Devrait-on craindre les nanoparticules trouvées dans la nature?
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Que sait-on de l’effet à long terme des nanoparticules fabriquées que l’on retrouve dans la nature ?
Les nanoparticules manufacturées, c’est-à-dire fabriquées par l’humain, sont aujourd’hui présentes dans une multitude de produits de consommation, des cosmétiques aux peintures, en passant par les vêtements et les écrans plats. Ces particules de taille nanométrique (de l’ordre du nanomètre, soit 10-9 mètre) finissent un jour ou l’autre par être relâchées dans l’environnement. On en trouve donc partout, dans l’air, dans l’eau, dans les sédiments des cours d’eau et dans les sols, où elles sont très difficiles à détecter.
« La toxicité de ces nanoparticules dépend surtout de leur composition. Elle ressemble beaucoup à celle des éléments qui les composent. Une nanoparticule constituée de cadmium aura les mêmes effets qu’une concentration équivalente de cadmium sous forme ionique ou métallique », souligne Kevin James Wilkinson, professeur au Département de chimie de l’Université de Montréal et rédacteur en chef adjoint de la revue Environmental Science: Nano, de la Royal Society of Chemistry.
La toxicité varie donc d’un type de nanoparticules à l’autre. Par exemple, les nanomatériaux de silice (SiO2, qui a la même composition chimique que le sable), qui sont introduits notamment dans l’alimentation, les couches de bébé ainsi que les produits cosmétiques et pharmaceutiques et les dentifrices, sont beaucoup moins toxiques que les points quantiques. Ces derniers, des nanostructures cristallines de semi-conducteurs, sont pour leur part utilisés dans la fabrication notamment d’écrans plats de télé et d’ordinateur, et sont constitués de cadmium et de sélénium entourés de sulfure de zinc, explique le professeur.
« On ne peut pas simplement dire que toutes les nanoparticules sont toxiques. Ce serait comme dire que tous les métaux sont toxiques. Il y a certains métaux qui sont bénéfiques pour l’organisme, comme le zinc et le fer, qui entrent dans la composition de certaines vitamines », fait remarquer Kevin James Wilkinson.
Le zinc, le fer et le cuivre sont peut-être bénéfiques à faibles concentrations, mais ils deviennent toxiques à fortes concentrations. Par conséquent, étant donné que la quantité de nanoparticules ne cesse de s’accroître dans l’environnement, n’y a-t-il donc pas un risque que celles qui contiennent ces métaux atteignent une abondance toxique ?
« Il y a en effet ce risque qu’on dépasse le seuil toxique, mais pour le moment, d’après les mesures qu’on a faites pour évaluer le risque toxicologique des nanoparticules dans l’environnement, on ne retrouve pas, de manière générale, des concentrations qui sont très inquiétantes, à part les cas d’une contamination par une industrie qui en produit ou qui pollue », affirme le spécialiste de la chimie de l’environnement.
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L’évaluation du risque toxicologique de chaque type de nanoparticules consiste à diviser la concentration qu’on trouve dans l’environnement par celle où des effets négatifs ont été observés en laboratoire. Pour l’instant, les concentrations mesurées dans l’environnement semblent de 10 à 100 fois plus faibles que les concentrations reconnues comme étant toxiques, précise le chercheur.
Seulement quelques types particuliers de nanoparticules semblent un peu plus problématiques que d’autres : c’est le cas notamment des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2), dont les concentrations pourraient se rapprocher du seuil de toxicité, car ces nanoparticules sont présentes notamment dans les peintures, ce qui signifie que toutes les surfaces ou presque en sont recouvertes. « Le dioxyde de titane est également un composé persistant, il ne se dégrade pas et s’accumule dans l’environnement. Sa présence entraîne donc un risque à plus long terme », ajoute le spécialiste.
Les nanoparticules d’argent, qu’on trouve dans les cosmétiques, les déodorants et les chaussettes en raison de leurs propriétés antibactériennes, peuvent aussi s’avérer problématiques par leur abondance dans l’environnement, et par le fait qu’elles pourraient s’y dissoudre plus facilement et ainsi se retrouver sous une forme ionique toxique.
Les nanoplastiques, quant à eux, ne se dégradent pas bien et persistent dans l’environnement. Leur toxicité est attribuable surtout aux produits qu’on ajoute lors de leur fabrication dans le but de leur donner une texture souple ou rigide, voire une couleur particulière. Ces produits sont souvent 1000 fois plus toxiques que le plastique.
Le cas des nanopesticides, c’est-à-dire ces nanocapsules organiques dans lesquelles on introduit des pesticides, qui permettent de mieux cibler les plantes qu’on vise à exterminer et ainsi à réduire les quantités de pesticides introduits dans l’environnement, a été étudié par l’équipe de M. Wilkinson. Cette analyse a révélé que les nanoparticules étaient beaucoup moins problématiques que les pesticides qu’elles contiennent.
Comment les nanoparticules au potentiel toxique exercent-elles leur nocivité ? Leur très petite taille leur permet de traverser les membranes biologiques des cellules et leur confère une grande surface qui accroît leur réactivité chimique, explique le chercheur.
À défaut de règlements visant à réduire l’utilisation des nanoparticules, il faut absolument surveiller leur présence dans l’environnement, déclare M. Wilkinson.
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