Le plan d’urbanisme et de mobilité, un test de leadership pour Montréal

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le nouveau plan d’urbanisme et de mobilité (PUM) de la Ville de Montréal ne manque pas d’ambition. La Ville souhaite, d’ici 2050, partir de zéro et atteindre 184 km de lignes de tramway, en plus de prolonger le réseau de métro et de service rapide par bus (SRB). Si les caquistes font une fixation sur le troisième lien dans la région de Québec, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a aussi ses lubies, en lien avec le retour du projet de ligne rose du métro pour relier le centre-ville au nord-est de la ville.

Qu’à cela ne tienne ! Entre la vision passéiste de la Coalition avenir Québec et l’approche progressiste de Projet Montréal en matière de mobilité, le choix est évident. Là où le premier ministre du Québec nous propose un gaspillage éhonté de fonds publics pour faire gagner cinq petites minutes sur la congestion routière entre Lévis et Québec, la mairesse de Montréal nous invite à rêver d’une ville à échelle humaine, capable de relever les défis de la transition énergétique et de faire preuve de responsabilité et d’équité dans l’aménagement du territoire.

Le PUM est un plan marqué par l’ambition. L’ensemble des projets de mobilité prévoient la réalisation de 300 km de lignes de transport (par SRB, tramway ou métro). Les investissements sont vaguement évalués à des dizaines de milliards de dollars, une somme qu’il faudra évidemment revoir à la hausse dans un marché québécois marqué par des pénuries de main-d’oeuvre, une hausse du coût des matériaux, une baisse de la productivité dans le secteur de la construction et la difficulté à trouver des soumissionnaires conformes ou intéressés par l’exécution de grands ouvrages.

Le plan est ambitieux, mais est-il pour autant réaliste ? Au micro du 15-18, Marco Chitti, un expert en urbanisme spécialisé dans les questions de transport, faisait remarquer que Paris, une ville autrement plus peuplée que Montréal, où la densité est déjà propice à l’organisation des transports collectifs, a réussi à ajouter 200 km de voies en 30 ans. Il évalue que Montréal pourrait mettre en place tout au plus 50 km de lignes de tramway d’ici 2050.

La liste des facteurs de risque susceptibles de plomber le PUM est longue. Le mode de financement du transport collectif, la gouvernance des agences responsables de la planification, la compétition métropolitaine pour les projets structurants et les contraintes structurelles dans l’industrie de la construction constituent autant de freins aux idéaux du PUM. Sans parler de la sclérose de la bureaucratie municipale, qui peine à s’acquitter de ses responsabilités premières, comme l’entretien de son propre parc d’habitations à loyer modique, ou la délivrance de permis de construction dans un délai raisonnable. Ces lacunes font peser des doutes sur le réalisme d’un autre objectif du PUM, soit la construction de 200 000 nouveaux logements d’ici 2050.

Dernier détail, et non le moindre. À Québec, le gouvernement en place est loin de se comporter comme un allié indéfectible du transport collectif, malgré les sommes considérables investies au fil des ans. Le gouvernement Legault n’a aucune réalisation à son actif en matière de projets structurants de transport collectif. Il reporte, chipote, ressuscite le cadavre moribond du troisième lien. Il donne l’impression qu’il vise l’impossible : prendre part à la transition énergétique et à l’action climatique sans altérer les comportements individuels des automobilistes. Le principal prétendant au poste de premier ministre du Canada, Pierre Poilievre, tient un discours encore plus intransigeant. Accusant ses adversaires de mener une « guerre à l’auto », il a promis de ne pas investir « une cenne d’argent fédéral » dans le projet de tramway à Québec. Attendez un peu qu’il lise le PUM.

La mairesse Plante est parfaitement consciente que la Ville de Montréal n’a pas de pouvoir sur les décisions prises à Québec ou à Ottawa en matière de financement des projets structurants de transport collectif. Elle juge important de « montrer la voie ». La mise à jour du plan, faite au moyen d’un processus consultatif, était incontournable pour aborder de front les défis qui attendent Montréal. En reliant d’un trait la densification du territoire, la mobilité durable et l’accès au logement, l’administration Plante veut créer des milieux de vie équitables, durables, humains. Nous pouvons certainement mettre en doute le réalisme de ces propositions, comme l’a fait le chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Aref Salem. Il n’en demeure pas moins qu’elles sont en phase avec la mission d’une ville de l’envergure de Montréal.

Irréaliste, ambitieux, nécessaire. Le plan d’urbanisme et de mobilité est un appel à l’action citoyenne. Ses chances de succès dépendront largement du leadership à la mairie de Montréal. Il ne suffira pas de montrer la voie. Il faudra aussi montrer l’exemple dans la gestion courante pour que le PUM soit exécuté avec un sens de la rigueur et de la responsabilité.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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