«deux cinq zéro, 1 chapelle — 15 artistes»: hommage à l'aventure de Marguerite Bourgeoys
Le sculpteur Claude Millette a superposé sept cubes pour évoquer les sept traversées de l’Atlantique Nord de Marguerite Bourgeoys entre la France et la Nouvelle-France au XVIIe siècle. Il a ajouté un banc d’école pour rendre hommage à la première institutrice de ce coin du monde. Il y a aussi une mitre d’évêque, symbolisant la foi trempée des colonisateurs, bien inscrite dans la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, joyau du Vieux-Montréal.
Son triptyque ouvre l’exposition de groupe baptisée deux cinq zéro, 1 chapelle – 15 artistes, montée pour célébrer le 250e anniversaire de ce lieu de culte. L’exposition est officiellement inaugurée jeudi.
« La chapelle a été peinte et photographiée de tout temps par les artistes. Nous avons donc décidé de reproduire l’expérience en demandant à des artistes contemporains de se laisser émouvoir et inspirer par la chapelle et de nous proposer des oeuvres », explique Jean-François Royal, directeur général du site historique Marguerite-Bourgeoys, qui a dirigé ce cadeau de soi à soi.
Les 14 premiers artistes contactés ont tous rapidement dit oui. Tous ont également donné leurs créations originales au site patrimonial, qui les mettra à l’encan en décembre. Un catalogue accompagne le tir artistique groupé, avec des liens Web pour présenter chacun des participants et sa démarche. Leur sélection s’est faite en fonction de la forme d’art exercée, avec un souci de diversité régionale.
Les célèbres ex-voto en laiton du lieu de culte ont inspiré plusieurs créateurs. Marianne Chevalier en a tiré cinq collages colorés superposant des sérigraphies. Normand Rajotte a photographié les coeurs votifs, qui « évoquent une dévotion séculaire et une tentative humaine de communication ». Kathy Ouellette les a reproduits dans ses colliers blancs en céramique.
Fiber Power Installation Dessert No. 2, peut-être la plus iconoclaste des propositions, s’organise autour de constructions en textiles mixtes avec des fils électriques récupérés, des tubes PVC et du styromousse s’inspirant de l’ostensoir de l’église. Le rituel du christianisme est théophage…
L’immeuble religieux lui-même se retrouve aussi au centre de plusieurs créations. Myriam Van Neste en décline une version colorée et joyeuse avec son illustration numérique (une version sera tirée parmi les visiteurs). Robert Roy imagine Noël dans l’enceinte sacrée avec son huile nostalgique où passent des calèches.
Marc Lépine, membre des Urban Sketchers de Montréal, passionnés d’architecture et d’urbanisme, a dessiné la statue de l’ange à la trompette et la façade. Le photographe Richard Purdy a choisi de se laisser inspirer par l’huile Derrière le Marché Bonsecours, Montréal peinte en 1866 par William Raphael. Il accroche une photo de cette oeuvre et une photo de 2013 du site reprenant le même angle de vue. Le diptyque est uniformisé par un glacis sur toile.
La première chapelle
La chapelle iconique du Vieux-Montréal est née du désir de Marguerite Bourgeoys (1620-1700), première institutrice de Ville-Marie. La fondatrice de la congrégation de Notre-Dame a inauguré en 1678 la chapelle, conçue comme lieu de pèlerinage marial. Cette première construction a été détruite par un incendie moins d’un siècle plus tard (en 1754) en même temps qu’une partie importante du faubourg Bonsecours, puis reconstruite entre 1771 et 1773.
Le 250e anniversaire, célébré jusque dans le titre de l’expo, renvoie à cette date de la seconde inauguration. L’anniversaire a aussi été l’occasion de numériser tout le bâtiment. « On a des détails au millimètre près », explique le directeur Royal. « Après la destruction de Notre-Dame de Paris, nous nous sommes rendu compte que nous n’avions pas de plans très complets et très précis de la chapelle. On les a maintenant. »
La façade colossale actuelle de l’église date de la fin du XIXe siècle. Les oeuvres d’Ozias Leduc ornant son intérieur ont été réalisées avant la Première Guerre mondiale. Deux messes par semaine y sont encore célébrées dans les deux langues officielles pour une communauté de quelques dizaines de fidèles.
Le site patrimonial classé par Québec est visité par quelque 300 000 personnes chaque année. La visite de la petite exposition répartie au sous-sol du complexe commence et se termine dans la boutique, où les visiteurs sont appelés à attacher des rubans colorés à un mur grillagé, chacun correspondant à l’émotion ressentie face à l’expo. Une manière de créer en groupe une quinzième pièce hommage.