Avec la détresse, le nombre de déménagements baisse

Un groupe d'amis participe à un déménagement dans l'arrondissement d'Hochelaga-Maisonneuve
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Un groupe d'amis participe à un déménagement dans l'arrondissement d'Hochelaga-Maisonneuve

La folie des déménagements au 1er juillet n’est plus ce qu’elle était. Si changer d’adresse le jour de la fête du Canada n’est plus le casse-tête logistique que cela a déjà été, la détresse se fait sentir sur le terrain, rapportent des entreprises de déménagement et un organisme de défense des droits des locataires.

« Environ 40 % des déménagements qu’on effectue cette année sont [dus à] des évictions », estime le copropriétaire du Clan Panneton Pierre-Olivier Cyr. En temps normal, l’entreprise fait environ 150 déménagements partout au Québec le 1er juillet et doit faire appel à 300 déménageurs. Cette année, elle n’en a eu besoin que d’une centaine. « On est à 50 % du nombre de déménagements qu’on fait habituellement », précise M. Cyr, qui ajoute que cela a permis de réduire la tarification demandée d’une centaine de dollars en cette journée de pointe.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Un père participe au déménagement de son fils.

Robert Michaud, propriétaire d’une entreprise de déménagement à son nom, à Québec, note aussi une augmentation des déménagements dus à des évictions. « On en a eu une dizaine dans le mois de juin », affirme-t-il, un chiffre plus élevé que d’habitude.

Même s’il affiche complet en ce 1er juillet, il rapporte des activités au ralenti durant tout le mois de juin. Il explique cela notamment par la difficulté des gens à trouver un logement abordable.

Des gens « en détresse »

« Ce qui me marque beaucoup cette année, ce sont les appels des gens en détresse, dit Pierre-Olivier Cyr. Jusqu’à hier encore, il y a des personnes qui avaient réservé, mais qui ne nous avaient pas donné l’adresse de destination », à défaut d’avoir trouvé un appartement à la hauteur de leurs moyens.

Le prix des loyers a de quoi en rendre plusieurs anxieux. Ce sont 45 % des répondants québécois à un sondage de Royal LePage qui disent que le paiement de leur loyer compte pour plus de 30 % de leurs revenus nets.

« La détresse psychologique est présente. Les déménageurs [et] les représentants des ventes chez Déménagement Le Clan Panneton ne sont pas des psychologues, mais, souvent, on est pris avec la détresse des gens qui ne savent pas nécessairement où ils s’en vont », affirme M. Cyr.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Selon un sondage de Royal LePage, 45% des répondants québécois disent que le paiement de leur loyer compte pour plus de 30% de leurs revenus nets.

« Les déménagements diminuent, mais, malgré ça, il y a plus de locataires qui appellent à l’aide pour le 1er juillet. Tout ça en dit très long sur la profondeur de la crise actuelle », indique Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

« Depuis quelques années, le nombre de locataires qui déménagent a diminué. […] En 2018, avant le début de la pénurie actuelle, il y avait 18,6 % des ménages locataires qui déménageaient. En 2023, on était à 10,4 % », rappelle Mme Laflamme, citant des données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Il s’agit selon elle d’un reflet d’un marché locatif qui s’est emballé, avec le prix des loyers qui explose.

Des chiffres qui en cachent d’autres

« On ne sait pas combien de ménages vont se retrouver sans logement à la fin de la journée », selon Véronique Laflamme. Le FRAPRU tiendra une conférence de presse jeudi matin pour dévoiler son bilan national, qui comprendra le nombre de ménages locataires sans logement à la date fatidique.

Lundi matin, on dénombrait 384 ménages relogés temporairement au Québec, dont 125 à l’hôtel et 259 chez un parent ou ami, selon la Société d’habitation du Québec. En 2023, près de 500 ménages se sont retrouvés sans bail au lendemain du 1er juillet au Québec.

« Ça fait beaucoup de monde », note Véronique Laflamme, qui nuance toutefois ces chiffres. Même s’ils frappent l’imaginaire, « il faut faire attention avec les comparaisons, parce que, cette année, il n’y a jamais eu autant de services d’aide à la recherche de logement gérés par les offices municipaux d’habitation » financés par Québec.

Ainsi, l’accès accru à des services d’aide fait sortir de l’ombre des locataires qui étaient auparavant en difficulté, mais qui n’apparaissaient pas dans les statistiques, faute de ressources pour les accompagner, ce qui fait gonfler les chiffres en comparaison avec les années précédentes.

Il ne faut pas oublier non plus les ménages qui vivent des situations inadéquates par manque de solutions, sans pour autant être à la rue : logements en mauvais état, colocations non choisies, appartement trop petit, etc. « Ce sont des gens qu’on ne voit pas dans les chiffres, mais qu’on peut deviner derrière les statistiques de déménagements qui diminuent. »

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