La fatigue de l’indignation
Ainsi donc, le gouvernement fait appel du jugement de la Cour supérieure, reconnaissant le droit de montrer des gens qui fument sur scène.
Tant de sources d’indignation, on ne sait plus où donner du « caps lock ». Cette petite connerie supplémentaire se noie dans l’abondance.
Devrait-on faire passer des tests cognitifs aux ministres avant de leur donner les clés ? À en entendre plusieurs qui parlent au « je… je… je… », on pourrait diagnostiquer une hypertrophie de l’ego qui leur fait prendre la démocratie comme un trône. Y a-t-il un médecin dans la salle ?
Normalement, cette démocratie devrait être un chien de garde, nos protestations ou nos questionnements devraient ramener un peu les élus sur terre. Mais on dirait qu’on ne fournit pas.
Et les partis d’opposition sont occupés à pelleter des nuages en attendant le Grand Jour et ont moins de temps pour des stupidités ordinaires.
Il semble que des décennies de gouvernements décevants nous ont convaincus qu’on ne peut pas faire mieux, à part quelques belles exceptions, comme l’aide médicale à mourir. C’est une très belle réussite, mais à bien y penser, c’est un peu ironique aussi.
Mais c’est l’été, prends un break, Jean. Pourtant, on parle beaucoup de politique ces temps-ci, mais de la française et de l’américaine. Pendant ce temps, notre bon premier ministre continue sans gêne de mettre toutes les fautes du monde sur l’immigration, agite la peur de la disparition et coupe simultanément les budgets de francisation et de culture. Oui, oui. Une source d’indignation ordinaire supplémentaire. Ça se passe maintenant, même si c’est l’été. Alors, j’écris ça, comme une sorte de signet ou comme si je pliais un coin de la page de notre livre politique, en espérant y revenir plus tard. Je comprends la fatigue.
Revenons au tabac sur scène. Le ministre fait appel, mais « réserve ses commentaires par respect pour les procédures judiciaires ». Dans le jugement que le gouvernement conteste, on trouve cette phrase délicieuse : « Dans le contexte particulier d’une représentation théâtrale, cette interdiction ne répond pas aux objectifs de façon rationnelle. »
Mathieu Lacombe, ne vous identifiez-vous pas, vous et vos collègues, comme des êtres rationnels ?