«Sans toi[T]»: «protéger les souvenirs»
Depuis le 4 mai, les gagnants de la deuxième saison de Révolution, Janie Richard et Márcio Vinícius Paulino Silveira, sont en tournée à travers le Québec avec leur nouvelle création, Sans toi[T]. Cette fois-ci, le duo laisse la scène à huit danseurs professionnels et s’entoure de Frédéric Bélanger, conseiller artistique qui, pour la première fois de sa carrière, travaille sur un spectacle entièrement consacré à la danse.
« Dès qu’on a commencé à tourner avec notre premier spectacle, Syntonie, on avait déjà envie de créer quelque chose d’autre ensemble, de continuer à faire voir la danse et de connecter avec le public », se rappelle Márcio. Le duo d’artistes a en effet parcouru le Québec une première fois avec sa première création post-Révolution, mais au moment de commencer ce projet, la pandémie venait frapper à nos portes. Par chance, ils ont pu continuer, car ils étaient seulement tous les deux sur scène.
Pour poursuivre cette relation avec le public, les deux artistes se sont questionnés, non pas sur une thématique, mais sur une situation qui parle au plus grand nombre possible. Et rapidement, l’idée de la table est venue à eux. « Je m’en souviens comme si c’était hier. Chaque dimanche, on allait chez mes grands-parents et la table était pleine de bouffe, de 6 h du matin jusqu’à tard. Ma famille adorait recevoir, il y avait de la musique, du bruit, beaucoup de conversations, etc. Ça me donnait énormément de plaisir d’être là », se souvient Márcio de ce moment passé dans son Brésil natal. Janie et Márcio ont alors voulu explorer toutes les facettes de la table, et de ce qu’elle peut représenter, de l’objet joyeux et rassembleur à l’espace vide et rempli de tristesse. « Sans nos souvenirs, on n’aurait pas pu créer ce spectacle. C’est alors le toit du théâtre, mais aussi de nos maisons qui est là pour protéger ces souvenirs. »
Pour Sans toi[T], Janie et Márcio ont voulu laisser la place aux danseurs sur scène et porter cette fois-ci seulement le chapeau de chorégraphes. Une pratique qu’ils ont notamment développée durant leur passage à TVA. « Avant Révolution, Márcio et moi étions surtout des interprètes. Pour l’émission, on a tout créé ensemble, ce qu’on avait envie de danser et de dire, et on s’est vraiment plus dans ce rôle », explique Janie. Pour cette nouvelle création, le duo s’est tout de même entouré de deux autres chorégraphes, Myriam Allard et Sarah Steben. « Elles viennent de milieux très différents du nôtre. Myriam du flamenco et Sarah de la house, du hip-hop. On avait envie d’amener des énergies différentes », ajoute-t-elle.
Enfin, le duo a aussi décidé de faire appel à Frédéric Bélanger, metteur en scène dans le milieu du théâtre. « On veut faire de la danse qui ne parle pas seulement aux danseurs, explique Márcio. C’est pour ça qu’on avait besoin de Frédéric. » Selon les chorégraphes, le fait que Frédéric ne vienne pas du milieu de la danse est « une force ». « Ça nous aide dans la compréhension que va avoir le public qui vient nous voir, qu’on puisse vraiment connecter avec lui », ajoute Janie.
« Mon rôle, c’est de m’assurer que ce qu’ils sont, ce qu’ils veulent devenir, commence à naître sur scène. Je suis le gosseux qui pose des questions. “Vous voulez dire quoi ? C’est quoi ça ? Ça, je ne suis pas sûr, etc.” On cherche alors des solutions ensemble », explique M. Bélanger.
Donner une place aux danseurs, et au public
140. C’est le nombre de danseurs qui se sont présentés lors des auditions de Sans toi[t]. En plus du talent, Janie et Márcio ont voulu miser sur la diversité des profils pour pouvoir les sélectionner. « On a choisi cinq danseurs professionnels, bien établis, qui travaillent dans plusieurs autres projets, trois danseurs émergents, dont deux pour qui c’est le premier contrat professionnel. C’était important pour nous de donner une chance à des débutants, car moi, jeune, je n’ai pas eu cette chance. On me demandait d’avoir de l’expérience, mais on ne m’en donnait pas », raconte Janie.
« Dès l’entrée, il y a une table où le public peut partager un souvenir qu’il a vécu, dans une boîte à souvenirs. Dans la pièce, un danseur va offrir une improvisation inspirée par ce moment », explique Janie. En effet, pour le duo de danseurs, il est primordial de toucher le public. « Avoir un public qui réagit pendant notre spectacle, c’est important, que ce soit des émotions belles ou touchantes, on veut des émotions sans pour autant les guider », poursuit-elle.
De plus, Janie et Márcio intègrent aussi de jeunes danseurs amateurs de chaque ville à leur représentation. En effet, les écoles reçoivent la vidéo d’une chorégraphie à apprendre avec leur enseignant trois mois avant la date du spectacle. La semaine avant, Janie et Márcio intègrent les jeunes dans la salle pour régler les derniers détails et faire une répétition générale. « On l’a fait aussi avec notre premier projet et ça a super bien marché : 93 écoles, et plus de 800 danseurs ont dansé avec nous à travers le Québec. C’est une façon pour nous d’aider la relève et de donner aux jeunes un projet concret auquel s’accrocher », affirme Janie.
De plus, cette formule permet de cibler un public « qui n’a pas forcément déjà vu de spectacle de danse professionnel auparavant », selon Márcio, mais aussi d’habituer les plus jeunes à la danse. « Il faut faire évoluer notre public. La plupart du temps, ce sont des abonnés qu’on voit dans la salle, mais où sont les jeunes ? Pour que notre milieu survive, il faut mettre en valeur la qualité de la danse, la recherche, les artistes de chez nous et que toutes les générations viennent en consommer, conclut-il. Les jeunes sont ceux qui vont remplacer le public de demain, donc on doit déjà développer des habitudes, et un attachement, avec eux. »