Élections américaines

Trump peut bénéficier d’une immunité partielle, tranche la Cour suprême

La Cour suprême des États-Unis a tranché : les anciens présidents bénéficient d’une immunité contre les poursuites pour les actes officiels qu’ils ont commis. Il incombera donc aux tribunaux inférieurs de déterminer si les gestes commis par Donald Trump pour tenter d’invalider sa défaite à l’élection présidentielle de 2020 tombent dans cette catégorie, a statué le tribunal dans une décision rendue lundi.

Si « on vient de reconnaître pour la toute première fois une immunité en matière criminelle pour essentiellement tout acte officiel », il ne s’agit pas pour autant d’une victoire totale pour le camp Trump, résume Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’Université du Québec à Montréal. Des actes officiels sont des actions faites par un président dans l’exercice de ces fonctions, alors que des actes non officiels sont des gestes faits pour l’avantager personnellement.

Alors que le républicain demandait une immunité absolue, la cour a jugé que les présidents ne disposent d’aucune immunité pour les actes non officiels. « La question devient évidemment : qu’est-ce qui est officiel et qu’est-ce qui ne l’est pas ? » poursuit M. Jacob. Et le plus haut tribunal du pays s’est abstenu d’offrir une réponse claire à cette question. La nature officielle ou pas des actes de l’ancien président devra donc être jugée au cas par cas.

En renvoyant aux tribunaux inférieurs la responsabilité de déterminer comment appliquer la décision à la situation de Donald Trump, la Cour suprême crée de facto un délai supplémentaire avant que celui-ci puisse être jugé dans l’affaire entourant les résultats de la présidentielle de 2020.

Pouvoir et dissidence

La décision de la cour peut se défendre en principe, selon Rafael Jacob. Le président devrait pouvoir exercer ses fonctions pour refléter la volonté populaire sans devoir craindre des poursuites criminelles.

Il précise que le rôle de la Cour suprême est de reconnaître de grands principes qui sont « éternels ». Mais en pratique, « on vit dans une situation où l’ancien président, le probable futur président, est un type qui a abusé de ses pouvoirs, a menacé la démocratie et la menace à nouveau, ajoute M. Jacob. Ce [que la Cour suprême] vient de dire, c’est que ce président-là, comme tous les autres, n’aura jamais à se soucier de faire face à la moindre poursuite criminelle, tant et aussi longtemps qu’il est en mesure de démontrer que les décisions qu’il a prises et les actes qu’il a posés ont été faits dans le cadre de ses fonctions officielles ».

« Le président va être au-dessus des lois en grande partie » dans l’exercice de ses fonctions, croit David Grondin, professeur de communication et chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal. Il pense cependant que les personnes en poste dans les hautes sphères du gouvernement et de l’armée s’opposeraient à des utilisations jugées extrêmes de la force par Donald Trump.

La décision prise à la majorité est teintée des nominations présidentielles des trente dernières années, selon M. Jacob. Tous les juges qui ont voté pour le jugement ont été nommés par des présidents républicains (trois par Donald Trump, trois par des prédécesseurs). Les trois juges progressistes siégeant à la cour ont exprimé leur dissidence.

C’est notamment le cas de la juge Sonia Sotomayor, qui a écrit que la décision « tourne en dérision le principe fondamental de notre Constitution et de notre système de gouvernement, selon lequel nul n’est au-dessus de la loi ». Elle a déclaré dans la salle d’audience que l’immunité accordée « est aussi mauvaise qu’elle le semble, et qu’elle est sans fondement ».

Quels effets sur la campagne présidentielle ?

D’un point de vue politique, « Trump a assurément gagné son pari » en évitant les procès criminels avant l’élection de novembre prochain, selon Rafael Jacob.

« La première condamnation contre Trump a eu des effets tout au plus négligeables dans l’opinion publique », ajoute-t-il. Ne pas ouvrir la porte à d’autres procès d’ici les élections devrait faire en sorte que les déboires judiciaires de l’ancien président ne monopolisent pas toute l’attention d’ici au jour du scrutin, mais il est peu probable que ça se répercute dans les intentions de vote, estime l’expert.

Cette décision « renforce la candidature de Donald Trump », selon M. Grondin. M. Trump a d’ailleurs réagi sur le réseau Truth Social en louangeant une décision « brillamment écrite et intelligente ».

Rappelons que l’ex-président a été reconnu coupable en mai à son procès pénal pour dissimulation de pot-de-vin dans l’affaire Stormy Daniels.

Avec l’Associated Press

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