La démocratie au rebut
Établir des parallèles entre l’état actuel du monde et la montée du fascisme des années 1930 comporte des limites. Il n’en demeure pas moins que la fascination contagieuse pour les leaders populistes et autoritaires rappelle cette époque. En l’occurrence, lorsque les populations se montrent plus réceptives au mirage d’un redressement radical de l’ordre social. Une tendance observable lorsque règnent un sentiment d’insécurité ou la pénible impression que la société se délite et que rien ne va plus. C’est dans ce contexte que des hurluberlus narcissiques de la trempe des Hitler, Mussolini, Trump, Milei et autres prennent du galon. Leur force ? Exceller dans l’art d’amplifier cette perception d’un chaos social.
Dès lors, sous le couvert d’idéologies en apparence vertueuses, et de la prétendue urgence d’agir, ils font écoper les processus démocratiques. La réflexion objective, l’écoute, les débats et les décisions sous-pesées de part et d’autre apparaissent trop laborieux, voire stériles ou idéalistes. Ils laissent place à des solutions simplistes qui trouvent bien des adeptes, et qui finissent par favoriser inexorablement une minorité soucieuse de ses seuls intérêts. Surtout si celle-ci parvient à canaliser la frustration ambiante sur une cible autre que ses actes répréhensibles. Malheureusement, l’ignorance ou l’aveuglement eu égard aux exactions des régimes autoritaires passés et actuels oblitèrent trop souvent la conscience des dérapages qui résultent de la mise à l’écart des droits individuels et collectifs.
Comme l’enfer est pavé de bonnes intentions, le recours aux slogans lénifiants et à l’emporte-pièce des populistes qui prétendent oeuvrer pour le bien du peuple devrait éveiller les soupçons. De même que les idées réductrices et insidieuses telles que le retour à une prétendue grandeur, la nécessité d’effacer l’humiliation subie dans le passé, les supposées menaces et manipulations extérieures, l’identité ou la pureté de la « race » mises à mal, le rétablissement salutaire de la moralité d’antan, la levée de contraintes économiques ou environnementales dites inutiles. Bien qu’imparfaite et exigeante, la démocratie s’appuie malgré tout sur des aspirations plus nobles et plus altruistes, dont le respect de la vie humaine et le bien-être du plus grand nombre.