L’effet Normandeau toujours palpable en Gaspésie

«Jamais je n’aurais pensé faire de la politique et jamais je n’aurais un jour pensé faire de la radio», a dit en louvoyant Nathalie Normandeau.
Photo: Benoit Daoust «Jamais je n’aurais pensé faire de la politique et jamais je n’aurais un jour pensé faire de la radio», a dit en louvoyant Nathalie Normandeau.

Nathalie Normandeau a été accueillie en véritable rockstar, samedi, dans son fief de la Gaspésie, à l’occasion du Festival international du journalisme de Carleton-sur-Mer. L’ex-ministre libérale, venue discuter avec le public de sa reconversion dans les médias, a fait salle comble. Une fois la conférence finie, il y avait foule pour venir serrer la main de cette enfant du pays, que tout le monde tutoie allègrement ici. Dans la baie des Chaleurs, son étoile n’a vraisemblablement jamais pâli, malgré des accusations pour corruption et fraude, qui se sont soldées par un arrêt des procédures.

Au contraire, cette saga, qui se sera éternisée sur plus de quatre ans, aura probablement eu pour effet de la rendre encore plus populaire, a-t-on pu constater sur place. Pour une festivalière, qui tient à préciser n’avoir jamais voté pour le Parti libéral, Nathalie Normandeau est « un modèle de résilience » pour toutes les femmes. « Tu es notre fierté », lui confiera dans le creux de l’oreille une autre fière Gaspésienne, venue lui faire l’accolade après la conférence.

Dans la circonscription de Bonaventure, qu’elle a représentée à l’Assemblée nationale de 1998 à 2011, Nathalie Normandeau aurait sûrement encore toutes ses chances, bien qu’elle habite aujourd’hui à Québec. Mais lorsque Le Devoir la questionne sur un éventuel retour en politique, la principale intéressée éclate de rire.

« Honnêtement, ce n’est pas dans mes plans. Mais on ne peut pas dire jamais. On ne sait pas de quoi l’avenir est fait. Jamais je n’aurais pensé faire de la politique et jamais je n’aurais un jour pensé faire de la radio », dit-elle en louvoyant de manière très habile, en bonne politicienne.

Treize ans après son départ du gouvernement, sa repartie est intacte. Son talent aussi. Nathalie Normandeau possède cette capacité, rare, à faire sentir son interlocuteur comme la personne la plus importante au monde. Pas étonnant qu’elle fût un temps pressentie pour succéder à Jean Charest. Mais l’animatrice de radio doute se plaire encore dans la joute politique, qui a beaucoup changé depuis l’époque où elle était élue. Notamment à cause des réseaux sociaux, qu’elle exècre. Elle y brille d’ailleurs par son absence.

« La politique est devenue un sport extrême. Les réseaux sociaux ont libéré la parole. Mais en même temps, ça rend le débat public plus compliqué. C’est de plus en plus polarisé. On est soit pour, soit contre », déplore celle qui coanimera avec Luc Ferrandez une nouvelle émission à l’automne sur les ondes du 98,5 FM.

Depuis près de quatre ans, Nathalie Normandeau est une des têtes d’affiche de la station de radio la plus écoutée de Montréal. Un véritable retour en grâce, après une longue traversée du désert. « Honnêtement, je mentirais si je disais que j’avais arrêté d’y croire », évoque-t-elle, en prenant soin de souligner qu’elle n’a jamais été une carriériste.

Passage à vide

Le 17 mars 2016, sa vie s’arrête lorsqu’elle est arrêtée par l’Unité permanente anticorruption, l’UPAC. Des accusations de corruption, de fraude et d’abus de confiance, entre autres, seront portées contre elle. Le FM93, la radio de Québec où elle coanimait le midi avec Éric Duhaime, la congédie.

« Les premières semaines ont été très difficiles », reconnaît-elle, « Oui, j’ai ressenti du désespoir. C’est tellement gros que tu en viens à douter de toi-même. Mais je me suis rapidement ressaisie. Ce qui m’a aidée, c’est que je savais très bien que ce qu’on me reprochait, je ne l’avais pas fait. Ça m’a motivée à me battre. »

Sans qu’il y ait eu de procès, l’ensemble des accusations seront abandonnées en septembre 2020, à la suite d’une requête pour délais déraisonnables. Nathalie Normandeau réclame aujourd’hui 2,5 millions de dollars en dédommagements au Procureur général du Québec, estimant que ces accusations étaient le résultat d’enquêtes fautives qui auront hypothéqué sa vie.

Dans la messagerie de son émission de radio, il arrive encore que des auditeurs lui écrivent pour la traiter de corrompue. « Je sais que c’est une chose avec laquelle je vais vivre toute ma vie. Pour une partie de l’opinion, je suis coupable. J’ai fait la paix avec ça et j’ai décidé d’avancer », indique l’ancienne vice-première ministre, qui assure par contre entretenir peu de ressentiment.

Pas même envers Philippe Couillard, son ancien collègue devenu premier ministre, qui avait exhorté les députés libéraux à ne pas lui accorder d’entrevue. Nathalie Normandeau, qui était à l’époque toujours accusée au criminel, venait de retrouver un micro dans une petite station privée à Québec. Profondément blessée, l’ex-politicienne avait réagi en déchirant sa carte de membre du Parti libéral en ondes. Elle en avait appelé plus tard à l’élection d’un gouvernement de la Coalition avenir Québec.

« Je ne suis membre d’aucun parti aujourd’hui. Mais je partage encore les valeurs du Parti libéral du Québec. Les valeurs sont plus fortes de toute manière qu’un parti », souligne Nathalie Normandeau, qui refuse par ailleurs de dire pour qui elle a voté lors des deux dernières élections.

Sport extrême

Pour l’heure, Nathalie Normandeau se consacre pleinement à son nouveau rôle à la radio en vue de l’automne. Lors de la prochaine saison, le 98,5 FM joue gros avec le départ de Paul Arcand, qui entraîne plusieurs changements dans la programmation. Si la politique est un sport extrême, comme le dit Nathalie Normandeau, la radio privée s’avère l’être aussi parfois.

« Je dis toujours à la blague que la radio, c’est plus difficile que la politique. Dans la mesure où, en radio, on est sondé en permanence. On peut voir en temps réel ce qui fonctionne ou non en ondes. On sait qu’il faut performer. Tout peut s’arrêter pour nous du jour au lendemain si les auditeurs ne sont pas au rendez-vous, et il faut en être conscient », conclut Nathalie Normandeau, qui sait trop bien de quoi elle parle.

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