Éclectique et sympathique Pink Martini

On l’a entendue chanter en français, en japonais, en italien, en espagnol, en grec et en croate. Elle fredonne en 30 langues en tout, avec juste assez d’accent pour être totalement délicieuse. La chanteuse China Forbes revient sur scène jeudi et vendredi, au Festival international de jazz de Montréal, avec le groupe américain Pink Martini, qu’elle a fondé il y a 30 ans avec son complice de toujours, Thomas Lauderdale.
Thomas, pour elle, est un « archéologue de la musique ». C’est lui qui a le dernier mot sur les pièces jouées. Il plonge dans les répertoires du monde entier pour y rapporter des perles, réadaptées ensuite à la façon Pink Martini.
« Généralement, nous choisissons des musiques que nous aimons, que nous trouvons belles et intéressantes, qui peuvent être dans toutes sortes de langues, raconte la chanteuse en entrevue. Par exemple, nous avons repris Que sera, sera, une chanson qui est généralement très joyeuse, pour en faire une version qui donne la chair de poule, en mineur, intéressante et amusante à faire. Au début, nous ne faisions que des reprises. Mais, si on n’adapte pas les chansons, c’est sans intérêt. Alors, nous tournons autour d’une chanson pour en faire quelque chose de surprenant, de beau, quelque chose que les gens ne sont pas habitués d’entendre. » Le procédé, qu’ils ont maintenu au fil de leur dizaine de disques, écoulés à des millions d’exemplaires, n’a pas été sans leur causer quelques ennuis.
Notre répertoire est tellement éclectique et touche à tant de genres que nous pouvons aborder n’importe quel style ou n’importe quelle langue. Cela nous donne beaucoup d’options et de possibilités, et c’est vraiment agréable. Nous ne sommes pas enfermés dans une boîte.
Leur chanson la plus populaire à ce jour, la chanson éponyme Sympathique, sur leur premier album, était inspirée, à leur insu, des premiers mots d’un poème de Guillaume Apollinaire, Hôtel, écrit en 1913, puis mis en musique par François Poulenc. La version de Pink Martini, où China Forbes reprend le refrain « Je ne veux pas travailler », avec des altérations, a été un succès immédiat. Mais le groupe a plus tard dû s’entendre avec la succession de Guillaume Apollinaire pour pouvoir continuer de la jouer.
Sur le même album, Pink Martini reprenait le célébrissime Boléro de Ravel, pour l’adapter à sa façon. À la suite d’un autre litige, cette fois avec les ayants droit de la succession de Ravel, le groupe a dû attendre que le Boléro devienne du domaine public, pour rééditer le morceau dans la version conçue par Thomas Lauderdale en 2018.
Un faible pour le français
Si elle a chanté en mille langues, China Forbes garde un faible pour le français, qui est la langue d’un de ses ancêtres.
« Mon grand-père a grandi en Europe, à la fois en France et en Allemagne. Et mon père adorait sa famille française et aimait parler français. Alors, j’ai grandi en côtoyant la langue française », dit-elle, même si, native de Cambridge, au Massachusetts, elle donne l’entrevue en anglais. Thomas Lauderdale a aussi des affinités avec la langue de Molière, et a vécu un certain temps à Paris.
À Montréal, on peut donc s’attendre à ce qu’ils poussent la note en français un peu plus qu’ailleurs.
« Notre répertoire est tellement éclectique et touche à tant de genres que nous pouvons aborder n’importe quel style ou n’importe quelle langue. Cela nous donne beaucoup d’options et de possibilités, et c’est vraiment agréable. Nous ne sommes pas enfermés dans une boîte », dit-elle.

En fait, c’est sur un air de Puccini que les compagnons de route se sont d’abord rencontrés. « J’aimais l’opéra et j’ai étudié l’italien, dit-elle. Quand j’ai rencontré Thomas et que nous avons commencé à collaborer, il voulait m’accompagner. Il m’a demandé : “Qu’est-ce que tu as envie de chanter ?” Je lui ai dit que je voulais chanter du Puccini. Alors, il est allé chercher des arias, et nous avons joué ensemble. C’était merveilleux. C’est comme ça que nous avons commencé à collaborer. »
Aujourd’hui encore, donc, Pink Martini persiste et signe. Même si son dernier album date déjà de plusieurs années. « Nous comptons enregistrer un autre album en studio et aussi des versions symphoniques », ajoute China Forbes.
La suave Américaine poursuit une démarche solo de son côté et elle a produit, tout récemment, un album de son cru, The Road. La chanteuse a par ailleurs reçu le prix Ella-Fitzgerald au Festival international de jazz de Montréal en 2022.
À Montréal, cette année, China Forbes et Thomas Lauderdale seront accompagnés d’un violon, d’une guitare, d’une contrebasse, d’un grand piano, d’une trompette, d’un trombone, d’un percussionniste et d’un joueur de conga. Et ce sera sûrement très, très sympathique.