Les dépenses en services d’extermination explosent dans les écoles de Montréal

Des enseignants déplorent la présence généralisée de souris, de rats et de coquerelles dans plusieurs écoles de Montréal, au moment où les deux plus grands centres de services scolaires de la province ont vu leurs dépenses en services d’extermination gonfler dans les dernières années.

Le temps clément qui a marqué le dernier hiver, les options limitées dans les poisons pouvant être utilisés contre la vermine et la grève des enseignants qui a laissé des classes vides pendant plus d’un mois à partir de la fin novembre sont autant de facteurs qui ont contribué à la multiplication du nombre de rats et de souris dans les écoles de la métropole, de l’avis de trois exterminateurs consultés par Le Devoir.

« On n’avait plus rien pour éliminer cette bestiole-là, donc la population a augmenté », lance le président de l’entreprise Extermination Leblanc, Daniel Leblanc, selon qui la décision de la Ville de bannir en 2022 l’utilisation de certains pesticides utilisés pour empêcher les rats et les souris d’entrer dans des bâtiments a contribué à la croissance du nombre de ces animaux dans les écoles et ailleurs dans la métropole. L’administration de Valérie Plante a retiré en février 2023 un poison à rats de la liste des produits bannis d’usage à l’extérieur, mais l’efficacité de celui-ci est limitée, constatent les exterminateurs joints par Le Devoir.

« Ça n’aide pas vraiment à réduire la population de rats. Ça va peut-être leur donner un mal de ventre, mais c’est à peu près tout », lance en riant l’exterminateur Raphael Zinno, de l’entreprise Orkin Canada. Or, « une fois qu’elles sont à l’intérieur, qu’elles sont libres, à la chaleur, les souris peuvent s’accoupler », relève M. Leblanc.

Or, « s’il y a des infestations, on se préoccupe toujours des impacts que ça peut avoir sur les élèves », confie en entrevue la présidente du Syndicat de l’enseignement de l’ouest de Montréal, Sophie Milot. En entrevue, elle décrit la « recrudescence » d’excréments et de souris dans des classes qu’elle et ses collègues enseignants de divers établissements du Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSSMB) ont constatée dans les dernières années.

Un bond dans les dépenses

Le CSSMB a ainsi investi 494 553 $ durant l’année scolaire qui s’achève dans des services d’extermination et de contrôle des parasites. Il s’agit là d’un montant 72 % plus élevé que la somme allouée à cet effet l’année précédente, lorsque le centre de services scolaire avait investi 287 554 $ dans un contrat d’extermination. En 2019, ce montant s’était élevé à 69 657 $.

Le plus bas soumissionnaire pour un nouveau contrat en attente de conclusion, Extermination Leblanc, propose maintenant d’assurer pendant 18 mois le contrôle des parasites au sein du deuxième plus grand centre de services scolaire de la province pour la somme de 630 000 $.

« La forte augmentation du nombre de chantiers [nouvelles écoles, agrandissements et rénovations majeures) au cours des dernières années a un impact direct sur le nombre de lieux où des suivis réguliers doivent être faits » par un exterminateur, note par courriel le CSSMB. Ce dernier précise d’ailleurs que ses quelque 150 bâtiments « font l’objet d’une visite mensuelle préventive de l’expert en extermination », qui déploie alors des pièges dans des lieux stratégiques et assure « le bouchage des orifices qui pourraient servir de point d’entrée » à la vermine.

Le CSSMB affirme ainsi avoir « fait le choix de miser sur la prévention » des infestations dans ses établissements dans les dernières années, ce qui expliquerait la hausse des sommes qu’elle a investies depuis 2019 à cet égard.

Des souris au quotidien

Le centre de services scolaire de Montréal, le plus grand de la province, a pour sa part vu ses dépenses en services d’extermination de parasites grimper de 24 % pour la présente année scolaire, par rapport à la moyenne de la somme allouée annuellement à cet effet depuis 2019, a constaté Le Devoir. Il a ainsi alloué 84 519 $ à cette fin pour cette année scolaire, au moment où des enseignants signalent une présence généralisée de vermine dans certains établissements.

« Le matin, j’arrive, j’ouvre le frigo et il y a des coquerelles dans la cuisine qui grouillent de partout », lance une enseignante d’une école primaire du centre de services scolaire de Montréal qui a exigé l’anonymat, n’étant pas autorisée à s’adresser aux médias. Quant aux souris, « elles sont rendues tellement nombreuses qu’elles se nourrissent des plantes » dans son école, poursuit l’enseignante. « Elles sont partout », lance cette source, selon qui cet « enjeu de salubrité » n’est pas assez pris au sérieux par son centre de services scolaire.

Les documents fournis au Devoir font état de 830 requêtes d’extermination logées dans des centaines d’établissements du CSSDM entre le 3 juillet 2023 et le 11 juin dernier.

« Ça ne crée pas un bon milieu de travail », déplore la présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, Catherine Beauvais-St-Pierre, qui craint que ces infestations contribuent à nuire au recrutement et à la rétention de personnel dans les écoles de la métropole. « Ce n’est pas normal de travailler dans un milieu où l’on retrouve des crottes dans les classes ou des coquerelles dans le salon du personnel », lance-t-elle.

Des écoles désuètes

Les infestations de vermine dans les écoles cachent par ailleurs un problème plus large, soit celui de la désuétude de ces établissements dans lesquels le gouvernement du Québec tarde à investir les sommes requises pour leur mise à niveau, estime Mme Milot, dont le syndicat représente les enseignants du CSSMB.

Des documents publiés en marge du dernier budget provincial montrent que 60 % des immeubles de ce centre de services scolaire sont jugés en mauvais ou en très mauvais état. Ce pourcentage grimpe à 76 % au sein du CSSDM, où le déficit de maintien des actifs des infrastructures est chiffré à 1,8 milliard de dollars.

Or, « les écoles qui sont plus vieilles et moins entretenues auront plus de rongeurs » parce que ceux-ci pourront plus facilement y pénétrer, estime l’exterminateur Raphael Zinno. « Ce serait difficile de ne pas faire de liens avec la vétusté de nos bâtiments », opine elle aussi Catherine Beauvais-St-Pierre. « C’est un autre exemple de conséquence de ce problème d’entretien qu’on a eu pendant des années. »

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