L’entrepreneuriat des Premières Nations et des Inuits prend son envol
Collaboration spéciale
Ce texte fait partie du cahier spécial Développement autochtone
L’économie autochtone génère plus de 30 milliards de dollars et devrait tripler au cours des prochaines années, selon la Banque Royale du Canada (RBC). Mais les entrepreneurs des Premières Nations et inuits doivent encore surmonter plusieurs défis. Portrait de la situation.
« Les peuples autochtones ont toujours été des gens de commerce. C’est ainsi que nous avons vécu durant plusieurs générations. Nous échangions nos cadeaux contre ceux d’autres nations », résume Naomi Sarazin, directrice générale de Pow Wow Pitch. Cet organisme à but non lucratif soutient les entrepreneurs autochtones par le biais d’une plateforme collaborative. Ils oeuvrent d’ailleurs dans des industries très variées, explique celle qui fait partie de la Première Nation des Algonquins de Pikwàkanagàn.
Au Québec, la croissance économique des Premières Nations a connu un important essor, constate le directeur général de Tourisme Autochtone Québec, Dave Laveau. Selon le membre de la communauté huronne-wendate, « on voit de plus en plus de collectivités autochtones qui sont présentes, notamment dans le développement énergétique du Québec, que ce soit l’hydroélectricité, l’éolien. Ce sont des pans de l’économie où on était quasi-absents il n’y a pas tellement longtemps ».
Une croissance plus grande
La RBC rapporte que le nombre d’entrepreneurs chez les Autochtones connaît une croissance cinq fois plus rapide que chez le reste des travailleurs autonomes au Canada.
M. Laveau n’est pas étonné de ces chiffres. Rien qu’au Québec, en tourisme, on comptait 103 sociétésde propriété autochtone en 2003. En 2016, ce nombre est passé à 223. « On est très optimistes d’atteindre un nombre de 300 d’ici 2027 », se réjouit-il.
« Sur le terrain, de plus en plus d’Autochtones sont formés, outillés, diplômés. Cela fait en sorte qu’il y a plus de gens qui créent des entreprises, mais aussi plus d’employés, de professionnels, de techniciens pour travailler dans ces mêmes entreprises. Et ce, qu’elles soient privées ou communautaires », croit-il.
Toutefois, la mise sur pied et le maintien de ces organisations viennent avec leur lot de défis. Rappelons qu’en vertu de l’article 89 de la Loi sur les Indiens, les biens situés sur une réserve sont insaisissables.
« Et c’est ce qui a beaucoup retardé le développement des entreprises autochtones », estime M. Laveau. Ainsi, les banques, les caisses et les prêteurs traditionnels sont davantage réticents à l’idée de proposer du financement en raison de cette loi. « Ils sont frileux, bien sûr, pour une question de gestion de risques », illustre le directeur général. Il rappelle toutefois la création d’institutions telles que les sociétés de crédit commercial autochtone. « Elles arrivent avec des lunettes et une compréhension différentes. C’est ce qui explique à mon avis qu’aujourd’hui on est un peu mieux outillés », croit M. Laveau.
Mme Sarazin abonde en ce sens. Ailleurs au pays, l’obtention de capitaux pour se lancer en affaires reste le principal défi. Elle souligne que Pow Wow Pitch organise chaque année une compétition destinée aux entrepreneurs autochtones. Ces dernières peuvent gagner plusieurs récompenses en argent, dont un grand prix de 25 000 dollars pour les soutenir dans leur projet.
Des entreprises près des communautés
Pour Mme Sarazin, la plus grande répercussion des entreprises autochtones est celle sur leurs familles, qui peuvent ainsi subvenir aux besoins de leurs proches et de leur communauté. « Ces entrepreneurs créent des occasions d’emploi pour que des gens puissent travailler au sein de leur projet ». Pour la directrice générale, l’économie autochtone permet d’ailleurs d’établir des ponts entre Autochtones et allochtones. « En encourageant les peuples autochtones et les entrepreneurs, il y a cette réconciliation économique. Et vous soutenez l’authenticité. »
Si la notion d’entrepreneuriat vient généralement avec celle de profit, les Autochtones portent davantage attention aux effets non économiques de leur initiative, observe M. Laveau. « Être au service du communautaire, c’est ça, la recette de l’économie autochtone, croit-il. Ces éléments font partie des raisons pour lesquelles on est en forte croissance, parce que c’est pour le compte d’autre chose. »
Développement durable, économie circulaire ou sociale, ces concepts étaient d’ailleurs déjà au coeur des priorités des communautés autochtones depuis fort longtemps, souligne M. Laveau. Des pratiques qui influencent désormais d’autres entreprises.
« On n’est plus à l’étape où l’on devrait s’inspirer des Premières Nations ou de leur philosophie. Je pense qu’on est dans l’action. En matière sociale et environnementale, la question du développement durable fait maintenant partie non seulement des discussions publiques, mais aussi des plans, des décisions, des changements opérés par les gouvernements. Et ça, ça nous ramène à l’ADN autochtone. »
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