La déconfiture des libéraux fédéraux
Le lundi 24 juin 2024, les électeurs de Toronto–St. Paul’s, circonscription au centre de la plus grande ville du Canada, ont soufflé suffisamment fort sur la forteresse libérale, qui s’est écroulée au profit du conservateur Don Stewart. Trente-six années s’étaient écoulées sans que les libéraux soient ébranlés. Mais voilà : la maison de briques des trois petits cochons rouges s’est rapidement transformée en maison de paille…
Le résultat aux urnes est sans équivoque et place le Parti conservateur du Canada (PCC) en belle position pour maintenir l’écart important en sa faveur dans les intentions de vote en prévision des prochaines élections canadiennes. Ce changement du rouge au bleu à Toronto a probablement fait virer au mauve Justin Trudeau, de quoi l’amener à réfléchir plus sérieusement à son avenir politique, ou pas.
Mais cette défaite est-elle réellement un test de leadership pour le chef du Parti libéral du Canada (PLC), qui ne remonte pas dans les sondages depuis maintenant plus d’un an et traîne loin derrière le PCC ? N’est-elle pas plutôt l’illustration d’une vague bleue, beaucoup plus profonde celle-là, qui commence à déferler, ici comme un peu partout dans le monde, faisant l’apologie de la droite, voire de l’extrême droite ?
Chose certaine, les exemples s’accumulent. L’Europe a vu un gouvernement bleu foncé s’installer en Italie, une montée fulgurante du populisme en France, un gouvernement d’extrême droite en Hongrie, sans omettre la Finlande, la Suède et les Pays-Bas, où on observe un soutien ou une participation de la droite aux gouvernements en place… Et que dire de l’Argentine en Amérique latine, où le gouvernement s’acharne à réprimer l’activité syndicale et à multiplier les mesures répressives ? La liste n’est pas exhaustive. Le centre et la gauche sont de plus en plus absents de l’échiquier politique international, ça glace le dos.
On serait tenté, avec les récents résultats aux élections partielles de Toronto, de planifier un dîner entre les membres de la garde rapprochée de Justin afin de lui suggérer de prendre des vacances… et d’oublier de revenir, un peu à la manière des directeurs de clubs de hockey qui congédient leur entraîneur quand les joueurs tournent en rond et que l’équipe ne va nulle part. Tirer ainsi sur le « coach » n’est pas toujours salutaire ni gage de plus beaux jours, loin de là. Mais trouver un bouc émissaire est parfois LE moyen pour se donner l’illusion qu’on agit sur le problème et se donner faussement bonne conscience. En absence de porte-poussière, on balaie sous le tapis. Et hop ! Le problème n’existe plus…
Justin Trudeau traîne certes des gaffes à répétition dans son sac à dos. Il manque aussi cruellement de répartie verbale, s’exprime dans un français douteux et collectionne les réponses évasives, vides. Toutefois, son départ du PLC serait-il nécessairement le moteur d’une remontée significative dans les sondages, même en présence d’un candidat brillant qui ferait l’unanimité au sein du parti ? Les options sérieuses pour reprendre efficacement le flambeau rouge ne se bousculent pas au portillon… ça aussi, c’est symptomatique d’un problème plus profond.
Justin part, Justin reste… Pile ou face ? Dans les deux cas, la déferlante bleue risque fort de s’imposer, sans même que l’aiguille des sondages change d’une virgule cet écart imposant, devenu bientôt obsédant pour les rouges.
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