Togo, emblème d’une révolution depuis 50 ans

Catherine Girouard
Collaboration spéciale
Pour célébrer ses 50 ans, le togo est offert en deux revêtements en série limitée : la Toile du Peintre, dont le tissu a été dessiné par l’artiste Pierre Frey (notre photo), et le Atom de Kvadrat.
Photo: Ligne Roset Pour célébrer ses 50 ans, le togo est offert en deux revêtements en série limitée : la Toile du Peintre, dont le tissu a été dessiné par l’artiste Pierre Frey (notre photo), et le Atom de Kvadrat.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

« Un tube de dentifrice replié sur lui-même comme un tuyau de poêle et fermé aux deux bouts. » C’est ainsi que le designer Michel Ducaroy a souvent décrit ce qui l’avait inspiré pour dessiner le togo. Un fauteuil qui se voulait différent, design mais accessible, alors que la jeune génération des années 1970 cherchait à se différencier des parents et des moeurs. En sculptant sa silhouette dans un bloc de mousse, son créateur ne se doutait probablement pas que son « tube de dentifrice » deviendrait un des symboles de l’esprit révolutionnaire d’une génération, encore emblématique 50 ans plus tard.

Le véhicule fait descendre le petit groupe de journalistes que nous sommes à Briord, village français situé dans le Bugey, à 70 kilomètres de Lyon. Un des principaux bâtiments des ateliers de Ligne Roset se dresse devant nous. Voisin de l’usine, un champ s’étend jusqu’aux montagnes de Jura qui s’élèvent tout près, façonnées par de très nombreux vignobles. Pour une visite d’usine, on est loin du classique secteur industriel. C’est dans ce décor que n’a jamais cessé d’être fabriqué le togo, ainsi que tous les autres modèles de Ligne Roset.

« On est un peu dinosaures et c’est pour ça que ça fonctionne bien », s’amuse à dire Antoine Roset, co-directeur général de Ligne Roset. L’entreprise familiale de 5e génération n’a jamais préféré l’Asie ou l’Inde pour y fabriquer ses produits, contrairement à tant d’autres. « On veut prendre le temps de bien faire les choses et on ne veut surtout pas faire comme tout le monde. »

Avant d’entrer dans l’usine, on nous demande d’enfermer nos cellulaires à clé dans de petits sacs. Aucune photo ne pourra être prise à l’intérieur de l’usine. Pratique peu courante pour un voyage de presse. En passant la porte, on découvre une usine vaste et étincelante dont de larges poutres de bois courbées ornent les hauts plafonds. Plusieurs employés racontent fièrement y travailler depuis de nombreuses années. Mais pourquoi cacher la qualité de ces installations ? « C’est malheureusement une question de sécurité pour protéger nos créations, la contrefaçon est un fléau… » explique Simone Vingerhoets-Ziesmann, vice-présidente exécutive de Ligne Roset, qui nous guide à travers les différents départements du bâtiment.

Des copies de l’original vendues à moindre prix, il y en a en effet énormément. « Mais ces copies ne sont jamais comme nos produits, défend Antoine Roset. L’artisanat et la qualité des nôtres les protègent. »

Du cuir de première qualité au tissu créé telle une toile par de grands artistes, des rouleaux colorés s’empilent jusqu’au plafond. Au total, ce sont plus de 1000 tissus différents qui sont disponibles pour fabriquer les différents modèles de la ligne, dont plusieurs peuvent être personnalisés. Chacun d’eux est inspecté manuellement et minutieusement avant utilisation. La qualité de tout ce qui ressort de ces murs est une priorité. À titre d’exemple, il faut compter 40 heures de travail et plusieurs paires de bras pour produire une chaise togo fireside, ainsi que 440 mètres de fil. Chaque pli de tissus est fait à la main, et le produit sera inspecté plusieurs fois au cours du processus de fabrication.

Innover pour une génération

Dans un autre atelier de l’usine tout aussi vaste et impressionnant que le premier, on découvre d’énormes blocs de mousse de densités différentes empilés jusqu’au plafond. On a envie de tout toucher. Plusieurs produits de Ligne Roset sont fabriqués à 100 % en mousse, dont le togo. « C’était le meilleur produit qui soit pour créer des formes inhabituelles », explique la vice-présidente exécutive.

Et c’est dans ces gros blocs moelleux qu’a germé la révolution du meuble chez Ligne Roset, mais aussi dans le monde du design en général.

L’histoire de l’entreprise familiale a débuté en 1860, toujours à Briord. Au milieu des années 1960, Jean Roset, qui dirige alors les affaires, comprend que la jeune génération qui veut changer une société qu’elle juge paternaliste et rigide a besoin de nouveauté, de souplesse. Il a l’intuition du siège en mousse pour créer un tout nouveau concept. C’est un énorme changement de cap pour l’entreprise, qui se spécialisait depuis trois générations dans le travail du bois. Et la magie opère quand Jean Roset rencontre le designer Michel Ducaroy. Des modèles tout mousse avec assise près du sol sont alors créés par le designer, comme le Koufra, le Kali — qu’on reconnaît dans la série de bande dessinée humoristique Les Frustrés, créée par Claire Bretécher et publiée dès 1973 dans Le Nouvel Observateur —, le Safi ou encore le Marsala. Mais c’est le « siège-coussin » togo, présenté en 1973, qui vaudra la célébrité à Michel Ducaroy et à Ligne Roset.

« Le togo est totalement révolutionnaire dans les années 1970 et il interpelle une génération à l’esprit rebelle mais qui s’embourgeoise », affirme Antoine Roset. Le togo reçoitdès sa création un prix qui récompense un « mobilier innovant et démocrate », c’est-à-dire avec un bon rapport qualité-prix. La génération hippie s’est rapidement amourachée du fauteuil dans lequel plusieurs ont repensé et redessiné le monde…

L’icône parmi les autres

Le togo n’était pourtant pas le premier siège tout mousse à l’assise aussi près du sol à être créé. Pourquoi est-ce le togo qui se démarqua ainsi autant du lot ? « On ne sait pas vraiment pourquoi ! rigole Antoine Roset, qui en cherche encore la réponse. Quand quelque chose d’exceptionnel se passe, on ne peut pas toujours l’expliquer. Ça fait 50 ans que ça a débuté, et sa popularité ne s’est jamais arrêtée. »

Au Québec, Maison Corbeil a l’exclusivité des ventes des meubles de Ligne Roset. « Le togo est le plus populaire de la collection, il représente 45 % des ventes de la Ligne Roset au Canada, affirme Marie-Josée Gagné, directrice du marketing et des communications chez G2MC. Les gens viennent chez Corbeil pour ce sofa. » Le fondateur de Maison Corbeil — enseigne qui fête ses 50 ans aussi cette année — avait eu du flair, souligne Marie-Josée Gagné. Il était tombé en amour avec le togo dès sa création, sans savoir qu’il deviendrait ainsi iconique.

Aujourd’hui, le togo et Ligne Roset sont synonymes de luxe moderne. L’entreprise est aussi reconnue pour ses nombreuses collaborations artistiques. « Mais comme le togo, toutes les pièces de Ligne Roset ne sont pas que des pièces d’art, précise Antoine Roset. Nos sofas sont désignés pour convenir à la vie à la maison, à la famille, avec un air décontracté et non pas un air muséal. »

Les quelques mots écrits par Pierre Berville en 2004, qui lui valurent le prestigieux Grand Prix APPM pour la création d’une annonce publicitaire, décrivent d’ailleurs encore à merveille le togo et Ligne Roset : « Créations pour l’esprit, les yeux, les fesses… »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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