sont] une pratique écoresponsable mise en place avec la firme Laser-Quantum », fait valoir l’organisateur de la compétition sur le site de La Ronde.

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